Martinique : confusionnisme ambiant (suite)

   Il semblerait que l'épidémie de covid-19 ait chamboulé l'esprit de bon nombre de Martiniquais de tous bords politiques, de toutes classes sociales, voire même de toutes appartenances ethniques. 

   C'est désormais le règne du confusionnisme le plus total comme le montrent et démontrent les exemples ci-après : 

   __le "souverainiste" Marcelin Nadeau, ex-maire d'une commune de 1.400 habitants a réussi l'exploit de se faire élire député dans une circonscription comportant pas moins de 17 communes (dont deux comptant respectivement 30.000 et 20.000 habitants), exploit réalisé grâce à celui auquel il n'a pas hésité à consacrer une messe d'actions de grâce dans l'église de son patelin. Curieux quand on connaît le rôle de l'Eglise catholique, apostolique et romaine dans la mise en esclavage des Africains déportés aux Antilles ! En réalité, Nadeau a, comme les autres députés élus, surfé sur la vague antivax qui s'est emparée de la Martinique pour des raisons qui restent à élucider vu que partout à travers la Caraïbe, personne, à commencer par les différents chefs d'état et premiers ministres qui se sont fait publiquement vacciner, n'a sombré dans pareil délire.

   Sans doute les Martiniquais sont-ils plus "savants", au sens créole du terme, que leur prétendus "frères de la Caraïbe". Bref...

   Mais notre nouveau député est allé encore plus loin en se faisant photographier, tout sourire, aux côtés du nouveau Préfet de la Martinique. Plus "républicain" que Nadeau, tu meurs ! Or, là, il y a un hic, un gros hic même : n'est-il pas un "souverainiste" et membre du MODEMAS/NOU-PEP-LA/PEYI-A ? A moins qu'il n'ait démissionné des deux premiers partis puisqu'il co-préside avec JP. Nilor, le troisième ! Mystère et boule de gomme. En tout cas, fraterniser de cette façon avec le "représentant de l'Etat colonial", comme aiment à ressasser nos chers souverainistes, a de quoi faire dresser les cheveux sur la tête.

   D'aucuns auraient pu penser qu'il s'agit d'une photo volée et qu'en réalité, Nadeau grimaçait et ne souriait pas. Ouais...Sauf qu'il a récidivé quelque temps après en se faisant photographier avec la sous-préfète du Nord dans une posture, là encore, tout ce qu'il y a de "républicaine". La charmante dame n'y est absolument pour rien. Elle faisait juste son boulot. C'est notre "souverainiste" qui est en délicatesse avec ses prises de positions et l'idéologie qu'il affichait avant sa "miraculeuse" (Jésus, merci !) élection comme député. Re-bref...

   Changeons de décor ou plutôt de mouvance politique. 

   Venons-en à la fête patronale de la commune du Lorrain ! Que son premier édile ait jugé bon à cette occasion d'honorer Alfred Marie-Jeanne, président du MIM (Mouvement Indépendantiste Martiniquais) et ancien président de la CTM (Collectivité Territoriale de Martiniquais), est parfaitement compréhensible. "Chaben", comme Marie-Jeanne est affectueusement surnommé, demeure, avec Aimé Césaire, Georges Gratiant, Emile Maurice ou Casimir Branglidor l'un des plus grands hommes politiques de la Martinique. Mais pourquoi le faire se hisser en haut du monument aux morts du Lorrain dédié aux soldats décédés dans des guerres, parfois coloniales (Indochine, Algérie), auxquels ils furent obligés de participer (conscription oblige) ? POURQUOI ? On ne peut pas ne pas ressentir de la gêne en voyant la photo ci-après. Une très grande gêne même étant donné l'idéologie indépendantiste de "Chaben". D'autant plus que ledit monument avait été dégradé quelques mois plus tôt par des personnes, à ce jour non identifiées, qui y voient (à tort ou à raison) un symbole du colonialisme. Mélange des genres, confusionnisme une fois de plus.

   Changeons à nouveau de décor et venons-en au PPM (Parti Progressiste Martiniquais).

