ANSES D’ARLET : L’AVENIR DE LA PÊCHE AU CENTRE D’UN FORUM-CITOYEN

Louis Boutrin ("La Tribune des Antilles")

Organisé par la VILLE DES ANSES-D’ARLET et MARTINIQUE-ÉCOLOGIE, le Forum-Citoyen du 3 février 2023 a réuni les principaux acteurs de la pêche qui se sont penchés sur une filière en plein déclin et pour laquelle les initiatives de sauvegarde tardent à voir le jour. Au-delà de ce constat ressassé à longueur d’année, cette rencontre a permis, chiffres à l’appui, de confirmer une situation préoccupante de la pêche côtière alors même que la consommation des produits de la mer ne cesse d’augmenter. L’idée d’une restructuration de la filière, d’une meilleure offre de formation et d’une évolution des navires de pêche permettrait d’ouvrir de nouvelles perspectives pour une embellie attendue par tous. A cet effet, la Commune des Anses d’Arlet qui regroupe parmi le plus grand nombre de marins-pêcheurs enrôlés constitue un excellent laboratoire pour lancer des initiatives innovantes concrètes.

C’est Eugène LARCHER, Maire de la Commune et Conseiller Territorial, qui a ouvert ce Forum-Citoyen en rappelant son attachement personnel à une activité qu’il côtoie depuis son plus jeune âge. Fils de marin-pêcheur, né à quelques battants des lames et du ressac de la mer, le premier édile a témoigné de l’importance de la pêche pour la Commune et particulièrement pour Petite-Anse, ce pittoresque village de pêcheurs. C’est dire son mécontentement exprimé face à la dégradation du secteur où depuis 30 ans, on observe une régression de la production de poissons (4 fois moindre) et l’impossibilité pour les importations d’alimenter le marché aux prix et goûts des martiniquais.

Un constat renforcé par l’exposé de Jocelyn MÉLINARD, Président de l’Association Maritime Arlésienne (AMA), qui regrette l’inorganisation actuelle de la pêche d’où la création de l’AMA en 2019. En effet, le marché martiniquais est de plus en plus mal approvisionné alors qu’il demeure demandeur, solvable et captif. Actuellement, les chiffres sont alarmants et devraient interpeller ceux qui passent leur temps à blablater au lieu de se mettre réellement au travail, au service de la profession : De 1.023 marins-pêcheurs inscrits auprès des affaires maritimes en 1994, à 942 en 2000 le nombre de marins-pêcheurs a chuté à 550 en 2022 sans aucun espoir d’un redressement à court terme. Résultat, la Martinique importe 14.000 tonnes /an de produits frais et surgelés alors que la production locale atteint bien malement 1.053 tonnes/an. La part de la production locale dans la consommation globale de produits frais de la mer est estimée à 13 % ce qui laisse augurer pour nos marins-pêcheurs des parts de marché à gagner à condition d’accepter et d’accompagner la nécessaire modernisation des embarcations de pêche.

D’où l’importance des préconisations d’Alain LINISE, expert maritime et enseignant à l’École de Formation Professionnelle Maritime et Aquacole (EFPMA) de Trinité qui a rappelé tout le potentiel de la ressource dans notre région océanique. Certes, la pêche côtière traverse des heures difficiles après son interdiction depuis 2010 sur 33% du littoral et dans les fonds de baies du Galion, du François et de Génipa impactés par la pollution au Chlordécone. Surexploité et pollué, le plateau insulaire n’est donc pas très favorable à la pêche benthique. Cependant, à l’aide de supports cartographiques et de manière très pédagogique, Alain LINISE a souligné l’importance de la ressource hauturière pélagique située dans la Z.E.E. (Zone Économique Exclusive) à quelques dizaines de miles à l’Est de la Martinique. Des zones de pêche peu exploitées alors que la ressource y est très abondante comme précisé par l’IFREMER. L’inventaire des espèces qu’offrent ces eaux poissonneuses océaniques permettrait de dépasser très largement la production actuelle de grands pélagiques (Thons, Bonites, Dorades, Thazards, Marlins, Bécunes) que de petits pélagiques (Poissons volants, Coulirous, Balaous, Orphis et Maquereaux). Reste à équiper rapidement nos marins-pêcheurs de bateaux pontés de 10 à 12 mètres leurs permettant de faire des marées de 2 à 3 jours.

