LA COVID 19, LE MASQUE ET LES YEUX / De l'autre côté de l'écran

Fernand Fortuné

Rubrique

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     En ces temps troublés, ceux dans lesquels cheque mot, chaque phrase semble piégée, peut-être convient-il de recourir à cette parole de vérité profonde qu'est la poésie...

LA COVID 19, LE MASQUE ET LES YEUX

Elle.
Un visage que l'on remarque à peine. Une beauté qui parle d'elle-même, sans plus.

Un regard comme ça, pas plus d'émotion que ça.

C’est ainsi que je la voyais.

Je la rencontrais chaque jour dans le même bureau. Une émotion légère, quotidienne. Chaque matin, je ne pouvais m'empêcher de voir - pas regarder, je ne voulais pas - sa bouche rouge. Mais pas envie d'y goûter, d'y fondre et de m'y perdre. Sa démarche. Émouvante, oui, mais pas de désir particulier. Pas envie de la prendre dans mes bras. Il y avait pourtant quelque chose, ce quelque chose qui devait me pousser vers elle et me donner l'occasion de me déclarer.

Je cherchais et ne trouvais pas.

Puis arrivèrent Covid 19, Confinement, Visioconférence et Télétravail. On nous éloigna l'un de l'autre.

Pour moi, ce qui parcourait la fibre et les systèmes devenait sensible et sensuel au fil des jours et je devenais progressivement fou. On me disait dépressif pour reprendre les vérités des Experts et des journalistes. On me mettait dans une case. On me cochait dans une case. Dans ce malheur généralisé, j'avais découvert, enfin,  cette chose en elle qu'elle n'avait pourtant pas cachée, qu'elle ne pouvait laisser nous échapper, qu'elle n'avait pourtant jamais dissimulée.

Dans cette période troublée, chaotique et dangereuse, en cette période où à chaque seconde une vie pouvait être en jeu, à ce moment où le distanciel -comme ils disent- l'emportait sur le présentiel, avec son masque sur le visage, derrière l'écran du moniteur,  elle se dévoilait, se révélait à moi. Elle troublait mon cœur et m’ouvrait son âme.

Enfin, enfin me disais-je, je vois, je vois ses yeux et je m'y noie. Ses yeux. Son masque  magnifiait ses yeux aimantés, magiques, troublants. Son masque me donnait à voir ce que je cherchais et qui était là, pourtant là devant moi tous ces jours d'hésitation, d'interrogation et de fantasme.

- Distanciellement tien!

Deux mots pour un message que je voulais ardent.
Elle le lit, leva la tête et dans ses yeux, je compris qu'elle me souriait....et qu'elle pouvait damner le diable en personne.
 

Ducos, le 30 Mars 2021
©Fernand Tiburce FORTUNÉ

 

De l'autre côté de l'écran.

 

Ce soir, je m'ennuie, les hommes m'ennuient et celui-ci en particulier, un goujat

Alors, je relis quelques paragraphes pris au hasard dans l'ouvrage de Tiburce et je m'arrête plus longuement sur celui-ci qui me fait réfléchir :

 

"J'ai souvent dit non  aux hommes.

Et après que j'ai dit non et non, mille fois, l'un en particulier, pour sauver la face, s'est transformé en poète - cela dit, j'ai apprécié -  en roucoulant qu'il avait, à en perdre le sommeil, goûté à tout le miel de mes "non",.

 

J'ai dit, oui, quelquefois!

Oui, par égoïsme,

Oui, pour l'aventure,

Oui, aussi par lassitude".

 

Je soupire et je reprends au début, je souligne du doigt chacune de ces lignes, je ferme le livre et je ferme les yeux pour revivre ma journée.

 

Présentiel!

Mine de rien, chaque matin que le soleil fait, j'avais bien remarqué que je lui plaisais, mais soit qu'il manquait d'audace, soit qu'il recherchait quelque chose de particulier en moi qu'il ne trouvait pas,  ou bien  tout simplement la bonne occasion, l'occasion à ne pas rater, pour me dire un mot, ou plonger son regard dans mes yeux, voire regarder -avec gourmandise- ma bouche tout à lui, bien rouge. Il croyait que je n'avais pas remarqué qu'il me portait attention, caché qu'il était dans ses peurs, ses questionnements, voire ses inhibitions.

J'étais en attente, car c'est moi qui voulais prendre toute initiative et le ferrer au moment où il s'y attendrait le moins. Je voulais lui dire oui, lui murmurer du Tiburce : "viens , cours, vole et me prends"... pour lui donner du courage.

 

Avec la Covid 19, nous nous sommes retrouvés chacun chez soi en télétravail et téléconférence. Impossible donc de le croiser, de le voir souffrir, de pouvoir lui venir en aide. Mais le hasard  (c'est terrible le hasard, terrible!) a voulu que nous soyons choisis pour faire équipe, travailler ensemble pour échanger des idées  et des données, afin de rédiger un rapport commun.

 

C'était le premier jour du premier confinement. Le moniteur de l'ordinateur était notre lien et soudain, je l'ai transformé, dans ma tête, en miroir. Et le miroir de mon âme ce sont mes yeux, dont on m'avait souvent vanté l'éclat perturbant.

J'ouvris l'ordinateur, signai avec mon mot de passe, me mis en connexion avec lui, attendis. Pendant ce temps, je mettais mon masque et à ma grande surprise, je découvris ainsi mes yeux. Mes yeux, c'est moi, c'est tout moi. Il ne pourra pas me fuir. Il aura l'obligation de me côtoyer, de me sentir tout près de lui, il ne pourra pas échapper  aux vibrations  magiques que la fibre transporterait vers lui.

Le voilà sur l'écran. Il est interloqué. Il ne parle pas. Il me regarde enfin franchement. Il est surpris. Il ne baisse pas les yeux. Je le sens étourdi. Je veux qu'il me parle au micro. Moi-même, je le regarde intensément. J'attends toujours qu'il me parle, la moindre des politesses serait de me dire bonjour. Je garde mon regard fixé sur le sien. Il est pris dans mon filet. Il semble vraiment perdre la tête. La machine me dit qu'il écrit, je regarde l'écran, avec appréhension il est vrai, car  il pourrait tout gâcher.

- Distanciellement tien!

Génial, je like, je lève la tête et j'allume mes yeux. Je le veux.

 

Le goujat, il éteint , il coupe la communication. J'enlève mon masque et j'essuie une larme.

Je sais qu'il a eu peur, très peur.

 

©Fernand Tiburce FORTUNE

Ducos

21/10/2021

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