Quel bal de pleureurs et pleureuses effarouchées !
Ainsi donc, 73000 martiniquais ont voté pour l’extrême droite française.
Et voici que politologues, politiciens sinon sociologues en attente de psychiatres se penchent sur cette situation. D’autant que la Guadeloupe et la Guyane en ont fait de même : mettre en tête Le Pen et reléguer loin le candidat du système soutenu par la majorité du personnel Politique dit « local ».
Nos observateurs veulent se persuader que c’est un vote protestataire et non un vote d’adhésion, comme si cela pouvait changer grand-chose à la réalité.
Face aux situations de crise, il faut toujours garder la tête froide.
Cela est d’autant plus nécessaire car des démagogues tentent déjà de surfer sur une éventuelle vague lepéniste et certains politiciens tentent de l’exploiter honteusement.
Le premier enseignement de ce scrutin est ce que veulent cacher tous les tenants du système actuel, à savoir une augmentation substantielle (de plus de 5 points) du taux de non-participation à cette élection présidentielle française. C’est d’ailleurs la première fois qu’au premier et au second tour la participation est inférieure à 50%.
Et cette abstention a été réalisée en dépit d’une propagande éhontée des médias et autres politiciens à appeler au vote dit citoyen. Propagande d’autant plus déloyale et manipulatrice que ces médias ont totalement tu le fait qu’il existait des forces politiques qui appelaient à ne pas voter. Aucune n’a été invité par les grands médias.
Bien entendu, il serait malvenu à ces organisations de vouloir revendiquer l’adhésion des dizaines de milliers de martiniquais qui ont refusé de participer à ce scrutin.
Il ne fait pas de doute que parmi ceux-ci se trouvent de nombreuses personnes qui ne sont pas allées voter du fait de leur marginalisation dans la société pour beaucoup et de leur désespérance à changer quoi que ce soit à leur situation au travers de cette élection française. Il reste quand même que des hommes et femmes conscients ont décidé de ne pas participer à ce scrutin car ils considéraient en toute conscience qu’ils n’avaient pas à y prendre part du fait de leur conviction anticolonialiste et patriotique.
Telle est cette réalité que personne ne peut nier et qui me parait historiquement plus important que les 73000 voix de Le Pen..
D’ailleurs, à cet égard, on peut déplorer que PEYI A ait franchi le pas intégrationniste en appelant à voter pour Mélenchon au premier tour. En 2017, c’est Marie Jeanne qui avait pensé utile d’appeler à voter Macron contre Le Pen. Cette fois, il s’est tu. Tant mieux. Mais ce « zanzolage » tactique de certaines forces patriotiques est contraire à cette nécessité d’une position claire dans une situation où la confusion favorise le pouvoir colonial.
Deuxième enseignement, la défaite historique du président sortant, de sa politique et de ses soutiens, que ce soit au premier tour ou au second. Il n’y a pas de précédent d’une telle défaite et d’un tel score d’un président sortant ou d’un président élu. Prend-on bien conscience que Macron a obtenu la confiance de moins de 7% du corps électoral en Martinique au premier tour. Quelle est la crédibilité d’un système politique où le personnage central possède si peu d’assise et de soutiens politiques ? Après cela, on nous parlera de démocratie.
Ce score de Macron va à l’encontre du traditionnel vote légitimiste d’une partie de l’électorat martiniquais. C’est un signe du niveau important de défiance de la société martiniquaise face au détenteur du pouvoir central.
On observera aussi que si au premier tour, les soutiens à Macron (Rapha, Azerot, Louison-Clementé, Ralph Monplaisir, etc…) ont été peu et un peu discrets, au second tour, ils ont été rejoints par les Conconne, Letchimy et autres soutiens au système colonial. Or, tous ont montré leur totale rupture avec leur propre électorat et la défaite de Macron est aussi leur déroute.
Ce rejet du vote Macron est bien le résultat d’une politique certes de droite, certes libérale mais aussi marqué par le mépris, l’arrogance, totalement pro-békée (peu reconnaissant, beaucoup de membre de la caste ont voté directement à l’extrême droite et surtout Zemmour). Mrs Lecornu et Cazelles ont personnifié jusqu’à la caricature cette méprisante politique totalement anti-martiniquaise.
La classe politicienne martiniquaise qui n’a pas su, même dans son cadre étriqué, s’opposer à cette politique mais n’a cessé de vouloir composer ou collaborer avec ce pouvoir, est aussi sanctionné au travers de ce vote.
