La pénurie d'eau qui sévit dans le centre et le sud de la Martinique depuis quelques mois met en lumière l'irresponsabilité, l'incurie de certains dirigeants politiques martiniquais. Dans son ouvrage L"Audace de changer. Un new-deal écologique pour la Martinique (éditions SCITEP) paru en 2021 Louis Boutrin, président de Martinique-Ecologie et conseiller régional posait le problème dans les termes ci-après que nous publierons en deux parties...
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Séguineau, c'est une tempête dans un verre d'eau ! Une agitation médiatico-politique, une injure à la dignité et à l'intelligences martiniquaises.
La véritable problématique de l'eau est ailleurs. Elle réside dans les choix de gestion du service public d'eau potable au carrefour d'enjeux sociétaux, politiques, financiers, environnementaux et juridiques.
L'objectif pour nous est avant tout d'assurer l'accès à l'eau pour tous les Martiniquais, toute l'année, dans des conditions de potabilité optimale. Notre choix est donc d'oeuvrer pour une politique publique de l'eau sous le contrôle et la responsabilité des élus à travers UNE ENTITE UNIQUE. Ce droit d'accès à l'eau nous impose d'anticiper le moment du renouvellement des contrats d'affermage de la Société Martiniquaise des Eaux (SME), prévu en 2026. L'objet de cette présente contribution devrait mettre en exergue notre choix et permettre d'en identifier les fondements.
Dans sa résolution adoptée le 28 juillet 2010, l'Assemblée Générale des Nations Unies reconnaît et consacre le droit à l'eau et à l'assainissement comme un droit universel et autonome :
"Le droit à l'eau potable et à l'assainissement est un droit fondamental essentiel ) la pleine jouissance de la vie et à l'exercice de tous les droits de l'homme".
Au rand des 122 pays ayant voté fravorablement cette résolution, on retrouve la France qui avait déjà transposé dans son corpus juridique national ce droit fondamental sans pour autant le reconnaitre formellement :
"L'usage de l'eau appartient à tous et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d'accéder à l'au potable dans des conditions économiquement aceptables par tous" (Loi sur l'eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006).
Ce droit de l'homme à l'eau consacré par les instances internationales de l'ONU signifie que chque citoyen, qu'il soit natif de l'Hexagone ou des Outre-mer, a le froit à un approvisonnement suffisant, physiquemennt accessible et à un coût abordable, d'une eau de bonne potabilité, dépourvue de chlordécone, pour ses usages personnels et domestiques. Reste maintenant à garantir une mise en oeuvre effective de ce droit d'acéder à l'eau potable.
A ce niveau, force est de constater la démission totale de l'Etat face à ses obligations légales. Aux Antilles, le droit d'accès à l'eau poyable et à l'assainissement pour tous n'a pas été, et n'esr toujours pas, une préoccupation majeure de nos gouvernants. C'est le moins que l'on puisse dire. Car, durant plus de trois déceennies, l'eau desservie à la population était empoisonnée par un redoutable pesticide organochloré, le chlordécone, sans que les services déconcentrés de l'Etat en charge du contrôle de la qualité de l'eau ne prennent les dispositions qui s'imposaient. L'usage de l'eau potable étant essetiel, le citoyen ne peut être soumis à des interruptions incessantes ou des coupures d'eau prolongées à l'instar de celles que la population a subies en plein confinement lié à la pendémie de Covid-19.
Oui, l'épisode des ruptures de canalisation de Séguineau illustre bien la démission de l'Etat.
Il ne s'agit point ici de nous défausser de nos responsabilités ou d'apporter notre grain de sel dans ce feuilleton pathétique de Séguineau, mais tout de même ! Si véritablement "chaque perssonne physique a le droit d'accéder à l'eau potable", comment expliquer que l'Etat qui détient jusqu'alors le pouvoir régalien de la justice, n'a pas fait respecter ce droit fondamental ? Dans le bras de fer qui depuis 2009 oppose les Collectivités, hier départementale et aujourd'hui territoriale, au latifundiste du Lorrain, comment admettre que l'intérêt de toute une population ait été sacrifié au seul profit du Béké ?...
La terrible sécheresse que nous venons d'essurer durant ce carême 2020 et ses incidences tant sur l'alimentation en eau potable que sur l'agriculture, sont autant de signaux d'alarme qui doivent contribuer à une nécessaire prise de conscience et à des modifications rapides de nos comportements individuels et institutionnels. Elles surviennent après des épisodes tout aussi rudes de 1998, 2003, 2010 et doivent nous faire méditer davantage sur la place de l'eau dans nos sociétés vulnérables. Elle nécessite également une mutation de notre regard sur l'eau, cette ressource naturelle fragile, que l'on ne dit plus considérer comme un bien de consommation quelconque. L'eau est précieuse et, malheureusement, nous n'en prenons conscience que quand elle vient à manquer durablement au robinet.
