Le présent article aurait pu s’intituler « La corruption des esprits dans le système éducatif haïtien : pistes de réflexion » tant les maux de ce système que nous évoquons sont prégnants et ancrés dans ce que le philosophe français Louis Althusser appelle les « appareils idéologiques d’État » (voir Louis Althusser, « Idéologie et appareils idéologiques d’État - Notes pour une recherche ».
Cet article, publié d’abord dans la revue La Pensée no 151, juin 1970, a été repris dans son ouvrage-phare « POSITIONS (1964-1975) » (Paris : Les Éditions sociales, 1976). Le lecteur fera le constat de la permanence, au fil de notre analyse de la corruption des esprits dans le système éducatif haïtien, du « fonctionnement à l’idéologie » dont parle Althusser. Dans ce texte majeur, Louis Althusser précise comme suit sa pensée : « Mais allons à l'essentiel. Ce qui distingue les AIE [les Appareils idéologiques d’État] de l'Appareil (répressif) d'État, c'est la différence fondamentale suivante : l'Appareil répressif d'État « fonctionne à la violence », alors que les Appareils idéologiques d'État fonctionnent « à l'idéologie ». Nous pouvons préciser, en rectifiant cette distinction. Nous dirons en effet que tout Appareil d'État, qu'il soit répressif ou idéologique, « fonctionne » à fois à la violence et à l'idéologie, mais avec une différence très importante, qui interdit de confondre les Appareils idéologiques d'État avec l'Appareil (répressif) d'État ». Le lecteur curieux est invité à poursuivre la lecture de la passionnante réflexion philosophique de Louis Althusser en accédant directement à l’article auquel nous nous référons…
Le 26 octobre 2022 est paru en Martinique, sur le site Madinin’Art, notre article intitulé « Observations préliminaires à propos de la réfutation, par le romancier Lyonel Trouillot, de l’appui du linguiste Michel DeGraff au cartel politico-mafieux du PHTK en Haïti ». Dans cet article nous avons exposé que le romancier, poète et essayiste Lyonel Trouillot, l’une des voix majeures de la littérature haïtienne contemporaine, s’est fait l’écho d’un large secteur de la société civile haïtienne lorsqu’il a dénoncé, dans un texte diffusé d’abord par courriel le 18 octobre 2022, l’appui public du linguiste Michel DeGraff au cartel politico-mafieux du PHTK en Haïti. La dénonciation, par Lyonel Trouillot, de l’appui public de Michel DeGraff au cartel politico-mafieux du PHTK en Haïti a ensuite été publiée sur les sites suivants :
–Fondas kreyòl (Martinique, 18 octobre 2022) : « Voyé yon minis monté sé sipò objektif pou pwopagann gouvènman an ».
--Haïti-Reference info (États-Unis, 18 octobre 2022) : « Voye yon minis monte se sipòte gouvènman li ladan n lan ».
–Potomitan (Suisse/Antilles, 18 octobre 2022) : « Voye yon minis monté sé sipò objektif pou pwopagann gouvènman an ».
Lyonel Trouillot est l’artisan d’une œuvre littéraire majeure, forte et singulière élaborée dans les deux langues officielles du pays, le créole et le français et qui comprend 13 romans, 8 nouvelles, 2 récits, 6 livres de poésie en français et 3 livres de poésie en créole. Il est notamment l’auteur de « Bicentenaire », de « Antoine des Gommiers » (Actes Sud, 2004 et 2021) ainsi que de « Pwomès » (poésie) et du roman « Agase lesperans » (C3 Éditions, 2014 et 2016). Détenteur de plusieurs prix et distinctions littéraires, il est également un éditorialiste lucide et courageux dont la parole analytique est attendue et entendue en Haïti. Lyonel Trouillot est aussi l’auteur d’une réflexion de premier plan sur la situation linguistique haïtienne, « Ki politk lengwistik pou Ayiti ? », parue dans Le Nouvelliste du 7 juillet 2005.
Pour la vérité historique et pour donner accès, à ceux qui ne l’ont pas encore lu, au clairvoyant texte de Lyonel Trouillot, nous reproduisons en annexe, dans son intégralité, le texte de Lyonel Trouillot intitulé « Voyé yon minis monté sé sipò objektif pou pwopagann gouvènman an ». Notre article, « Observations préliminaires à propos de la réfutation, par le romancier Lyonel Trouillot, de l’appui du linguiste Michel DeGraff au cartel politico-mafieux du PHTK en Haïti », servira de charpente au déroulé de la présente analyse.
Le texte de Lyonel Trouillot, daté du 18 octobre 2022, doit être lu et relu avec la meilleure attention pour plusieurs raisons. La principale raison est qu’il permet de mettre en perspective et de mieux comprendre de quelle manière le « système Manigat/DeGraff », ces douze dernières années, a fonctionné sur le mode de la « fabrique du consentement » politico-idéologique. L’expression « fabrique du consentement » est ici employée au sens où l’entendait Edward Bernays, neveu de Sigmund Freud et auteur de « Propaganda », un livre à succès paru en 1928 et qui a marqué les sciences sociales et la psychologie de cette époque et par la suite. La traduction française de « Propaganda » est parue en octobre 2007 aux éditions Zones/La Découverte. Il est attesté que Edward Bernays accordait une grande importance à la propagande : elle est un dispositif destiné à générer les désirs et les motivations des individus et, surtout, à les orienter pour les transformer. Edward Bernays est considéré comme le père de la propagande politique et le précurseur de « l'industrie des relations publiques » qui a fortement contribué à développer le consumérisme américain. L’un des mécanismes de la « fabrique du consentement » consiste en la délimitation rationnelle des usagers-cibles que l’émetteur, le propagandiste, doit ensuite soumettre à des « campagnes promotionnelles » régulières, intenses et systématiques. L’efficacité du procédé se mesure entre autres par les « indices de consentement de masse » pour une idée, un projet, etc. De nos jours, les puissants réseaux sociaux –gavés d’algorithmes survitaminés et qui anesthésient les réflexes d’addiction chez les usagers--, sont les meilleurs vecteurs de la mise en œuvre de la « fabrique du consentement ».
Le « système Manigat/DeGraff » s’inscrit tout naturellement dans le creuset des puissants réseaux sociaux. Il fonctionne sur le mode de l’articulation des deux pôles stratégiques de la « fabrique du consentement » : le pôle du prestige universitaire --le réputé Département de linguistique du MIT où enseignent Michel DeGraff et Noam Chomsky--, et le pôle du système éducatif haïtien –le terrain à investir/orienter et qui est dirigé par le ministre de facto de l’Éducation nationale Nesmy Manigat, « caïd à cravate » et « vedette médiatique » du cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste. Le « système Manigat/DeGraff » est repérable au cœur même de la « fabrique du consentement » : le texte de Lyonel Trouillot l’illustre à plusieurs égards et celui de Robert Berrouët-Oriol en fait la démonstration amplement exemplifiée.
Dans la conjoncture politique de cette époque pas si lointaine en Haïti où l’Exécutif PHTKiste était aux abois et fomentait une nouvelle occupation militaire du pays, la prise de position de Lyonel Trouillot est de toute première importance puisqu’elle émane d’un acteur-clé hautement crédible de la société civile et qu’elle exprime publiquement une opinion partagée par de nombreuses personnes intéressées par les questions éducatives et linguistiques au pays. Son propos est sans équivoque : « M pa antre nan deba lengwistik ayisyen an nan dimansyon teknik li. Mwen pa gen konpetans pou sa. Kòm sitwayen e kòm moun ki reflechi anpil sou enjistis ak inegalite sosyal, mwen gen pozisyon m sou ki politik lengwistik ki dwe patisipe nan kreyasyon yon sosyete ki va donnen plis jistis ak egalite, men se pa sou sa m ap pale jodi a. M sezi, m estomake lè m li editoryal M. Michel Degraff nan Mew York Times kote, an bon kreyòl, li voye minis edikasyon gouvènman de fakto doktè Ariel Henry a, M. Nesmy Manigat monte kòm yon moun ki pote lespwa. Se pa mwen ki ap aprann mesye Degraff yon minis solidè aksyon gouvènman li ladan n lan. Gouvènman de fakto a kreye yon sitiyasyon sosyo-politik ki mete peyi a tèt anba. Sitwayen, sitwayèn nan lari, y ap fè fas ak yon represyon sovaj. Y ap mande demisyon yon pouvwa ki pa gen pyès lejitimite, ki pa regle anyen, ki lakòz tout bagay vin pi mal, ki vann lonè peyi a nan mande asistans militè etranje. Tout analiz bay gouvènman an pa gen lòt objektif ke rete sou pouvwa a, jwi tout tan sa posib e òganize ale l yon jan pou pèp la pa ka mande l kont. Ariel Henry ak sipò minis li yo prezidan-premye minis-pouvwa jidisyè-pouvwa lejislatif, l ap dirije jan l vle, refize antre nan negosyasyon serye ak fòs nan peyi a pou kriz politik la jwenn yon solisyon. »
La prise de position de Lyonel Trouillot, dans la conjoncture politique haïtienne de l’époque, est éclairante à plusieurs titres. Elle doit être bien comprise par l’analyse de quelques facteurs constitutifs et la consultation des articles du New York Times à l’origine de son intervention.
