Trois auteurs corses au cœur d’un recueil pour défendre les littératures régionales

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Ce lundi, le collectif « Pour les littératures en langues régionales à l’école » a annoncé la publication prochaine de Florilangues, un recueil réunissant 32 textes issus de 13 langues régionales. La Corse y sera représentée par trois figures majeures de sa littérature contemporaine : Jacques Thiers, Jacques Fusina et Lucia Santucci. Soutenue par le secrétaire perpétuel de l'Académie française, cette démarche a pour but de permettre de mieux enseigner le patrimoine littéraire régional dans les écoles.

De Platon à Kafka en passant par Shakespeare, nul ne s’étonne de voir des auteurs étrangers étudiés en cours de français et de littérature dans les collèges et lycées, aux côtés de monuments nationaux comme Molière, Victor Hugo ou La Fontaine. Or, dans le même temps, malgré la qualité de leurs productions, les auteurs d’écrits en langues dites régionales sont pour leur part totalement invisibilisés dans les programmes scolaires français au grand dam du collectif « Pour les littératures en langues régionales à l’école ». 
 
« On ne voit quasiment jamais apparaitre des auteurs en langue régionale », déplore ainsi Philippe Pratx, coordonnateur de ce collectif créé en 2022 par des universitaires, professeurs, auteurs et le journaliste de l’Express Michel Feltin-Palas. « Je crois que c’est le résultat d’un long lavage de cerveau dans la fonction publique française. On a diabolisé les langues régionales et tout ce qui pouvait émaner d’elles. Ce travail de sape a été efficace pour démolir les langues et pour que la culture les accompagne soit devenue marginale et donc totalement mise sous l’éteignoir », appuie-t-il.
 
Plus loin, lors d’une visio-conférence de presse organisée ce lundi, les membres du collectif ont noté que la France est de plus une exception en Europe par son ignorance de toute autre littérature que celle de la langue majoritaire du pays. Une « anomalie » que le collectif aspire à corriger en donnant à ces auteurs et à ces littératures « toute la place qu’ils méritent dans le cadre de l’école de la République ». « Notre objectif n’est pas d’enseigner les langues régionales, mais de permettre à tous les élèves de découvrir des œuvres issues des littératures en langues régionales, et pas seulement dans les régions concernées », explique Pascal Ottavi, sociolinguiste, professeur honoraire de l’Université de Corse et membre du collectif. « L'idée c'est de présenter le texte avec sa traduction en français afin d’ouvrir les élèves à la diversité de la France en son intérieur même. Il ne s'agit pas de substituer ces textes à la littérature française, mais de leur faire une place », ajoute-t-il.
 
Afin de voir cette demande aboutir, le collectif a lancé une pétition en ligne qui a déjà recueilli plus de 18 000 signatures. Parmi lesquelles quelques noms prestigieux. « L’académicienne Barbara Cassin nous a apporté son soutien, tout comme l'écrivain Patrick Chamoiseau, ou encore les chanteurs Francis Cabrel, Alan Stivell et Jean-François Bernardini », se réjouit Pascal Ottavi. Plus loin, la démarche a aussi suscité l’attention de l’écrivain Amin Maalouf, également secrétaire perpétuel de l’Académie française. Si à travers cette fonction il s’est engagé à veiller au rayonnement et à l’intégrité de la langue française, dans la droite ligne des arguments développés par le collectif, il a rapidement jugé intéressant que les élèves aient connaissance des « trésors culturels » que recèlent les littératures en langues régionales. Un soutien qui s’est montré décisif. 
 
« Il nous a reçus en novembre avec beaucoup d’ouverture d’esprit et de bienveillance. Il nous a dit que notre position l’intéressait mais qu’il lui fallait du concret et nous a proposé de réunir un corpus de textes », dévoile Pascal Ottavi. Un travail de longue haleine à l’issue duquel un recueil de 32 textes émanant de 13 langues telles que le corse, l’alsacien, le basque, le breton, le catalan, le créole antillais, ou encore le tahitien a été créé par le collectif et remis à Amin Maalouf le 5 juin dernier. « Il lui a apparemment fait une impression favorable », assure le collectif
 
« C’est la première fois qu’un tel travail est fait. Le recueil commence par une présentation générale, avec une analyse sociolinguistique de la situation de ces langues et de leur littérature. Et ensuite, on y retrouve ces textes que nous avons choisis, traduits et commentés », indique pour sa part Pascal Ottavi en appuyant sur le « pas décisif » qu’a permis de faire ce travail. Intitulé « Florilangues », ce recueil pourrait en effet être soumis aux enseignants afin qu’ils l’intègrent dans leurs programmes à l’avenir. À condition, bien sûr, de convaincre le Gouvernement de son intérêt. Sur les conseils d’Amin Maalouf, le collectif a ainsi écrit au Président Emmanuel Macron et à l’actuelle ministre de l’Éducation, Élisabeth Borne, en espérant pouvoir faire avancer les choses. Sans attendre, le collectif a d’ores et déjà annoncé la parution de « Florilangues » d’ici un an, grâce au soutien d’Auceù Libre, un éditeur spécialisé dans la littérature occitane. Les écrits de huit auteurs occitans figureront d’ailleurs dans ce registre, tout comme ceux de trois grands noms de la littérature corse :  Jacques Thiers, Jacques Fusina et Lucia Santucci. 
 
« Ce recueil couvre tous les genres, que ce soit la prose, la poésie, le théâtre et même les essais littéraires. Il propose des auteurs allant du moyen âge à l’époque contemporaine », détaille encore Pascal Ottavi en voyant dans cet ouvrage « un premier pas qui pourrait servir de marchepied à un enrichissement pour plus tard ». « Cet ouvrage contribuera à sauvegarder ces littératures en langues régionales », se félicite encore le professeur honoraire de l’Université de Corse en posant : « Et il permettra aussi de les faire rentrer dans le champ de la conscience, parce que beaucoup d'élèves ne savent même pas nommer les langues, et ne savent même pas qu'elles existent ».

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