L'audace (pour une fois) de faire peuple

   Une campagne est menée actuellement sur les réseaux sociaux contre Louis Boutrin, conseiller territorial du GRAN SANBLE et président du parti MARTINIQUE-ECOLOGIE, membre de cette coalition.

   Son tort ?

   Avoir accepté de faire partie de la délégation dirigée par le Président du conseil exécutif de la CTM, Serge Letchimy, qui s'est rendue à Paris afin de discuter avec le ministre de l'Intérieur, Gérard Darmanin, d'un élargissement progressif des compétences de la principale collectivité de la Martinique. On constate que Justin Pamphile, maire du Lorrain et lui aussi conseiller territorial du GRAN SANBLE, fait partie de ladite délégation, or aucune entreprise sournoise visant à le discréditer et le qualifier de "traitre "n'a été enclenchée à son endroit. Rappelons, pour ceux qui ont la mémoire courte, que J. Pamphile fut le candidat du GRAN SANBLE aux dernières élections législatives dans la circonscription du Nord.  

   L. Boutrin apporte ses compétences juridiques dans les discussions entamées d'abord parce que sa thèse de doctorat en droit avait le titre suivant : Droit de l'aménagement du territoire et statuts constitutionnels des Outremer français : contribution à la recherche d'une efficience optimale. Ensuite, parce qu'il fut en 2009, l'un des principaux animateurs du groupe "OBJECTIF 74" qui, bien avant les partis politiques, avait tenté de rassembler autour de l'idée qu'il nous fallait voter "OUI" à la consultation de janvier 2010 sur l'Article 74 lequel nous permettrait d'obtenir un tout petit début de commencement d'autonomie. Enfin, parce que dans son dernier livre, L'Audace de changer. Un New-Deal pour la Martinique, il invite les uns et les autres à dépasser leurs divergences politiques dès l'instant où l'intérêt supérieur de la Martinique est en jeu.

   On constate donc une indéniable cohérence dans les idées et actions politiques de L. Boutrin et c'est lui faire un mauvais procès que de l'accuser de "pactiser avec l'ennemi" à savoir le PPM. Procès d'autant plus mauvais que ceux qui étaient au pouvoir entre 2015 et 2022 n'ont strictement rien fait pour faire avancer ne serait-ce que d'un millimètre la "décolonisation" dont ils se réclament à cors et à cris aujourd'hui. En effet, aucune action, aucun acte de rébellion ou de simple refus du système en place n'a été mis en oeuvre durant cette période au cours de laquelle on s'est contenté d'agir dans les strictes règles du système français : verser des aides sociales, accorder des subventions à telle entreprise ou telle association, construire ou réfectionner des routes, des écoles etc...Rien de différent donc de ce qui avait été entrepris avant 2015 !

   Aujourd'hui, la situation se prête à des changements, fussent-ils modestes, en direction d'une plus grande prise de responsabilité des collectivités martiniquaises à commencer par la CTM d'autant qu'un vent favorable est en train de souffler en Guyane (qui va vers l'Autonomie pure et simple), en Polynésie, en Kanaky et en Corse. La Martinique peut-elle se payer le luxe de rater une fois de plus le train ? Car il est bien beau de se draper dans des postures avantageuses et de clamer "décolonisation", "libération de la Martinique" et tutti quanti alors même que ces termes ne recouvrent aucune réalité concrète en ce moment précis de notre histoire. Ce qu'il nous faut présentement et sans perdre de vue pour autant l'objectif final qui est d'accéder un jour à la pleine et entière souveraineté, c'est qu'il y a nécessité de faire peuple, aussi galvaudée soit devenue cette expression, pour essayer de voir si nous pouvons faire deux pas, trois pas, en avant. 