Rappel et examen des faits, documents à l’appui
Dans le déroulé des faits, il y a d’abord eu la parution dans le New York Times du 14 octobre 2022, à la rubrique « Opinion / Guest Essay », de l’article de Michel DeGraff, « As a Child in Haiti, I Was Taught to Despise My Language and Myself ». Dans cet article, Michel DeGraff soutient que « Financial remedies for these overwhelming historic injustices still seem like a distant prospect, but in terms of cultural remedies, Haitians at last have some hope. Haiti’s minister of education, Nesmy Manigat, recently announced that Kreyòl should serve as a language of instruction throughout primary and secondary education. French would be taught as a second language in the early grades, then used as an additional language of instruction soon after. Mr. Manigat is also advocating the teaching of English and Spanish starting in middle school. The new direction is meant to valorize students’ language and identity, healing them from the colonial wounds of the past and equipping them for academic success and further education. » (« Les remèdes financiers à ces injustices historiques accablantes semblent encore une perspective lointaine, mais en termes de remèdes culturels, les Haïtiens ont enfin un certain espoir. Le ministre haïtien de l’Éducation, Nesmy Manigat, a récemment annoncé que le kreyòl devrait servir de langue d’enseignement tout au long de l’enseignement primaire et secondaire. Le français serait enseigné comme deuxième langue dans les premières années, puis utilisé comme langue d’enseignement supplémentaire peu après. M. Manigat préconise également l’enseignement de l’anglais et de l’espagnol dès le collège. Cette nouvelle orientation vise à valoriser la langue et l’identité des élèves, à les guérir des blessures coloniales du passé et à les équiper pour la réussite scolaire et la poursuite des études. ») [Traduction : RBO]
La version créole du même article est parue le 14 octobre 2022 dans le New York Times et a pour titre « Ann Ayiti, lekòl yo aprann nou rayi lang nou epi rayi tèt nou ». Michel DeGraff y écrit : « Men, nou finalman jwenn yon espwa nan dosye reparasyon kiltirèl la. Minis edikasyon Ayiti a, Nesmy Manigat, fèk anonse kreyòl dwe sèvi kòm lang ansèyman nan tout nivo lekòl fondamantal ak lekòl segondè. Lekòl yo dwe anseye franse kòm yon dezyèm lang depi nan ti klas yo epi, byen vit ann apre, yo dwe itilize franse kòm yon dezyèm lang ansèyman. Epi, tou, Mesye Manigat mande pou gen ansèyman angle ak panyòl kòmanse nan setyèm ane fondamantal. Objektif nouvo desizyon sa a se pou valorize lang ak idantite elèv yo, libere yo an ba chenn mantal kolonyal yo epi ba yo bon jan fondasyon pou siksè akademik ansanm ak edikasyon avanse. »
Dans les versions anglaise et créole de cet article, il y a manifestement un « effet d’annonce », un lourd et volontaire amalgame propagandiste à géométrie variable concocté à des fins idéologiques et politiques : il est rigoureusement faux de prétendre que, sous la mandature de Nesmy Manigat, « l’espoir » est désormais permis parce que « le kreyòl devrait servir de langue d’enseignement tout au long de l’enseignement primaire et secondaire. » Sur le plan historique, le créole langue d’enseignement a été institué par la réforme Bernard de 1979 –Nesmy Manigat n’en a donc pas la paternité, contrairement à ce que Michel DeGraff essaie frauduleusement de faire accroire. Par le procédé de l’amalgame, Michel DeGraff passe ainsi de la posture à l’imposture, et de l’imposture à la démagogie mystificatrice. D’une part, il est totalement erroné de vouloir faire croire qu’une simple déclaration (en réalité un simple « tweet » daté du 25 août 2022) du ministre de l’Éducation, Nesmy Manigat, aurait valeur de cadre légal d’aménagement du créole dans le système éducatif national ; ou aurait valeur d’une Loi entérinée par le Parlement et qui conformément à l’article 5 de la Constitution de 1987 établirait le cadre jurilinguistique de l’aménagement de nos deux langues officielles. D’autre part, il est tout aussi erroné de vouloir accréditer l’idée farfelue qu’une simple déclaration du ministre de l’Éducation aurait préséance sur les documents officiels d’orientation adoptés par le ministère de l’Éducation ces dernières années. Car en dépit de leurs lacunes, les documents officiels d’orientation ont au moins le mérite d’exister et de vouloir situer l’action de l’État en matière d’éducation sur le plan institutionnel et non pas sur le registre de l’agitation scénique d’un ministre à travers les réseaux sociaux. Car s’il est historiquement attesté que l’épineuse question de l’aménagement du créole dans le système éducatif national a été posée dans sa dimension institutionnelle dès la réforme Bernard de 1979, il est tout aussi vrai que cette épineuse question, récurrente depuis lors, n’a toujours pas trouvé sa résolution de manière adéquate et durable [voir l’article « L’aménagement du créole en Haïti et la réforme Bernard de 1979 : le bilan exhaustif reste à faire », par Robert Berrouët-Oriol, Rezonòdwès, 16 mars 2021].
Cet état de fait se donne à lire dans divers documents officiels majeurs du ministère de l’Éducation nationale auxquels ne se réfèrent ni Michel DeGraff dans son article du 14 octobre 2022 ni Nesmy Manigat dans son « tweet » lunaire du 25 août 2022. Il s’agit en particulier du « Plan décennal d’éducation et de formation 2018 – 2028 » qui entend orienter et structurer la totalité des interventions de l’État en matière d’éducation sur une si longue période. Au chapitre linguistique, voici ce que consigne très chichement, il faut le souligner, les « Orientations stratégiques » du « Plan décennal…» : « En résumé, au cours des dix années du plan décennal (2018-2028), de nombreuses actions seront entreprises pour (…) notamment « Renforcer le statut du créole en tant que langue d’enseignement et langue enseignée dans le processus enseignement/apprentissage à tous les niveaux du système éducatif haïtien » (« Plan décennal…» p. 28 ; voir notre bilan analytique publié en Haïti dans Le National du 31 octobre 2018, « Un « Plan décennal d’éducation et de formation 2018 – 2028 » en Haïti dénué d’une véritable politique linguistique éducative »).
L’autre document officiel majeur auquel Michel DeGraff évite de se référer est le « Cadre d’orientation curriculaire de système éducatif haïtien 2024-2054 ». Au chapitre des préconisations linguistiques et didactiques, ce document consigne l’orientation suivante : « (…) l’une et l’autre langues sont, tour à tour, langues d’enseignement. L’enfant est accueilli à l’école dans la langue parlée dans sa famille, le créole, et c’est dans cette langue qu’il découvre le monde et accomplit ses premiers apprentissages. Puis, en s’appuyant sur les compétences développées en créole, il doit s’approprier le français pour en faire progressivement une langue d’apprentissage scolaire, à partir de la 3e année. Le passage harmonieux d’une langue d’enseignement à l’autre est déterminant pour la réussite de son parcours. L’ambition de l’École haïtienne est d’amener, d’une manière équilibrée, chacun à parler, comprendre, lire et écrire, avec une égale aisance dans l’une et l’autre langue » (p. 16). En ce qui a trait spécifiquement au créole, le document précise que « Au cours des deux premières années du Fondamental, le créole est la langue d’apprentissage de la lecture et de l’écriture. C’est dans cette langue qu’il va développer des compétences qui pourront ensuite être transférées au français, puis à d’autres langues. (…) « Le créole reste langue d’enseignement en troisième et quatrième années, mais doit s’amorcer la « transition linguistique » vers le français. Ce passage déterminant doit être géré avec beaucoup d’attention et de souplesse.
L’enseignement du créole est poursuivi, en continuité, jusqu’à la fin du secondaire, avec en particulier, la pratique de la littérature créole. Cet enseignement joue un rôle essentiel dans la transmission de la culture, de l’histoire et des traditions haïtiennes » (p. 41). (Pour un bilan analytique de ce document majeur, voir l’article « L’aménagement du créole à l’épreuve du « Cadre d’orientation curriculaire » du ministère de l’Éducation d’Haïti », par Robert Berrouët-Oriol, Le National, 2 mars 2021.)