   Chacun a pu voir son leader, Serge Letchimy, par ailleurs président de la CTM, déambuler tout sourire dans les locaux du lycée Schoelcher flambant neuf qu'il a été, durant toute une mandature (2005-2010), incapable de faire reconstruire. On l'a aussi entendu déclarer, lors de cette visite, que c'est lui qui avait enclenché les travaux et que Marie-Jeanne avait continué ces derniers. Or, cela est complètement faux ! D'abord, la municipalité de Fort-de-France avait refusé, en 2009, d'accorder à l'ex-Conseil régional , alors dirigé alors par "Chaben", le permis de reconstruire qui aurait permis d'accélérer les choses. Ensuite, Letchimy avait voulu créer un "lycée de transit" en lieu et place de l'ancienne Maternité de Redoute (ou "Hôpital Victor Fouche"). Il s'agissait d'y héberger les élèves et personnels du lycée Schoelcher en attendant la reconstruction de l'établissement. Or, les travaux n'ont tout simplement jamais abouti cinq années durant ! Si bien qu'arrivé au pouvoir à la CTM, Marie-Jeanne avait dû faire installer des préfabriqués pour accueillir ces personnels et élèves sur le site du lycée de la Pointe-des-Nègres. Chose qui avait provoqué un véritable tollé chez les syndicats enseignants et associations de parents d'élèves ! Les mêmes qui, aujourd'hui, se félicitent bruyamment et sans honte, d'entrer dans l'établissement flambant neuf construit par...Alfred Marie-Jeanne, Daniel Marie-Sainte et le Gran Sanblé !!! 

  Re-re-bref...

  Changeons une fois de plus de décor et venons-en à l'éphéton.

  Cela ne vous dit rien ? C'est ce produit chimique utilisé dans les plantations d'ananas pour faire accélérer la croissance de ce fruit mais qui est interdit s'agissant de la banane. L'Etat, les médias, les réseaux sociaux ont fait tout un raffut ces jours derniers à propos de l'éphéton que pourtant l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé) juge non seulement "légèrement dangereux" mais surtout "non cancérigène". "Va-t-on vers un nouveau scandale sanitaire ?" a même dramatiquement titré le quotidien local que l'on a connu très peu loquace pendant 30 ans sur un autre produit chimique, lui par contre "très dangereux" et "cancérigène" à savoir le chlordécone. Dès lors, il n'y en a plus eu que pour l'éphéton.  Ephéton par ci, éphéton par là ! On a vu tous les m'as-tu-vu que compte l'île aux fleurs se déverser dans les médias pour en dénoncer l'utilisation et bla-bla-bla. Sur les réseaux sociaux, des activistes se sont empressés de dénoncer "la caste béké" et re-bla-bla-bla. Sauf que :  

   . les planteurs békés font cultiver de la "banane dessert", celle qui est exportée vers l'Hexagone, et non "la banane jaune" (dite "plantain"). Du coup, un responsable béké d'une organisation de producteurs a eu beau jeu de se fendre d'un communiqué vengeur pour dénoncer cette accusation. Cela s'appelle se donner des bâtons pour se faire battre, chers activistes des réseaux sociaux.

   . il est évident que, même à la campagne, les Martiniquais ne mangent pas tous les jours des bananes jaunes. Sinon, ça se saurait. Par contre, ils ont bu pendant plus de 30 ans une eau du robinet gorgée de chlordécone. Tous les jours ! Résultat : la Martinique détient le record du monde du cancer de la prostate et de cancers rares comme celui du myélome. Sans même parler des malformations congénitales et autres maladies graves.

   Forcément, un observateur attentif est obligé de se poser la question suivante : tout ce tam-tam autour d'un produit "légèrement dangereux" n'aurait-il pas pour but de faire diversion ? De faire oublier l'autre produit "extrêmement dangereux" à propos duquel la justice s'apprête à déclarer un non-lieu. Expression signifiant : circulez, y'a rien à voir ! Question qu'évidemment nos chers journalistes ne se sont jamais posés. Or, poser une question ne signifie aucunement affirmer. Les médias n'ont-ils pas pour but, en plus d'informer, de poser les questions qui peuvent fâcher ? 

   Il y aurait dix, cent autres exemples, qui montrent et démontrent que rien ne va plus dans cette Martinique où les "autonomistes" (depuis 1950) n'ont jamais fait avancer l'autonomie d'un centimètre (allant même jusqu'à s'opposer à l'article 74 !) et où les "indépendantistes" (depuis 1980) soit se contentent, pour certains, de gérer benoîtement l'existant soit se perdent, pour d'autres, dans des rêves fumeux de nouveau Cuba. 

   Pourtant, la Barbade n'est qu'à 35 minutes de vol de la Martinique...