Ces deux points importants étant posés, examinons le vote Le Pen.
Je pense qu’il était prévisible.
Déjà, sans illusion aucune, il existe en Martinique un important substrat xénophobe contre nos voisins caraïbéens. Il est nourri et entretenu par une politique discriminatoire de la Préfecture. Il est entretenu par certains politiques qui restent silencieux et lâches sur cette question. Les récents graffitis anti-haïtiens qui ont fleri sur les mineurs n’ont jamais déclenché de réactions des maires, de la police ou de la justice française.
Nous avons donc des lepénistes noirs qui se considèrent plus français que les autres et veulent le démontrer.
En sus, les martiniquais décidant de voter aux élections françaises sont ceux qui pensent que par ce moyen ils peuvent changer leur sort.
Pour un colonisé, je n’arrive pas à percevoir la différence entre les deux colonialistes que sont Macron ou Le Pen. Les deux sont pour la négation du droit des martiniquais d’être un peuple, pour le maintien de la dépendance, pour le maintien de la domination pro-békée.
Sauf à me demander d’être solidaire des français, je ne vois pas pourquoi en tant que colonisé, il faudrait que je choisisse entre la peste et le choléra alors que la seule question qui vaille est celle de la survie.
Je tente d’imaginer ce qu’une Le Pen présidente pourrait faire de pire que Macron n’ait fait. Cela est concevable non sur le fond mais peut être sur la forme (plus de procès ? plus de prisonniers ? Plus de fichages ? Plus d’actes et de traitements inhumains ? Plus de fusillades ?) et l’ampleur car fondamentalement, pour les deux, c’est la même défense de la France impériale et de la négation des droits des peuples.
Autant, en revanche, je peux comprendre qu’en se situant sous l’angle des français, le vote Le Pen soit dangereux.
Cela n’a pas pourtant empêché que 73000 martiniquais, inscrits dans la logique politique française de franchir le pas.
Non pour se plaindre ou pleurer ou vouloir se fouetter.
Mis à part l’opposition à la politique macronienne, la gestion préfectorale de la pandémie avec son cortège de mensonges, de décisions sans sens, de violences policières et de poursuites judiciaires, il est vrai que le simple fait que Le Pen (comme Mélenchon) s’opposait à la suspension des soignants non vaccinés a, pour beaucoup, expliqué le vote de nombreux martiniquais.
Que ce soit au premier ou au second tour, la majorité des martiniquais ayant décidé de participer à ces élections a voulu avant tout rejeter Macron. Belzébuth serait candidat contre Macron, la majorité de ces martiniquais auraient voté pour lui.
Au premier tour, vote massif pour Mélenchon : 65292 voix soient 53% !
Le passage en 15 jours d’un vote Mélenchon à un vote Le Pen interpelle car cela montre une dérive et une confusion idéologique grave.
Néanmoins, sans nous voiler la face, 73000 martiniquais ont sciemment voté pour une candidate en la sachant raciste, adepte de la discrimination contre les étrangers, adepte d’une société anti-démocratique. Le fait que Macron soit ce qu’il est ne peut exonérer de toute responsabilité le vote pour une telle candidate.
Je ne pense pas que cela augure d’un vote ou mélenchoniste ou lepéniste ancré dans l’électorat martiniquais. On s’en rendra rapidement compte aux prochaines législatives. Ces deux forces sont marginales ou même inexistantes sur le plan militant de terrain. Les votes obtenus sont plus la conséquence d’un suivi de la campagne dans les médias officiels que du travail de militants de terrain.
Cela doit néanmoins nous interpeller comme patriotes car ces votants de Mélenchon pouvant 15 jours après voter Marine Le Pen sont le substrat de la présence coloniale en Martinique. Ils votent en croyant que leur vote peut avoir un effet sur leur réel. Ou ils votent pour que leur vote soit un cri de révolte. Mais toujours dans un cadre colonial et français.
Ces votes tiennent pour beaucoup au fait que ces votants de Mélenchon et (puis) de Le Pen sont, face à l’inhumanité coloniale parfaitement représentée par Macron, devant une terrible absence de perspective politique.