L’un des enseignements de « l’oubli » de ces documents officiels majeurs d’orientation du système éducatif national est que le ministre de facto Nesmy Manigat privilégie une « gouvernance du paraître », une « gouvernance par accumulation de tweets », une « gouvernance enchaînée au thermomètre du buzz médiatique » plutôt que d’insuffler une véritable direction administrative au ministère de l’Éducation basée sur une politique linguistique éducative nationale. Ce mode de gouvernance préoccupe de nombreux cadres du ministère de l’Éducation qui voient leur institution voguer sans ligne directrice constante et au fil de plusieurs décisions erratiques prises par Nesmy Manigat la plupart du temps en dehors de toute consultation avec les associations d’enseignants et les directeurs d’écoles.
De l’art obscur de la récidive politique et de la dérive idéologique
Le MIT Haiti Initiative a conclu en avril 2013 un accord de partenariat avec l’État haïtien représenté par Laurent Lamothe, l’un des plus « lourds » caïds du cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste. La « loyauté » du MIT Haiti Initiative envers ce cartel, à travers les prises de position publiques de Michel DeGraff, ne s’est jamais démentie depuis lors. De notoriété publique depuis plusieurs années, le soutien de Michel DeGraff au cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste, à travers sa propagande soutenue en faveur du PSUGO, est attesté dans les deux documents suivants que chacun peut en tout temps consulter :
1—L’article de Michel DeGraff, « La langue maternelle comme fondement du savoir : L’Initiative MIT-Haïti : vers une éducation en créole efficace et inclusive » (Revue transatlantique d’études suisses, 6/7, 2016/2017).
2–La vidéo de de Michel DeGraff postée sur Youtube le 5 juin 2014, « Gras a pwogram PSUGO a 88% timoun ale lekòl ann Ayiti » (« Grâce au PSUGO 88% des écoliers haïtiens sont scolarisés en Haïti »).
Sur le plan des idées, en matière d’éthique politique et universitaire, Michel DeGraff s’est révélé être un idéologue populiste récidiviste cultivant d’année en année un soutien sans faille au cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste. Il s’y est encore récemment employé lorsque le ministre de facto de l’Éducation, Nesmy Manigat, dépourvu d’une vision cohérente de la didactique du créole et d’un véritable plan d’aménagement du créole dans l’École haïtienne, a brusquement annoncé l’inconstitutionnelle décision (morte-née depuis lors) de ne subventionner que les manuels scolaires rédigés en créole. Ainsi, dès l’annonce de cette mesure « révolutionnaire », Michel DeGraff n’a pas hésité à entonner un bavard cocorico « nationaliste » et à saluer « une journée historique » dans l’histoire du pays : « Vreman vre, jounen 22/2/2022 sa a se te yon jounen istorik nan istwa peyi nou e nan istwa mouvman kreyòl la » (cf. courriel de Michel Degraff daté du 27 février 2022 intitulé « Liv ki ekri oubyen tradwi nan kreyòl »). Dans son empressement à saluer et à supporter cette prétendue « journée historique » dans l’histoire du pays, Michel DeGraff feint d’ignorer que l’État haïtien n’administre et ne finance que 20% de l’offre scolaire détenue à 80% par le secteur privé national et international. Il feint également d’ignorer que la mesure « révolutionnaire » décidée en dehors de toute consultation avérée avec les associations d’enseignants, les directeurs d’écoles et les éditeurs de manuels scolaires est inconstitutionnelle et viole les articles 5 et 40 de la Constitution de 1987 (voir notre article « Financement des manuels scolaires en créole en Haïti : confusion et démagogie au plus haut niveau de l’État », Le National, 8 mars 2022). Là encore « l’effet d’annonce », sans plan directeur d’ensemble, tient lieu de politique linguistique éducative nationale, et la moindre décision ministérielle touchant le créole est vite célébrée, sans analyse sérieuse et documentée, au titre d’une innovation « historique » : en cela aussi le populisme linguistique se nourrit des errements idéologiques et de l’art de tourner en rond.
Il existe en réalité une communauté de vue, une appartenance idéologique commune entre le Michel DeGraff linguiste-idéologue et un certain secteur du cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste bénéficiant de la « rente financière d’État » dans le domaine éducatif : c’est le populisme linguistique « en service commandé ». Dans sa variante identitaire prêchant le monolinguisme, le populisme linguistique « en service commandé » entend :
–promouvoir le créole en dehors des prescrits de la Constitution de 1987 ;
–promouvoir le créole par le rejet systématique du français, l’une de nos deux langues officielles et langue de notre patrimoine linguistique historique bilingue ;
–proclamer le créole seule langue officielle d’Haïti ;
—promouvoir le créole en dehors de tout cadre institutionnel national ;
—promouvoir le créole en dehors de tout cadre référentiel en didactique du créole et dans le rejet de la didactisation du créole ;
–promouvoir le créole à contre-courant d’une lexicographie créole de haute qualité scientifique ;
–s’opposer à l’obligation constitutionnelle de l’aménagement simultané des deux langues officielles du pays, le créole et le français [voir l’article « L’aménagement simultané du créole et du français en Haïti, une perspective constitutionnelle et rassembleuse », par Robert Berrouët-Oriol, Potomitan, 23 novembre 2020.]
Ce sont là les enjeux politiques et idéologiques majeurs qui, en structure profonde de son narratif, chevillent l’article de Michel DeGraff dans le New York Times du 14 octobre 2022. Que certains, armés d’une improbable boule de cristal, croient naïvement que le créole aurait accédé au Prix Nobel de linguistique parce qu’il s’étale, sous la plume éthérée de Michel DeGraff, dans les prestigieuses pages du New York Times, relève d’une myopie volontaire et sans lendemain. Mais les faits sont têtus et doivent être interrogés avec rigueur : l’article de Michel DeGraff en appui aux innovations « révolutionnaires » du ministre PHTKiste de l’Éducation quant à l’usage du créole dans l’enseignement est publié dans un contexte politique précis. Il intervient alors même qu’il n’y a pas eu de rentrée scolaire début octobre 2022, les écoles étant fermées partout en Haïti ; il est publié au moment où l’Exécutif PHTKiste, dépourvu de la moindre légitimité politique et constitutionnelle et totalement coupé de la population, est aux abois et fait appel à ses « intellectuels de service » pour tenter de faire croire qu’il administre l’État ; il est parachuté dans le New York Times au moment où l’Exécutif PHTKiste, incapable de faire face à l’hégémonie grandissante des gangs armés et jouant sa survie, réclame une urgente nouvelle occupation militaire du pays. Il est d’ailleurs symptomatique que la missive de Michel DeGraff soit aussi fortement et bavardeusement hors-sol, tel un OVNI sans prise réelle sur la conjoncture et l’auteur ne se prive pas de pérorer sans procéder à l’identification des forces sociales, politiques et oligarchiques qui sont à la manœuvre dans l’actuel chaos haïtien. Ainsi, dans son article, Michel DeGraff offre à ses lecteurs une vision à la fois partielle et révisionniste de l’histoire d’Haïti lorsqu’il ne cible que le rôle de la France qui aurait imposé au pays « yon ranson lengwistik, yon chenn pou kolonizasyon mantal » tout en faisant l’impasse sur la tutelle de facto imposée depuis 1915 à Haïti par l’Empire américain. Celui-ci a de différentes manières soutenu tous les pouvoirs autoritaires en Haïti, spécialement la dictature duvaliériste, et il a porté sur les fonts baptismaux le cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste il y a onze ans, mais cette réalité est occultée par le linguiste-prédicateur-propagandiste du MIT qui se garde de manière constante d’analyser publiquement le rôle du Crocodile étoilé dans tous les secteurs de la vie nationale de l’Occupation américaine de 1915 à 1934 et jusqu’en 2022. L’idée fantaisiste et farfelue d’une « rançon linguistique », qu’il faudra ultérieurement analyser, fait maintenant partie de l’arsenal des idées révisionnistes colportées par Michel DeGraff dans le champ historico-linguistique. Sur ce registre, il serait utile et éclairant d’investiguer de quelle manière les idéologues au service de la dictature de François Duvalier ont abordé dans leurs écrits la problématique de la « rançon » versus la pseudo « dette » de l’Indépendance. Une recherche approfondie et à large spectre analytique devra ainsi revisiter les œuvres des intellectuels duvaliéristes « en service commandé » : les frères Paul et Jules Blanchet, l’autoproclamé « historien » révisionniste Rony Gilot (laudateur de la dictature duvaliériste), l’idéologue raciste René Piquion (porte-étendard du noirisme et des « authentiques »), Gérard Daumec (le préfacier en 1967 du « Guide des « Œuvres essentielles » du docteur François Duvalier »), le proto-nazi Gérard de Catalogne (admirateur de Pétain et de Maurras et responsable éditorial des « Œuvres essentielles » de François Duvalier).