   Faire peuple ne signifie ni se compromettre ni faire allégeance à qui que ce soit et surtout pas au PPM. Louis Boutrin et son parti n'oublient pas qu'en 2007, à la sortie du livre sur le chlordécone qu'il avait co-écrit avec R. Confiant, Chronique d'un empoisonnement annoncé, Serge Letchimy, alors maire de Fort-de-France, avait rassemblé à la hâte les revendeuses des différents marchés de la ville dans une association appelée Machann Foyal laquelle avait défilé dans les rues en conspuant les noms de ces deux écologistes. Motif ? En déclarant que les légumes qu'elles vendaient étaient contaminés par le chlordécone, ils auraieny cherché "à leur ôter le pain de la bouche" ! L. Boutrin et ses amis n'oublient pas qu'en 2010, le PPM avait appelé à voter contre l'Article 74 en utilisant les arguments les plus éculés de la vieille droite assimilationniste alors même que le mot d'ordre de ce parti est l'autonomie depuis...1958. L. Boutrin et ses amis n'oublient pas que lorsque le scandale du CEREGMIA (volatilisation de 12 millions d'euros de Fonds européens dans la comptabilité de l'Université des Antilles), S. Letchimy avait personnellement soutenu les mis en cause sur les ondes de Radio-Caraïbes. Mis en cause qui furent radiés de l'université et révoqués à vie de la fonction publique par le CNSER (Conseil National de l'Enseignement Supérieur) et qui ayant fait appel devant la plus haute autorité judiciaire de la République française, le Conseil d'Etat, avaient été sèchement déboutés. 

   Rien de tout cela n'est oublié ! Sans même parler d'autres ignominies de moindre importance qu'il serait trop long de rappeler ici.

   Mais, l'INTERET SUPERIEUR de la Martinique commande non pas d'oublier tout cela mais de prendre de la hauteur en se refusant à imiter le comportement sectaire du PPM. Ce dernier a remporté les dernières élections territoriales et possède dès lors une légitimité qui lui a été conférée par le peuple martiniquais. Nier cela revient à faire preuve d'un esprit anti-démocratique. Si le GRAN SANBLE a perdu ces élections, il n'a qu'à s'en prendre à lui-même et notamment, aux choix qu'il avait fait quant aux candidats qu'il avait choisis comme têtes de section. Le parti de L. Boutrin, MARTINIQUE-ECOLOGIE, ne porte aucune responsabilité non plus, pour ne prendre que ce seul exemple, dans l'éclatement du MIM qui a vu une bonne douzaine de conseillers territoriaux du GRAN SANBLE s'en aller pour créer un nouveau parti, PEYI-A, avec J-P. Nilor. 

   L'heure n'est donc plus aux postures, aux éternelles guéguerres politiciennes qui contribuent encore plus à discréditer les politiques aux yeux des Martiniquais. Discrédit qui se manifeste à chaque élection avec un taux d'absentéisme catastrophique car frôlant les 70%. Le Congrès avait, de plus, été proposé par le GRAN SANBLE lui-même et le PPM n'a fait que reprendre cette idée. Celles et ceux qui estiment que le Congrès sous la houlette du PPM est nul et non avenu auraient dû refuser d'y participer. Or, ce n'est pas le cas !

Commentaires

BIEN ENVOYE !

Albè

25/10/2022 - 07:19

Ben dis donc ! comme disait mon grand-père bourguignon, qu'est-ce que c'est bien envoyé ! En effet, on constate à la lecture de cet article que nombre de pendules sont remises à l'heure et que certains en prennent pour leur grade. Dommage que Fondas ne touche que les intellos ! Le peuple, le petit peuple, auraient bien besoin de savoir tout cela. A vous, mesdames-messieurs les responsables de ce site de redescendre à un niveau moins himalayen et de penser à monsieur Ti Sonson. Je constate que le site comporte nettement moins d'articles en anglais ou espagnol. Continuez, vous êtes sur la bonne voie ! Ti Sonson ne connait pas ces langues.

Problème supplémentaire

Frédéric C.