Letchimy a indiqué que face à ce vote, « ne rien faire » tiendrait de « l’aveuglement ». En fait l’actuel président de la CTM ne bouge pas sur ses lignes de s’inscrire pas un cadre de la dépendance à la France. Son discours est le même depuis 2009 tournant même le dos à l’historique mot d’ordre d’autonomie de son parti. Le nouveau rafistolage institutionnel qu’il propose ne pourra pas mobiliser les martiniquais et ne permettra pas de faire face aux défis que connait la société martiniquaise (dépendance alimentaire, chômage, bétonisation, émigration, inégalité structurelle, domination économique des anciens esclavagistes, empoisonnement des terres, mers et rivières, etc…) . En fait Letchimy, comme la plupart des politiciens en Martinique, n’a pas de solution à la situation mais il est un élément du problème d’où le rejet populaire.
Dans toute démocratie réelle, avec un minimum de sincérité ou de crédibilité, après avoir appelé à voter Hidalgo puis Macron et recevoir une telle claque, il aurait dû démissionner.
Mais, il faut aussi le dire, tout le mouvement patriotique martiniquais est responsable de l’absence d’espérance ayant pu engendrer de tels votes.
Tourner la page et dire que la seule chose importante est le prochain vote pour les législatives, est, là aussi, ne s’inscrire que dans un cadre colonial français et accentuer le confusionnisme politique.
Si des gens pensent que leurs problèmes vont être résolus en votant Mélenchon puis Le Pen, cela démontre le travail idéologique qu’il reste à faire pour convaincre que la seule alternative est nationale et non parisienne.
Il nous faut bâtir une alternative nationale martiniquaise de rupture avec la dépendance coloniale.
Ceci ne pourra passer que par une structuration commune d’un programme politique.
Cela fait bien longtemps que la majorité des martiniquais sait qu’ils ne sont pas français. Mais à ce jour, il ne leur pas été démontré les avantages à être martiniquais.
C’est le vrai et seul défi.
Le vote Le Pen est l’illustration de la dégradation et du pourrissement politique de la société coloniale.
Il ne peut s’agir de sauver cette société coloniale mais de la changer du tout au tout.
Raphaël CONSTANT
Avocat et Militant
"National" au sens "national Mquais". Ça va sans dire, mais ça va mieux en le disant...
Lire la suite...mè "dannsòl".
Lire la suiteSi on vous comprend bien, MoiGhislaine, le charbon de Lorraine devrait, pour reprendre votre expr Lire la suite
Je crains que vous n'ayez mal compris cet article. A moins que ce ne soit moi qui me trompe. Lire la suite
Il faut être un sacré farceur pour faire croire aux Martiniquais qu'un deuxième Cuba est possible Lire la suite
Commentaires
Ne pas s'arrêter en chemin
Karl
30/04/2022 - 18:59
L'article propose une analyse des élections qui, privilégiant l'abstention (laquelle a régressée légèrement par rapport a 2017), peut-être soutenue. Il ne s'attarde pas sur le fait que lors des élections territoriales de juin 2021, le taux d'abstention était encore plus élevé.
Cela fait belle lurette que le patriotisme français n'a plus court en Martinique.
En cas de 3ème guerre mondiale, imagine-t-on que des martiniquais s'engageront du coté de la France, comme l'ont fait Marcel MANVILLE et Frantz FANON en 1944 ?
Difficile à dire mais cela est peu important.
Il évoque parmi les explications, l'hostilité de nos compatriotes à l'égard des personnes de la Caraïbe qui du fait de l'opulen... pardon j'allais dire un gros mot, de la misère qui sévit dans leur pays, s'installent en Martinique. Le ressort d'une xénophobie d'une toute autre ampleur existe dans la Caraïbe et par exemple à Saint Domingue, à l'égard des haïtiens, que son statut d'indépendance n'a pas mis à l'abri de ce fléau. Même à Cuba, la xénophobie n'a pas été terrassée!!!!
Je m'attendais à une proposition d'alternative nationale martiniquaise, même sommairement exposée, qui démontrerait "les avantages à être martiniquais plutôt que français". Je ne l'ai pas trouvée et j'ai eu le sentiment que l'auteur s'est arrêté en chemin!
Je crains même que le choix d'une alternative nationale martiniquaise ne soit vu que comme le résultat d'une balance "avantages - risques" comme si les choix d'être martiniquais et non celui d'être français était lié à une sorte de consumérisme politique répondant finalement à une logique de marché.
Est-ce bien ce que l'auteur de l'article a voulu dire?
Etre martiniquais est-il lié à de quelconques "avantages" et si oui, lesquels?
Si "avantages" il y a, doit-on comprendre qu'il y aurait des "inconvénients" ?
Ne peut-on pas dire que même ceux de nos compatriotes les plus "aliénés" sont fondamentalement et essentiellement martiniquais?