Ces enjeux sont perçus comme tels par Lyonel Trouillot dans sa légitime protestation du 18 octobre 2022. L’un des grands mérites de l’article de Lyonel Trouillot est de rappeler l’importance et la nécessité d’une « veille linguistique citoyenne » en Haïti où le populisme linguistique, loin d’être éteint ou en état comateux, demeure en embuscade et veut se faire passer, entre autres avec le soutien politique public des Ayatollahs du créole, pour un véritable projet de société. Dans le domaine de l’éducation, le bilan du PHTK néo-duvaliériste est quasi nul depuis douze ans : il a donc besoin d’alliés, sur la scène nationale et internationale, capables de vanter ses indétectables « réussites ». Dans le domaine de la lexicographie créole et de la modélisation de la didactique en langue maternelle créole, le bilan du MIT Haiti Initiative depuis 2013 confirme qu’il est un « discours d’annonce » autocentré et cette « Initiative » –complaisamment soutenue jusqu’à tout récemment par le Département de linguistique du MIT–, est encore caractérisée par son lourd déficit d’implantation dans le système éducatif national (voir notre article « AFFAIRE MICHEL DEGRAFF » - Lettre ouverte au professeur Haynes Miller du MIT Haiti Initiative Project », Médiapart, 10 novembre 2024). Le MIT Haiti Initiative dirigé par Michel DeGraff a donc impérativement besoin de maintenir son « alliance stratégique » avec le cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste pour perdurer, pour se donner un vernis de « légitimité » sur le sol national et pour tenter de s’implanter en Haïti. Il est à cet égard hautement significatif que Michel DeGraff, contrairement à la communauté des linguistes haïtiens, soit le seul linguiste créoliste à soutenir publiquement un Exécutif haïtien corrompu, illégal et kleptocrate ayant requis récemment une nouvelle occupation militaire du pays. Enfin il est tout aussi hautement significatif que la communauté des linguistes haïtiens n’a à aucun moment avalisé le pseudo « modèle » lexicographique du MIT Haiti Initiative et s’est bien gardé de recommander l’usage de son médiocre « Glossary of STEM terms from the MIT – Haïti Initiative » pour l’apprentissage en créole des sciences et des techniques (voir l’article de Robert Berrouët-Oriol, « Le naufrage de la lexicographie créole au MIT Haiti Initiative », Le National, Port-au-Prince, 15 février 2022) ».
Tel que mentionné auparavant, le MIT Haiti Initiative a conclu en avril 2013 un accord de partenariat avec l’État haïtien représenté par Laurent Lamothe, l’un des caïds-en-chef du cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste. Les démarches promotionnelles initiales de cet accord ont été assurées par un affairiste de la place lié à Laurent Lamothe, l’administrateur-banquier Bernard DeGraff, propagandiste autoproclamé du duvaliérisme et nostalgique de la pseudo « mission civilisatrice » du dictateur François Duvalier. Il est attesté que Bernard DeGraff, un « intellectuel » de faible envergure et « en service commandé » dans le clan dit « éclairé » du PHTK –à l’instar de Louis Nauld Pierre, Bochit Edmond, Joseph Jouthe, Weibert Arthus, Fritz Dorvillier--, a joué efficacement le rôle de « facilitateur » en vue de la conclusion de l’accord de partenariat entre l’État haïtien et le MIT Haiti Initiative. Comme en font foi plusieurs articles dans la presse locale, la gestion financière et administrative de Bernard DeGraff, directeur en Haïti de l’ONA (Office national d’assurance), a été amplement contestée par les employés de cette institution (voir l’article « Haïti-Société : « Dégrafer Bernard Dégraff à l’Ona », nouveau slogan après un mois de protestation des employés », AlterPresse, 14 avril 2014). Le preux chevalier servant du PHTK Bernard DeGraff, lui aussi artisan de la kleptocratie triomphante au PHTK, a eu dès 2014 rendez-vous avec la Justice haïtienne : « L’enquête de l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC) sur la gestion de Bernard Degraff a fait remarquer qu’il y a matière de poursuite contre l’ancien directeur de l’Office national d’assurance, Bernard Degraff, selon ce qu’a déclaré jeudi le directeur Antoine Atouriste. Selon les résultats de cette enquête recommandée par le Sénat de la République, suite aux nombreuses dénonciations de corruption de la part de certains employés de la boîte, il y a des éléments qui prouveraient qu’il y a lieu d’engager une poursuite judiciaire contre l’ancien DG de l’ONA, affirme le responsable de l’ULCC » (voir l’article « Haïti-Justice : « il y a lieu de poursuites contre Bernard Degraff », selon ULCC » (Radio Vision 2000, 18 juillet 2014).
Au creux du bien rodé « système Manigat/DeGraff », les universitaires « en service commandé » --entre autres les Louis Nauld Pierre, Bochit Edmond, Joseph Jouthe, Weibert Arthus, Fritz Dorvillier, etc.--, jouent le rôle-miroir de « caution académique », de « facilitateurs » dans l’articulation entre le pôle du prestige universitaire et le pôle du système éducatif haïtien en vue de la mise en œuvre de la « fabrique du consentement ». L’objectif principal de la « fabrique du consentement » a consisté, dans le cas qui nous occupe aujourd’hui, à obtenir (1) l’adhésion de hautes instances du secteur universitaire américain à la mise sur pied du MIT Haiti Initiative, à bénéficier de (2) financements conséquents en vue de la mise en route des activités « scientifiques » du MIT Haiti Initiative et (3) à faire endosser/avaliser le projet MIT Haiti Initiative par l’État haïtien au motif présumé de la promotion du créole comme langue d’enseignement dans le système éducatif haïtien. Une telle « fabrique du consentement » comprend son cadre légal, l’accord de partenariat conclu en avril 2013 avec l’État haïtien, ainsi que ses clauses non écrites, notamment l’appui public aux interventions du PHTK dans le domaine de l’éducation en Haïti. C’est rigoureusement en cela que réside l’articulation centrale de l’appui public, constant, réitéré, accordé par Michel DeGraff au cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste depuis avril 2013. L’une des illustrations des clauses non écrites de la « fabrique du consentement » située au cœur du « système Manigat/DeGraff », sorte de « retour d’ascenseur » donnant-donnant est l’entrevue de Michel DeGraff parue sur le site MIT News Office le 20 juillet 2015. Dans cette fort éclairante entrevue Michel DeGraff, selon sa vision de la promotion du créole, se prononce comme suit sur le « Pwotokòl akò ant ministè Edikasyon nasyonal ak fòmasyon pwofesyonèl (Menfp) ak Akademi kreyòl ayisyen (Aka) -- [« Protocole d’accord entre le ministère de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle et l’Académie du créole haïtien », 8 juillet 2015]. Cet accord est ainsi présenté par Michel DeGraff dans son entrevue du 20 juillet 2015 :
« The core objective of this new agreement between MENFP and AKA is to further promote Kreyòl, and Kreyòl speakers’ linguistic rights. MENFP and AKA have now created a formal framework to work together to expand the use of Kreyòl as a teaching tool at all levels of Haiti’s system, from kindergarten to university. This also entails the standardization of Kreyòl writing, and the training of teachers for instruction of, and in, Kreyòl. »
« L'objectif principal de ce nouvel accord entre le MENFP et l'AKA est de promouvoir davantage le kreyòl et les droits linguistiques des locuteurs du kreyòl. Le MENFP et l'AKA ont créé un cadre formel pour travailler ensemble afin d'étendre l'utilisation du kreyòl comme outil d'enseignement à tous les niveaux du système haïtien, de la maternelle à l'université. Cela implique également la normalisation de l'écriture en kreyòl et la formation des enseignants pour l'enseignement du kreyòl et en kreyòl. » [Traduction : RBO]
Et Michel DeGraff –en conformité avec les clauses non écrites de la « fabrique du consentement »--, conforte son propos en y ajoutant des considérations d’ordre idéologique et politique de la manière suivante :
« (…) MENFP Minister Nesmy Manigat has shown an extraordinary amount of political will to promote Kreyòl. He is wholeheartedly supporting AKA and its agenda, as shown in the signing, on July 8, of this MENFP-AKA agreement. As he explained at the signing ceremony, Haitian schools have for too long wasted the potential of too many students by ignoring their native Kreyòl, and he trusts that this agreement will help ensure that all Haitian students have the same opportunity to succeed in school. »
« (…) le ministre de l’Éducation nationale, Nesmy Manigat, a fait preuve d'une volonté politique extraordinaire pour promouvoir le kreyòl. Il soutient sans réserve l'AKA [Akademi kreyòl ayisyen] et son programme, comme en témoigne la signature, le 8 juillet, de cet accord MENFP-AKA. Comme il l'a expliqué lors de la cérémonie de signature, les écoles haïtiennes ont trop longtemps gaspillé le potentiel de trop d'élèves en ignorant leur langue maternelle, le kreyòl, et il est convaincu que cet accord contribuera à garantir que tous les élèves haïtiens aient les mêmes chances de réussir à l'école. » [Traduction : RBO]
Il est hautement significatif que Michel DeGraff expose une vision aussi frauduleuse de cet accord entre le ministère de l’Éducation nationale et l’Akademi kreyòl alors même qu’il n’a jamais présenté le moindre bilan analytique de cette initiative pilotée par le ministre de facto de l’Éducation nationale, Nesmy Manigat, l’un des « caïds à cravate » du cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste. Michel DeGraff n’est pas sans savoir que durant la mandature de Nesmy Manigat –qu’il louange publiquement au motif fallacieux qu’il aurait « fait preuve d'une volonté politique extraordinaire pour promouvoir le kreyòl »--, LE SYSTÈME ÉDUCATIF HAÏTIEN A CONNU SES PLUS VASTES SCANDALES DE CORRUPTION ET DE DÉTOURNEMENT DE FONDS, en particulier au PSUGO et au Fonds national de l’éducation (voir l’article « La corruption au Fonds national de l’éducation : ce que nous enseigne le saint-Évangile de la transparence politique de Joseph Jouthe, exPremier ministre d’Haïti », par Robert Berrouët-Oriol, Madinin’Art, 25 septembre 2004).