A cet effet, le projet de modernisation de la flottille de pêche du COPEM (Collectif Pêche Martinique) présenté par son Président Hugues COCO arrive à point nommé. Basé sur une étude de définition technique très pertinente, des études économique, comptable et financière permettant aux marins-pêcheurs d’accéder à la propriété du navire, ce projet vient de connaître une avancée significative après la signature par le Président du Conseil exécutif de la CTM de la Convention FranceAgriMer avec un financement à 100% du prototype de navire par cet Établissement public national pour un montant de 582.850 €. Une embellie en perspective pour la filière de la construction navale en Martinique qui devrait produire chaque année une dizaine de navires, made in Martinique, et générer des emplois durables. Forts d’un voyage d’étude en Bretagne, Charentes-Maritime, embarquements sur navires pro, de visites de ports de pêche et des chantiers navals de la Rochelle en Juin 2019, les marins-pêcheurs du COPEM attendent des pouvoirs publics, notamment de la CTM, un accompagnement de ce projet de modernisation et de développement de la pêche qui devrait renforcer l’attractivité de ces métiers auprès des jeunes martiniquais.

L’avenir de la pêche c’est aussi des projets soutenus par le Cluster Maritime Martinique (CMM), une organisation créée en 2013 par les professionnels et acteurs maritimes locaux pour porter et soutenir les projets, de l’industrie jusqu’aux services. C’est son président, Emmanuel LISE, past-président de l’EFPMA de Trinité, qui a présenté les grands projets du CMM dans le domaine de la pêche professionnelle et de l’aquaculture, de la mise en valeur de la biodiversité marine et des loisirs nautiques. Au rang de ces projets innovants, on peut retenir le projet de voilier de pêche de 24 mètres équipé de 60 m2 de panneaux photovoltaïques, de 2 éoliennes et de 2 grandes voiles pour propulser le navire. Conçue d’une coque acier avec une superstructure aluminium, cette goélette dispose d’une machine à glace de 2 tonnes par jour et d’une cale à poisson de 40 m3 avec réfrigération mécanique par énergie renouvelable. Reste à trouver une plateforme de 800 à 900 m2 (au Bassin de Radoub ou à la SEMAIR – Robert ?) pour implanter un tel chantier naval de construction métallique de voiliers de pêche jusqu’à 24 mètres, innovants, décarbonés et adaptés aux zones de pêche du vivaneau sur le plateau de Guyane.

A l’issue de ces quatre exposés, la parole fut restituée aux marins-pêcheurs et aux participants à ce Forum-Citoyen avant la synthèse de Louis BOUTRIN, Conseiller exécutif en charge de l’Économie Bleue sous l’ancienne mandature à la CTM.  A l’instar de Marie-Josée LUCÉA, plusieurs intervenants ont souligné l’importance de l’offre de formation dans l’attractivité de la profession d’où l’intérêt du projet de Campus des Métiers et des Qualifications de la Mer en Martinique (CMQ2M) porté par le Cluster Maritime, de la réforme des formations de l’EFMPA et celles assurées par le Lycée Raymond NERIS du Marin.

En conclusion, le Président de MARTINIQUE-ÉCOLOGIE a insisté sur la nécessité d’une plus grande solidarité des professionnels pour faire face aux enjeux à venir. Les demandes de création d’un fonds d’indemnisation des marins-pêcheurs victimes directes de l’impact du Chlordécone sur les écosystèmes littoraux doivent être appuyées par les politiques. Quant au déclin actuel de la profession, ce n’est pas une fatalité. Nous devons mettre à profit la dérogation obtenue de Bruxelles en 2019 pour le financement public des navires de pêche neufs, moderniser la flotte de navires de pêche pontés et développer parallèlement une filière de construction navale en Martinique. Un impératif qui se pose avec une certaine acuité compte tenu des premières sociétés venues du froid qui piaffent d’impatience à la seule idée de faire main basse sur un des rares secteurs où elles ne sont pas encore présentes. Au moment où l’autonomie alimentaire demeure au centre des principaux projets martiniquais, le secteur de la pêche devrait être tiré par le haut avec à la clé des pratiques durables favorables pour que nos jeunes puissent vivre et travailler dignement au pays.

LB

 

 

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BRUXELLES - JULY 2019 - FORUM SUR LES AFFAIRES MARITIMES & LA PÊCHE.

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