26/10/2022 - 15:27

Certains partis, notamment le PKLS, refusent de participer aux élections, et de donner une consigne de vote pour les "moins pires" en avançant que ce sont des élections organisées par la puissance de tutelle. Et ce, quelle que soit le type d'élection (même municipales ou pour la CTM). Si le Gvt français propose une formule d'autonomie politique, refusera-t-il de donner au moins une consigne de vote? Que proposent-ils comme alternative ? "Lutter pour faire aboutir notre combat libérateur !". Très bien, mais comment, par quels moyens concrets ? Ils ne le disent pas. Peut-être prendre le maquis "dans les Montagnes de Balata" (A.Plénel, déc 59) ou la Pelée, en coupant tout contact tactique avec "la plaine" donc les "pleutres" qui sont dans la vie réelle et ont bien du mal à joindre les deux bouts... Ce refus de porosité avec la société réelle amène à se demander si ce n'est pas de la "posture" et du "gauchisme". Ce parti se réclame de Lénine, mais oublie (sciemment ?) que Lénine avait publié un petit ouvrage où il condamnait d'emblée ce "révolutionnarisme de la phrase". Un chapitre était titré "Pas de compromis?", Un autre portait sur le refus systématique de participer aux élections même "bourgeoises" Même si le livre a un siècle, il soulève des questions qui restent actuelles. Car c'est ÉVIDENT qu'il faut parfois faire des compromis tactiques, ne serait-ce que pour faire entendre sa propre sensibilité, surtout sur des dossiers où l'on a des compétences affutées. Et donc on ne peut pas refuser par principe de refuser de participer aux élections... "Compromis" ne veut pas dire "compromissions'', mais il y a de la marge entre les deux. Saisir une opportunité, ce n'est pas forcément être opportuniste... Et puis, en-dehors de fantasmer sur ce qui a pu se passer dans d'autres pays pour le transposer, toujours fantasmatiquement et sans programme précis, est-ce bien conséquent et sérieux ? C'est facile de critiquer tout ce qui se fait, mais d'ici le "grand soir", qu'est-ce qui est proposé à la population pour l'entraîner vers un projet collectif ? Ben on ne sait pas... POUR REVENIR À LA MARTINIQUE et à l'article : il est évident qu'il faut parfois faire des compromis, sinon personne n'avance. Et c'est bien le problème de la Martinique : on stagne voire recule depuis des années, pas seulement du fait de l'"affaissement" du personnel politique, mais aussi du fait de certains qui sont dans l'incantation. Le bouquin de Lénine, c'est "La maladie infantile du communisme, le gauchisme". Ce n'est pas être obsédé par la Russie que d'en parler: ce parti se réclame de Lénine. De toutes façons, si on ne veut pas parler de la Russie, celle-ci parle à la planète depuis le 24/2/2022 (et les dirigeants de L'OTAN ont fait le maximum depuis 30 ans, en douce, pour que ça dégénère ainsi, même si Poutine est AUSSI un nationaliste grand'Russe. Comme quoi tout est quand même un peu lié.

Tout ça pour rappeler que...

Frédéric C.

26/10/2022 - 16:18

1)il faut penser global (dans l'espace et le temps) et essayer d'agir "local". Il me semble que c'est ce qu'essaye de faire Boutrin. Sans garantie de résultat, bien sûr ! Mais si on n'essaye rien on n'arrive à rien, et on a son avenir dans le dos. 2)En tant que juriste, L.Boutrin avait, me semble-t-il, fait des propositions d'évolution institutionnelle (publiées dans Fondas) sur la base de la Constitution Française actuelle, à retoucher entre les articles 72 et 74, qui permettrait d'avoir un nouveau statut. Très peu de gens ont fait ce travail récemment en Mque..Le pays n'étant pas le centre du monde, il serait peut-être utile de voir comment les militants guyanais (de la CTG et du Parlement français) et Guadeloupéens (CIPPA et ANG) voient les choses. L'échange d'expériences et d'idées est toujours enrichissant de part et d'autre. A noter que notamment le CIPPA d'Alain Plaisir est parfaitement conscient du pb de la corruption dans son pays, de l'hypothèque que cela fait peser sur tout projet d'autonomie. Il semble très intéressé par l'article paru ici sur le SMTVD... L'histoire n'est peut-être pas écrite d'avance si on ouvre le débat par-delà les frontières maritimes...

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    26/11/2024 - 07:19

    ...cette précision, cela n'a rien à voir avec le fond de l'article. Me semble-t-il...

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    Frédéric C.

    25/11/2024 - 14:16

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