Mis en route par les deux caïds-en-chef du PHTK néo-duvaliériste Michel Martelly et Laurent Lamothe, le PSUGO (Programme de scolarisation universelle gratuite et obligatoire), a été très largement dénoncé en Haïti par les enseignants et les associations d’enseignants. Il s’est révélé être une vaste entreprise de corruption et de dilapidation des ressources financières de l’État haïtien (voir les remarquables enquêtes de terrain d’AlterPresse diffusées en Haïti en juillet 2014, « Le Psugo, une menace à l’enseignement en Haïti ? (I - IV) / Un processus d’affaiblissement du système éducatif… » ; voir aussi le rigoureux article de Charles Tardieu, enseignant-chercheur, ancien ministre de l’Éducation nationale d’Haïti, « Le Psugo, une des plus grandes arnaques de l’histoire de l’éducation en Haïti », Port-au-Prince, 30 juin 2016).
Il est invraisemblable qu’au cours des douze dernières années Michel DeGraff n’ait jamais entendu parler de la corruption systémique qui a cours dans le système éducatif national… Mais l’on observe qu’au creux de la « fabrique du consentement » couplée à la « corruption des esprits », Michel DeGraff passe entièrement sous silence les dispositifs de corruption et d’invisibilisation de la corruption tant au PSUGO qu’au Fonds national de l’éducation pourtant amplement dénoncés par les enseignants et leurs associations en Haïti. Ainsi, depuis un certain temps, le Fonds national de l’éducation est l’objet de multiples dénonciations formulées publiquement par diverses institutions de la société civile haïtienne, entre autres par « Ensemble contre la corruption », un regroupement de neuf organisations des droits humains. Ce regroupement citoyen est l’auteur du « Guide anti-corruption » (janvier 2024) et de « Les huit défis majeurs de la lutte contre la corruption en Haïti pour l’année 2024 » (janvier 2024). En Haïti le site AlterPresse a publié le 15 mai 2024 notre article intitulé « Le linguiste Robert Berrouët-Oriol dénonce un niveau de « corruption » au sein du Fonds national de l’éducation en Haïti ». Dans cet article également publié aux États-Unis, en France et en Martinique, nous avons donné accès à la « Note de presse de Ensemble contre la corruption » [datée du 25 avril 2024] relative à une gouvernance de rupture dans le pays au moment de la mise en place du Conseil présidentiel de transition (Cpt) ». Cette note de presse consigne l’information suivante : « Au moment de l’élaboration de cette note de presse, un scandale financier a éclaté au Fonds national de l’éducation (Fne). « Ensemble contre la corruption » s’est entretenu avec l’actuel directeur général de l’institution [Jean Ronald Joseph], qui lui a affirmé que le salaire mensuel de 650 000 gourdes qu’il perçoit était en vigueur bien avant son arrivée à la tête du Fne, en décembre 2021. Et la décision d’octroyer des émoluments aussi exorbitants au directeur général du Fne a été validée par le Conseil d’administration [du FNE que dirigeait à l’époque Nesmy Manigat, ministre de facto de l’Éducation nationale], sans considération aucune de la grille des salaires en vigueur dans la fonction publique ». [Le souligné en italiques et gras est de RBO] La note de presse de Ensemble contre la corruption précise également ce qui suit : « À ce stade, plusieurs interrogations et autres opinions sont permises : (a) Qu’est ce qui explique un tel niveau de salaire, qui dépasse nominalement celui du Président de la république, du Premier ministre, des ministres etc. ? (b) Pourquoi les salaires, accordés aux employés des organismes publics autonomes, ne s’alignent pas sur la grille de la fonction publique ? (c) Pourquoi le Conseil d’administration du Fne, ou même l’Office de management et des ressources humaines (Omrh), l’Inspection générale des finances (Igf) et la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (Cscca) ne se prononcent pas sur ce dossier » ? La perquisition de l’ULCC au Fonds national de l’éducation du 4 mai 2024 est consécutive aux révélations du site Hebdo24.com datées du 1er avril 2024 et relatives au vaste « système dilapidateur » des ressources financières de l’État ayant cours au Fonds national de l’éducation. En voici un extrait : « Au Fonds national de l’éducation, l’argent se gaspille par « millions de gourdes » : « Depuis le weekend dernier, le Fonds national de l’éducation fait l’objet de graves dénonciations. En effet, le FNE constituerait une vraie vache à lait pour certaines personnes, dont son Directeur général. Selon des documents consultés par Hebdo24, le salaire mensuel de Jean Ronald Joseph s’élève à 650 000 gourdes [4 875 $ US mensuels]. Additionné sur 12 mois, son salaire est de 7 millions 800 mille gourdes annuellement. De plus, les dépenses salariales au sein du bureau du Monsieur Joseph totalisent 24 millions de gourdes par an pour sept personnes, tandis que son cabinet, composé de dix-sept membres, représente une dépense annuelle de 49 millions de gourdes. Dans ces documents, figurent des noms de firmes, d’écoles, de journalistes et d’autres contractuels qui perçoivent des sommes astronomiques pour leurs services. C’est le cas de l’ancien député Déus Déroneth qui reçoit un montant de 350 000 gourdes à titre de contractuel ».
La récente perquisition de l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC) au siège du Fonds national de l’éducation a eu l’effet d’un tsunami dans les milieux de l’enseignement en Haïti. « Des enquêteurs de l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC) ont perquisitionné les locaux du Fonds national de l’éducation (FNE) ce mardi 4 juin 2024. « Oui, j’ai donné un ordre de perquisition aux enquêteurs de l’ULCC ce matin concernant le FNE. L’ULCC a reçu plusieurs signalements, plaintes et dénonciations sur d’éventuels faits importants de corruption », a confié à Le Nouvelliste le directeur de l’ULCC, Me Hans Ludwig Joseph. « Cette perquisition, a-t-il poursuivi, fait partie d’une série d’actes d’enquête en cours. Les enquêteurs, dont des investigateurs numériques, sont sur les lieux pour collecter des données informatiques, faire la saisie de documents comptables et administratifs et auditionner des personnes indexées et tous autres concernés », a indiqué Me Joseph » (voir l’article « Des enquêteurs de l’ULCC ont perquisitionné le FNE », Le Nouvelliste, 4 juin 2024).
Au chapitre de l’analyse des mécanismes de la corruption et de son invisibilisation au sein du Fonds national de l’éducation, nous avons publié deux articles amplement documentés, « Le Fonds national de l’éducation en Haïti, un système mafieux de corruption créé par le PHTK néo-duvaliériste » (Madinin’Art, 20 avril 2024), et « La corruption au Fonds national de l’éducation en Haïti : ce que nous enseignent l’absence d’états financiers et l’inexistence d’audits comptables entre 2017 et 2024 », (Madinin’Art, 3 mai 2024). Ces deux articles sont suivis d’un complément analytique, « L’expansion de la corruption dans le système éducatif haïtien légitimée par la « vedette médiatique » du PHTK néo-duvaliériste Nesmy Manigat » que nous avons fait paraître sur le site Rezonòdwès le 14 août 2024. Il est peu vraisemblable que Michel DeGraff, autrefois si prompt à débusquer les fantômes rôdeurs de la « gwojemoni » de l’impérialisme français en Haïti, n’ait pas eu connaissance de l’ampleur de la corruption au Fonds national de l’éducation dont le Conseil d’administration était statutairement dirigé à l’époque par Nesmy Manigat, ministre de facto de l’Éducation nationale.
