L'insupportable amalgame entre le scandale du chlordécone et la pandémie de covid-19

     Il n'est plus acceptable que ceux qui ont tardivement pris conscience de l'empoisonnement de notre pays par ce redoutable pesticide organochloré qu'est le chlordécone et qui en font désormais un fromage, un moyen de se hausser du col et se mettre en avant, il n'est plus acceptable donc que ces personnes continuent à amalgamer chlordécone et covid-19. 

   Comme dans la lettre larmoyante adressée dernièrement à E. Macron par l'un de ces opportunistes. Lettre dans laquelle il sollicite, sans rire, "la bienveillance" du président réélu, croyant suprêmement habile de reprendre un mot souvent prononcé par ce dernier, pour demander au chef de l'Elysée d'intervenir pour empêcher que le dossier du chlordécone soit refermé et pour que les soignants hostiles à la vaccination contre le covid-19 soient réintégrés. 

     Or, les deux choses n'ont absolument rien à voir ! 

     Il est grand temps désormais de cesser d'abêtir les Martiniquais, d'arrêter ce confusionnisme malhonnête. En effet, l'empoisonnement de notre pays par le chlordécone pendant trois décennies est un crime colonial dont on connait les auteurs. A savoir : ministres français délivrant des AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) pour l'utilisation du chlordécone et les renouvelant régulièrement sur demande de certains de nos parlementaires ; propriétaires de bananeraies, le plus souvent Békés, qui savaient très bien que ce pesticide avait été définitivement interdit dès 1979 par les Etats-Unis, pays où la molécule fut synthétisée ; importateurs, tous Békés, du chlordécone (le nom de l'un d'entre eux figure noir sur blanc dans l'ouvrage co-écrit par L. Boutrin et R. Confiant, publié en 2007, Chronique d'un empoisonnement annoncé, à savoir les Etablissements De Laguarigue) ; maires qui ont l'obligation légale de délivrer à leurs administrés une eau du robinet qui soit potable et non gorgée de chlordécone comme ce fut le cas. 

    Que la justice-sous-les-cocotiers ne fasse pas son travail dès qu'il s'agit de Békés ou de délinquants en col blanc mais à l'épiderme coloré (CEREGMIA, SODEM, SMTVD etc.), on connait. Qu'elle ait délocalisé l'affaire du chlordécone au Tribunal de Paris où elle sera comme d'habitude enterrée, on est habitués. Que ceux qui niaient l'empoisonnement au chlordécone ou qui ont pris le train en marche se mobilisent aujourd'hui pour défendre la cause des Martiniquais, c'est très bien car il n'est jamais trop tard pour bien faire.

   Mais que ces derniers s'emploient à faire croire au peuple que le chlordécone et covid-19, c'est du pareil au même, relève de la démagogie populiste parfaitement stérile. Chacun sait que le covid est apparu dans la ville de Wu-Han, en Chine, avant de se répandre sur la planète entière et qu'il n'a rien à voir avec "la domination coloniale". Alors, tout aussi habilement, s'imaginent-ils, nos confusionnistes ont tenté de faire croire que ce n'est pas tant la pandémie qui est colonialiste mais d'une part, le mauvais état de nos hôpitaux, de l'autre la gestion par l'Etat et non par la Collectivité locale de la crise sanitaire. A cela, il faut rappeler que s'il est vrai que notre système hospitalier manque sérieusement de moyens, il en va de même dans maintes régions de l'Hexagone, que la Martinique n'en a pas le triste monopole et qu'il existe aussi des déserts médicaux dans la Creuse ou en Vendée. Quant à la "gestion locale de la crise sanitaire" réclamée à cors et à cris par certains, feignent-ils d'oublier que les Martiniquais ont voté à 80%, en janvier 2010, conte toute forme de...gestion locale, fut-elle modeste (Article 74) ? Non, on ne peut pas à la fois rejeter celle-ci et protester parce que c'est l'ARS qui s'est occupée de gérer la crise. Ni parce que c'est le Préfet et lui seul qui, au regard de l'Article 73, est en droit de fermer l'aéroport, d'interdire l'accostage des bateaux de croisière ou encore d'interdire la baignade en mer.

   Le populisme électoraliste est l'une des principales tares de la Martinique.

   Il empêche de dire la vérité au peuple et traite les Martiniquais comme de grands enfants qui auraient le droit ad vitam aeternam d'avoir le beurre et l'argent du beurre. Il faut que nos autonomistes et surtout indépendantistes disent la vérité au peuple et cessent de soutenir des réclamations dénuées de sens comme "Maintien de tous nos acquis" ou "Touchez pas à nos 40%". Faire croire au peuple qu'en cas de changement statutaire, il pourra conserver le meilleur du système actuel tout en se débarrassant du pire de ce même système relève d'une entreprise délibérée d'infantilisation. 

   Se prendre en charge, en effet, devenir autonome ou indépendant demandera des sacrifices, des modifications profondes dans notre mode de vie sans que pour autant cela revienne à sombrer dans la misère comme le font croire malhonnêtement les défenseurs du statu-quo. Il s'agira de construire pas à pas une nouvelle forme de société plus égalitaire, moins soumise aux puissances d'argent, plus respectueuse de l'environnement, basée d'abord sur nos propres ressources et non sur l'aide étrangère comme le font avec succès depuis plus d'un demi-siècle des pays d'une taille comparable à la nôtre comme Barbade, l'île Maurice ou le Cap-Vert. 

   Ce ne sera pas facile, cela ne se fera pas d'un coup de baguette magique, mais nous n'avons pas le choix. Ou plutôt nous n'avons qu'une alternative : soit la goutte de café martiniquaise accepte de se diluer, de disparaître à terme, dans les dix-mille hectolitres de lait franco-européen ; soit elle se décide à prendre en mains se propres affaires et cela... "quoi qu'il en coûte" comme dirait l'autre.

   Amalgamer empoisonnement au chlordécone et crise du covid est en tout cas indigne de gens qui prétendent défendre notre peuple. Cette démagogie ne nous grandit pas. Elle nous abêtit au contraire car c'est pareil confusionnisme, délibérément entretenu, qui conduit à des comportements délirants comme ce vote de Nègres-descendants-d'esclaves qui n'hésitent pas à se déplacer pour aller déposer un bulletin dans l'urne en faveur d'un parti français ouvertement xénophobe et raciste.  

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Commentaires récents

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    Albè, je voulais dire...

    Frédéric C.

    25/11/2024 - 14:16

    "National" au sens "national Mquais". Ça va sans dire, mais ça va mieux en le disant...

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  • Kréyolad 1052: Polo chanté

    Sa pa "Daniel" mwen té lé matjé...

    Frédéric C.

    25/11/2024 - 14:13

    ...mè "dannsòl".

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  • Du gaz dans l'eau au large de la Martinique

    LE CHARBON DE LORRAINE

    Albè

    25/11/2024 - 07:47

    Si on vous comprend bien, MoiGhislaine, le charbon de Lorraine devrait, pour reprendre votre expr Lire la suite

  • "Local", "Traditionnel", "Typique", "D'Antan" "Territoire" et autres euphémismes

    MECOMPRENSION

    Albè

    25/11/2024 - 07:27

    Je crains que vous n'ayez mal compris cet article. A moins que ce ne soit moi qui me trompe. Lire la suite

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    Albè

    24/11/2024 - 08:31

    Il faut être un sacré farceur pour faire croire aux Martiniquais qu'un deuxième Cuba est possible Lire la suite