Connu pour sa « gwojemonik » posture et ses appels à la « fatwa » contre la prétendue « langue du colon » en Haïti, le français, Michel DeGraff est également connu pour son sectarisme conflictuel et son dogmatisme myope. Dans l’article qu’il a fait paraître dans le New York Times du 14 octobre 2022, il véhicule la notion révisionniste de « rançon linguistique » et de « colonisation mentale » (« yon ranson lengwistik, yon chenn pou kolonizasyon mantal ») tout en faisant l’impasse sur « la corruption des esprits » et l’ample système de corruption au ministère de l’Éducation nationale alors dirigé par son « allié stratégique » Nesmy Manigat.
Michel DeGraff est l’auteur de l’article paru sur le site Inside Higher Ed le 13 juin 2024, « When Language Is a Weapon ». Cet article est éclairant à plusieurs titres. Il atteste, entre autres, que Michel DeGraff était en conflit ouvert, en 2023, avec la Présidente du Massachusetts Institute of Technology, Sally Kornbluth, et avec Dany Fox, le Directeur du Département de linguistique du MIT. Michel DeGraff était également en conflit ouvert, en 2023, avec la LSA, la Linguistic Society of America. C’est pourtant la même Linguistic Society of America qui avait, en 2022, attribué à Michel DeGraff un « Fellows », sa plus haute distinction scientifique « en reconnaissance de ses réalisations exceptionnelles et de services rendus à la discipline et à la communauté (…) ». Dans un courriel daté du 9 février 2023 dans lequel il cible le Bureau de l’UNESCO en Haïti, Michel DeGraff a inauguré une « « fatwa » contre cette institution onusienne accusée de s’adonner à « des pratiques anti-créole en Haïti ». Alors même qu’il était en conflit ouvert avec la Présidente du Massachusetts Institute of Technology et avec Dany Fox, le Directeur du Département de linguistique du MIT, tandis qu’il était également en conflit ouvert avec la Linguistic Society of America, Michel DeGraff est entré en conflit ouvert avec le Bureau de l’UNESCO en Haïti au motif, disait-il frauduleusement, que l’institution onusienne « ap plede ankouraje pratik anti-kreyòl mi wo mi ba sa yo ». Membre fondateur de la chétive et comateuse Akademi kreyòl ayisyen (AKA) avec laquelle il est entré en conflit ouvert, Michel DeGraff a été publiquement « démissionné » de l’AKA en 2018 par un bref communiqué de presse du président de cette micro-structure… Dans ce bref communiqué de presse, le président de l’AKA annonçait, en plus de l’expulsion de Michel DeGraff, vouloir lui intenter un procès pour diffamation…
L’appui public accordé par Michel DeGraff au cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste contribue à légitimer, tout en la banalisant, la corruption qui s’est amplement généralisée dans le système éducatif haïtien. Tel que précédemment précisé, c’est durant la mandature de Nesmy Manigat à la direction de l’Éducation nationale que LE SYSTÈME ÉDUCATIF HAÏTIEN A CONNU SES PLUS VASTES SCANDALES DE CORRUPTION ET DE DÉTOURNEMENT DE FONDS, aussi bien au PSUGO qu’au Fonds national de l’éducation (voir l’article « La corruption au Fonds national de l’éducation : ce que nous enseigne le saint-Évangile de la transparence politique de Joseph Jouthe, exPremier ministre d’Haïti », par Robert Berrouët-Oriol, Madinin’Art, 25 septembre 2004). Le « système Manigat/DeGraff », à l’aune de la « fabrique du consentement », participe d’un phénomène socio-économique et politique plus large, celui d’un système de gouvernance de l’État haïtien selon le « modèle » promu par les auto-proclamés « bandits légaux » du PHTK : la corruption et la vassalisation de l’ensemble des institutions de l’État et la banalisation de la corruption et de la vassalisation à l’aide de différents dispositifs d’invisibilisation et à l’aune de la « fabrique du consentement ». À cet égard, il faut prendre toute la mesure que la configuration structurelle de l’État haïtien s’est considérablement modifiée depuis une douzaine d’années --« l’État patrimonial et rentier » devenant davantage un « État gangstérisé », un « État en voie de somalisation » comportant plusieurs pôles en lutte pour l’hégémonie politique : « les micro-États des gangs armés » en concurrence avec des reliquats structurels de l’« l’État patrimonial et rentier ». NOTE – Sur la gangstérisation de l’État, voir l’étude de Frédéric Thomas « Haïti : la gangstérisation de l’état se poursuit », Cetri, Université de Louvain, 7 juillet 2022 ; sur les « bandits légaux » voir l’article de Rorome Chantal de l’Université de Moncton, « L’ONU, le PHTK et la criminalité en Haïti », AlterPresse, 25 juillet 2022 ; voir aussi l’article de Laënnec Hurbon, « Pratiques coloniales et banditisme légal en Haïti », Médiapart, 28 juin 2020 ; voir également l’entrevue de Jhon Picard Byron, enseignant-chercheur à l'Université d’État d’Haïti, « Gangs et pouvoir en Haïti, histoire d’une liaison dangereuse », Radio France internationale, 23 septembre 2022 ; et « L’« État de dealers » guerroyant contre l’« État de droit » en Haïti », par Robert Berrouët-Oriol, Médiapart, 18 janvier 2024. Sur la criminalisation/gangstérisation du pouvoir d’État voir l’article de Jean-François Gayraud et Jacques de Saint-Victor, « Les nouvelles élites criminelles. Vers le crime organisé en col blanc », revue Cités 2012/3, no 51 ; voir aussi « La criminalité en ‘’col blanc’’, ou la continuation des affaires… », Le Monde diplomatique, mai 1986 ; voir également l’éclairant article de l’économiste Thomas Lalime, « Haïti : la gangstérisation de la politique ou la politique de gangstérisation ? », Le Nouvelliste, 14 mai 2019.)
Il faut prendre toute la mesure que la corruption dans le système éducatif national haïtien est devenue la principale caractéristique de ce système ces douze dernières années (voir l’étude « Gouvernance et corruption en Haïti : résultats de l’enquête diagnostique sur la gouvernance », Banque mondiale, Rapport final, mai 2007. À l’échelle internationale la corruption dans les systèmes éducatifs nationaux est un phénomène amplement diagnostiqué. « La corruption et la mauvaise gouvernance sont reconnues comme des obstacles considérables au droit à l’éducation et à la réalisation des Objectifs mondiaux pour le développement. La corruption limite non seulement l’accès à l’éducation mais porte également atteinte à la qualité de l’enseignement et à la fiabilité des résultats de la recherche. Des risques de corruption majeurs peuvent être identifiés à tous les échelons des systèmes éducatif et universitaire, de la passation de marchés publics biaisés pour les fournitures scolaires au népotisme dans le recrutement des enseignants, en passant par la vente et l’achat de diplômes et la distorsion des résultats de la recherche » (voir l’étude de Transparancy International, « Rapport mondial sur la corruption : l’éducation », 1er octobre 2013).
Sur le registre de « la corruption des esprits », l’ample phénomène de la corruption a été étudiée par divers auteurs, y compris dans ses dimensions épistémologique, philosophique et anthropologique. Ainsi, dans sa remarquable étude intitulée « Le Prince et le problème de la corruption : réflexions sur une aporie machiavélienne », Robert Sparling –professeur agrégé en Études politiques à la Faculté des sciences sociales de l'Université d'Ottawa--, nous introduit à une éclairante cartographie de la corruption dans « Le Prince » de Machiavel de la manière suivante : « Les dimensions clés du terme « corruption » dans les Discours sont bien connues : la corruption y est comprise comme une diminution de respect pour la loi, les formes religieuses et la gloire de la république; la corruption s’installe quand il y a une augmentation des dépendances personnelles, de la décadence et du factionnalisme (au lieu du « sain » conflit de classes); de plus, la corruption tend à se manifester par le mépris de la frugalité, par la montée des classes de gentilshommes oisifs, par la servilité et l’oisiveté du peuple, ainsi que par une dépendance de la collectivité à la protection prodiguée par les mercenaires. La corruption pourrait se résumer à une perte de la vertu citoyenne – une vertu qui consiste, soulignons-le, non pas en une dévotion désintéressée pour la patrie (car ceci est une idée qui fait violence à la psychologie sociale machiavélienne), mais plutôt en une identification pleine avec la république, source du profit et de la gloire. On sait aussi que pour Machiavel, la corruption a le pouvoir de transformer rapidement des sociétés dites « libres » en sociétés serviles. Le concept de corruption inclut ainsi à la fois des phénomènes que nous pouvons facilement comprendre comme corrompus (le népotisme, le clientélisme, les détournements de fonds publics) et d’autres qui en semblent plus éloignés selon l’acception moderne du terme (la paresse, l’impiété, l’inégalité extrême, le populisme, la dépravation des moeurs publiques). Ceux qui considèrent que la définition dominante aujourd’hui de la corruption (« l’abus d’un pouvoir public à des fins privées ») est trop individualiste et insuffisamment politique sont évidemment attirés par cette appréhension hautement républicaine du terme « corruption » de la part de Machiavel, bien que, ce faisant, ils passent négligemment sous silence certains aspects violents et masculinistes du civisme qui sous-tendent cette idée » (source : « Les Ateliers de l’éthique », volume 9, numéro 1, hiver 2014).
Il est attesté que le « système Manigat/DeGraff » n’a pas eu le succès politique escompté, en particulier au constat que le pseudo « modèle pédagogique » du MIT Haiti Initiative n’a jamais pu s’implanter dans notre système éducatif national alors même que, comme le rappelle avec rigueur Lyonel Trouillot, Michel DeGraff fait publiquement la promotion de « l’entente cordiale » et de la collaboration avec un régime corrompu, celui du PHTK néo-duvaliériste. Mais le « système Manigat/DeGraff » a connu en Haïti un réel succès financier et administratif qu’il faut bien comprendre dans ses articulations idéologiques et politiques : il a conforté la « fabrique du consentement » au creux duquel LE SYSTÈME ÉDUCATIF HAÏTIEN A CONNU SES PLUS VASTES SCANDALES DE CORRUPTION ET DE DÉTOURNEMENT DE FONDS, aussi bien au PSUGO qu’au Fonds national de l’éducation (voir l’article « La corruption au Fonds national de l’éducation : ce que nous enseigne le saint-Évangile de la transparence politique de Joseph Jouthe, exPremier ministre d’Haïti », par Robert Berrouët-Oriol, Madinin’Art, 25 septembre 2004).
La plus ample exemplification du succès financier et administratif du « système Manigat/DeGraff » se donne à voir dans une récente démarche du nouveau ministre de l’Éducation nationale Augustin Antoine. En effet le ministre a officiellement déposé le 9 octobre 2024 une demande d’audit financier et administratif auprès de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSCCA) visant la précédente administration de l’Éducation nationale, celle de Nesmy Manigat précisément. Antoine Augustin enjoint la CSCCA d’accorder « une suite urgente à cette requête » et précise que l’audit devra être effectué « au niveau du ministère de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle ainsi que dans les directions techniquement déconcentrées et autonomes suivantes :
Pour l’heure nul ne sait ce qu’il adviendra de la demande du ministre Augustin Antoine d’audit financier et administratif auprès de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif puisqu’au moment où nous achevons la rédaction du présent article le Département d’État américain a « déchouké » le Premier ministre Gary Conille, homme-lige du secteur le plus kleptocratique du PHTK et l’a remplacé par Alix Didier Fils-Aimé réputé proche du secteur des affaires dans la République de Port-au-Prince… La chute brutale mais prévisible du néo-duvaliériste Gary Conille, qui a autrefois été le Premier ministre adulé de Michel Martelly, emporte avec elle la « vedette médiatique » du PHTK Nesmy Manigat, ex-ministre de facto de l’Éducation nationale et désormais ex-Directeur de cabinet de Gary Conille. Dans le marécage de la vertueuse « coopération internationale » en matière d’éducation, l’on retrouvera sans doute Nesmy Manigat, « expert-tout-terrain », à une reposante sinécure au Partenariat mondial pour l’éducation, à Washington, bien à l’abri des enquêtes que la Cour supérieure des comptes est censée mener sur la corruption dans le système éducatif haïtien…
Parmi les enseignements majeurs du « système Manigat/DeGraff » --système qui perdure encore en Haïti, même après le départ de Nesmy Manigat de l’Éducation nationale--, est précisément que ce système s’est banalisé, s’est invisibilisé à l’aune de la « fabrique du consentement ». L’on observe que le ministre Antoine Augustin a voulu, sur un plan légal et dans le respect de l’article 32 de la Constitution haïtienne de 1987, neutraliser et éradiquer le « système Manigat/DeGraff » dans ses liens systémiques avec la « fabrique du consentement ». L’avenir dira si la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif a su se montrer à la hauteur d’un audit administratif et financier à la fois historique et d’une grande amplitude…
Un autre enseignement, lié à la « fabrique du consentement », interpelle le bâclage amateur de l’aménagement du créole toutes les fois que le populisme linguistique parvient à se renouveler et à s’embusquer au ministère de l’Éducation nationale, au Rectorat de l’Université d’État d’Haïti ou à la moribonde Akademi kreyòl : le « consentement » qui prend corps dans ces environnements installe chez les locuteurs créolophones l’idée que l’aménagement du créole est d’abord l’affaire de micro structures apparentées à des sectes évangéliques, ce qui se traduit, sur le plan politique, par la déresponsabilisation de l’État haïtien quant à ses obligations en matière d’aménagement du créole aux côtés du français et en conformité avec les articles 5, 32 et 40 de la Constitution haïtienne de 1987.
ANNEXE / Texte de Lyonel Trouillot (18 octobre 2022)
« M pa antre nan deba lengwistik ayisyen an nan dimansyon teknik li. Mwen pa gen konpetans pou sa. Kòm sitwayen e kòm moun ki reflechi anpil sou enjistis ak inegalite sosyal, mwen gen pozisyon m sou ki politik lengwistik ki dwe patisipe nan kreyasyon yon sosyete ki va donnen plis jistis ak egalite, men se pa sou sa m ap pale jodi a.
M sezi, m estomake lè m li editoryal M. Michel Degraff nan New York Times kote, an bon kreyòl, li voye minis edikasyon gouvènman de fakto doktè Ariel Henry a, M. Nesmy Manigat monte kòm yon moun ki pote lespwa.
Se pa mwen ki ap aprann mesye Degraff yon minis solidè aksyon gouvènman li ladan n lan.
Gouvènman de fakto a kreye yon sitiyasyon sosyo-politik ki mete peyi a tèt anba. Sitwayen, sitwayèn nan lari, y ap fè fas ak yon represyon sovaj. Y ap mande demisyon yon pouvwa ki pa gen pyès lejitimite, ki pa regle anyen, ki lakòz tout bagay vin pi mal, ki vann lonè peyi a nan mande asistans militè etranje. Tout analiz bay gouvènman an pa gen lòt objektif ke rete sou pouvwa a, jwi tout tan sa posib e òganize ale l yon jan pou pèp la pa ka mande l kont. Ariel Henry ak sipò minis li yo prezidan-premye minis-pouvwa jidisyè-pouvwa lejislatif, l ap dirije jan l vle, refize antre nan negosyasyon serye ak fòs nan peyi a pou kriz politik la jwenn yon solisyon.
Lekòl fèmen. Gouvènman de fakto a monte pri gaz la yon wotè menm kant gaz la ta disponib pifò paran pa p ka peye transpò moto ak kamyonèt pou timoun yo ale lekòl. Kondisyon lekòl piblik yo (lekòl an jeneral) degrade. Sendika anseyan yo men nan tèt, y ap pwoteste kont anpil aksyon ak desizyon minis la.
Se nan moman sa a, M. Degraff chwazi voye minis de fakto Nesmy Manigat anlè kòm yon moun ki pran yon desizyon ki ba l espwa. Yo di se zanmi l, yo de a se Kòkòt ak Figawo, se dwa yo. Men se ta grav, si nan non defans pwomosyon lang kreyòl, ki se kòz pèp ayisyen e pa kòz dezoutwa lengwis k ap batay pou tit chanpyon, moun ta pwofite pran defans yon pouvwa ki gen san sou men n e ki gen kont pou l rann nou sou sa li fè ak lajan n, e ki se prensipal obstak pou kreyasyon yon gouvènman tranzisyon ak konpetans ak lejitimite pou soulaje soufrans pèp la, òganize eleksyon yon gouvènman lejitim pèp la chwazi pou mennen politik k ap defann enterè l, nan domèn edikasyon kou wè lòt domèn. Editoryal mesye Degraff la parèt nan yon moman gouvènman de fakto a ap mennen yon batay pou melanje djab ak bon mas, melanje pèp k ap revandike ak gang k ap tiye pèp la. Nan yon moman kote pa gen ase enfòmasyon k ap sikile aletranje sou sa pèp la ap sibi toulejou e prensipal revandikasyon l: demisyon gouvènman de fakto a. Voye yon minis monte se yon sipò objektif pou pwopagann gouvènman an, ke w vle ke w pa vle.
Annatandan se an bon kreyòl gouvènman de fakto a bay lapolis lòd tire sou popilasyon an, se an bon kreyòl l ap gagote lajan n, se an bon kreyòl li bare wout demokrasi, sòf lè li al fè ti kriye devan etranje pou mande yo voye sòlda vin ede l rete sou pouvwa a.
Kòm sitwayen e kòm moun k ap ekri an kreyòl depi lontan, m sezi yon moun ki fè karyè al revni l nan prezante l kòm espesyalis kreyòl pran yon pozisyon ki moutre li iyoran sou sa ki pi enpòtan nan moman an oswa sa pa enterese l : djab pa djab depi djab di yon bagay ki koresponn ak pozisyon l.
Se an kreyòl nan jounen lendi 17 oktòb la te gen dizèn ak dizèn milye sitwayen nan lari peyi a k ap mande demisyon Ariel Henry, Nesmy Manigat elatriye… Nan tèt mesye Degraff se li ki espè, moun sa y o pa konn sa k bon pou yo ?
Lyonel Trouillot
Atelye Jedi Swa, byen konsyan wòl ekriven kapab chwazi asime nan kominote a, ap melanje vwa li ak vwa pèsonalite e enstitisyon ki opoze a tout fòm entèvansyon militè nan peyi a. Okenn solisyon swadisan «imanitè» pa p pèmèt rezoud pwoblèm estriktirèl e konjonktirèl peyi a ap fè fas.
Sou plan estriktirèl, sosyete a pwodwi twòp inegalite pou li ta kontinye ap fonksyone byen trankil. Egzijans pou jistis sosyal ak ekite se plent mas popilè yo e se yon ijans istorik pou nou tande yo. Sou plan konjonktirèl, revandikasyon yo senp : demisyon gouvènman defakto M. Ariel Henry a epi mete sou pye yon gouvènman transzisyon ki kapab mennen yon minimòm aksyon nan sans jistis sosyal ak ekite repibliken epi òganize eleksyon san pas pouki.
Se nan kontèks sila yon gouvènman ilejitim e enpopilè deside double pri gaz la, yon ogmantasyon pèsonn pa t ap janm aksepte san chòk nan okenn peyi sou latè, menm lè li ta soti nan yon pouvwa lejitim. San mildout, gen yon pakèt enterè mafya anndan pouvwa a tankou deyò pouvwa a ki anje, epi gang yo PHTK ap itilize kòm zam politik e ki te federe anba de je Madanm Hélène Lalime, reprezantan Sekretè Jeneral Nasyonzini an an Ayiti, pran yon sètenn otonomi epi yo pwofite sityasyon malouk pwòp pouvwa a kreye a pou yo etann pouvwa pa yo.
Vizibilite gang sa yo pran an pa dwe fè nou bliye, depi plizyè lanne y ap koupe rache nan katye popilè yo, anpil ladan yo fè anpil masak nan anpil katye popilè san gouvènman PHTK yo pa janm enkyete yo. Vizibilite sila pa dwe fè n bliye nonplis se tout peyi a ki leve kanpe, k ap manifeste. Se nan tout depateman yo, nan tout vil yo lavi sa ki pi sanble ak lanmò, fè yon estop. Lide pou yon kelkonk fòs etranje, yon fòs militè sou pretansyon imanitè, pa koresponn ak reyalite a.
Ajoute sou sa, gouvènman defakto a pa gen okenn lejitimite enstitisyonèl pou li mande èd yon fòs etranje. Nan kontèks nou ye la a, okenn fòs militè pa p byen parèt devan je grann majorite popilasyon epi popilasyon an ap konsidere kelkeswa fòs militè a tankou yon alye pou gouvènman defakto a pandan demisyon gouvènman sila se sa tout moun ap tann. Kòman yon fòs militè etranje pral ka fè distenksyon ant gang ak manifestan, ant bandi ak senp sitwayen ki jis ap reklame dwa yo nan lari a, pandan yo entèdi yo tout kad enstitisyonèl yo? Kisa ki ta ka anpeche gouvènman defakto a pa egzanp pou li ta dekrete kouvrefe oubyen etadijans sou pretèks l ap konbat «gang», si l ap benefisye èd yon fòs militè etranje? Gouvènman defakto a, ak premye minis li an, diplomat li yo ak minis kominikasyon li an bay de pawòl devan laprès ak enstitisyon entènasyonal yo : tanto yo pretann yo konprann manifestan yo, tanto yo pretann se gang ki nan lari a. Yon idantifikasyon konsa (manifestan = bandi) se yon souflèt pou yon pèp k ap revandike dwa l, epi sa tou louvri pòt pou ravaj represyon an plis toujou si yo ba li mwayen militè pou sa. Kidonk, pakèt dizèn milye moun k ap manifeste nan Potoprens, nan Okap, nan Jeremi, nan Tigwav, nan Okay, nan Gonayiv tout se manm gang? Enbyen, se yon pèp gang! Jou lendi 10 oktob la, se yon pakèt milye manifestan ki te pran lari. Nèg ak inifòm, ki di tèt yo yo nan lapolis ak nan lame, tire sou yo. Demann èd militè gouvènman defakto a vize, klèman, ogmantasyon zak represyon yo epi pou mete fen nan mouvman revandikatif la.
Pou sila ki ret yon ti kras memwa toujou yo, sa k pi mal la se pendan dis dènye lane sa yo prezans etranje yo, soti nan vèsyon militè pou rantre nan vèsyon sivil, pa t janm fò konsa. Anpil santèn ak milyon dola, yo pran nan men senp sitwayen nan mond lan, te depanse san yo pa pwodui okenn rezilta pozitif sou plan ekonomik tankou sou plan politik : degradasyon enstitisyon yo epi katastwòf ekonomik. Efè ki pi konkrè e pi senbolik nan memwa pèp Ayisyen an, se kolera sòlda Nasyonzini yo te pote ban nou. Prezans etranje an Ayiti fè pati pwoblèm nan, pa solisyon an.
Epi pou sila yo, anpil ladan yo pa mechan, ki wè nan distribiye gaz la solisyon an, ann poze kseyon an: Ki pri? Kiyès k ap ka peye l? Eske yo pral double salè moun yo? Eske pwoblèm politik yo pa p egziste ankò ? Fok nou remake gouvènman defakto a pa anonse okenn mezi sosyal konkrè, li pa moutre okenn volonte konkrè pou li negosye ak enstitisyon sivil epi politik Ayisyen yo pou jwenn yon solisyon ak kriz la.
Evantyèl “misyon militè imanitè” sa a, se yon rakousi «kominote entènasyonal» la pran pou kouri pou responsabilite li genyen nan sityasyon malouk peyi a. Se soutyen li bay yon pil gouvènman ilejitim, konwonpi epi represif ki kenbe pouvwa sa yo nan tèt peyi a kont volonte pèp la.
N ap reyafime li : yon fòs militè etranje se ap yon èd an favè represyon pouvwa a ap egzèse kont pèp la k ap mande demisyon li. Solisyon pwoblèm sekiritè yo se yon eleman nan solisyon pwoblèm politik yo ki dwe voleponpe pase nan mete kanpe yon gouvènman ki soti nan pwopozisyon tout sosyete Ayisyen an.
N ap envite entèlektyèl, ekriven ak atis peyi a pou yo pwononse yo kont vini fòs militè sa a nan peyi a. N ap envite entelektyèl, ekriven ak atis lemond antye pou yo pran pozisyon kont lide pou yo depanse kòb yo nan voye fòs militè k ap vin konplis nan represyon. N ap mande enstitisyon defans dwa moun yo pou yo denonse represyon k ap egzèse kont manifestan yo ki pou laplipa ladan yo soti nan katye popilè kote gang yo ap koupe rache. Sou pretèks lit kont gang yo, yo vle fèmen bouch prensipal viktim gang yo ». [Le souligné en caractères gras est de RBO] -- [NOTE de RBO : ce texte de Lyonel Trouillot a été contesté par Michel DeGraff dans son article intitulé « Michel DeGraff reponn Lyonel Trouillot : Menm lè w gen « Zanno kay òfèv », ou toujou ka « Rayi chen, di dan l blan » (Rezonòdwès, 15 novembre 2022).
ce sera très drôle! Lire la suite
...vous vous bouchez les yeux quand il s'agit d'identifier les VRAIS responsables de la situation Lire la suite
Les propos de Crusol sont gravissimes .C'est néanmoins une analyse originale qui mérite qu'on s'y Lire la suite
Rien de plus facile que de modifier la constitution. Lire la suite
En droit français actuel PERSONNE ,même pas Macron ne peut "octroyer" l'indépendance à un territo Lire la suite