Pour autant, il ne faudrait pas laisser accroire que la Martinique, du fait de sa situation géographique et, par fatalité, exposée aux pénuries et aux coupures d'eau incessantes que nous connaissons actuellement. La période de carême est certes inscrite dans le cycle naturel et régulier des saisons mais cela n'explique pas les désagréments que nous subissons régulièrement ni qu'une bonne partie de la population n'ait pas accès à l'eau. En fait, tout laisse à penser que nous n'avons pas intégré cette nouvelle donne climatique dans les problématiques de gestion de l ressource en eau. Nos comportements tant individuels que collectifs en attestent quotidiennement..
Car, contrairement à une idée reçue, la Martinique ne manque pas d'eau et notre île est suffisamment arrosée tout au long de l'année pour couvrir tous ses besoins en eau. En effet, l'examen du réseau hydrographique de la Martinique, marqué par près de 70 cours d'eau et bassins versants, ainsi que la connaisance des écoulements annuels, nous confirme que la ressoure superficielle est tout à fait suffisante pour satisfaire quantitativemnt nos besoins. Or, nous ne mobilisons que 10% des 600 millions de mètres cubes des eaux superficielles disponibles sur une année, ce qui est très peu par rapport à nos potentialités. Quant à la ressource souterraine, elle a été localisée avec précision mais elle est très peu exploitée et demeure exposée à des pollutions diverses, notamment agricoles.
L'explication de cette situation se trouve, en partie, dans les retards pris dès les années 60 au moment où l'Etat mettait en place sur l'ensemble du territoire français les Agences de l'eau. En effet, ces établissements publics de l'Etat sont chargés, depuis 1964, d'apporter aux élus et aux usagers, en collaboration avec les services de l'Etat, une vue d'ensemble des problèmes de l'eau et surtout les moyens financiers qui leur permettent d'entreprendre une politique cohérente de l'eau. En France, le financement de cette politique a permis de gérer la ressource en eau, de préserver les milieux aquatiques et de lutter contre les pollutions diverses. Curieusement, pendant des années, la Martinique a été exlue de ce dispositif sans que des solutions alternatives soient mises en place. Aussi, la Loi NOTRE prévoyait le transfert aux intercommunalités, au plus tard au 1er janvier 2020, de la compétence eau et assainissement jusqu'alors détenue par les communes. Désormais, avec la Loi Engagement et proximité (décembre 2019), si une commune le demande, l'intercommunalité pourra lui déléguer la totalité ou une partie de sa compétence eau et assainissement. Ces communes doivent s'engager à respecter un cahier des charges pour garantir la sécurité de la gestion de l'eau.
En réalité, nos trois communautés d'agglomération n'ont pas les moyens d'assumer cette compétence eau-assainissement qui leur a été transférée eu égard aux ivestissements faramineux nécessaires à l'exercice de ladite compétence. De plus, la Martinique se singularise par une réalité que nul ne peut ignorer : 50% de l'eau produite aux abonnés provient de l'usine de la Capot dit Vivé (Lorrain) dont le propriétaire demeure la Collectivité Territoriale de Martinique.
Alors, faudra-t-il attendre une nouvelle calamité naturelle pour implorer le ciel, sapitoyer sur notre sort ou ressasser les mêmes rengaines qui alimentent les fonds de commerce politiques ? Car des élus responsables ne peuvent plus se satisfaire de ces situations de pénurie à répétition qui obligent les abonnés à s'engager dans l'engrenage incertain des procédures judiciaires.
Le moment est donc venu de réformer le système actuel afin que l'eau, notre bien à tous, puisse être accessible dans tous les foyers et sur chaque exploitation agricole. Nous ne pouvons plus accepter que sur un petit territoire de 1.128 km2 comme le nôtre cette multiplicité d'organismes et de services censés assurer la gestion de l'eau et que cette dernière soit aussi calamiteuse. Des années durant, l'eau desservie au robinet et dans les foyers était gorgée de chlordécone sans que les responsables de cet empoisonnement ne soient identifiés et poursuivis. Alors oui, au risque de s'attirer de nouvelles inimitiés, il faudra bien entendre que dans la chaîne des responsabilités de ce scandale sanitaire sans précédent, outre l'Etat et les latifundistes békés, il y a aussi ceux qui avaient en charge le contrôle de la qualité de l'eau vendue à la population.
Cette population est en droit d'attendre de ses élus et gouvernants qu'ils puissent garantir une eau de bonne potabilité, tiute l'année et à un prix économiquement acceptable. Permettre également à nos agriculteurs de faire face aux carêmes à répétition à l'instar d'Israël qui, malgré l'aridité du désert, inonde le monde entier de ses productions agricoles. Voici les vrais enjeux de l'eau en Martinique.
Dès lors, les remous observés autour des canalisations de Séguineau ne sont que des gesticulations médiatiques qui n'honorent ni leurs auteurs ni ceux qui les amplifient. Une tempête dans un verre d'eau qui ne fait que refléter, malheureusement, les erreurs de casting, dans le choix des élus qui nous représentent. Face à la détresse des abonnés, un peu d'humilité et de solidarité seraient les bienvenues.
Concrètement, nous avons en 2021 les moyes à la fois techniques et financiers d'entreprendre cette phase opérationnelle, socle d'une véritable politique publique de l'eau qui nous mettra à l'abri des aléas climatiques. C'est l'objet de notre contribution. C'est aussi l'heure des bons choix stratégiques !
...À une époque pas si lointaine, l’adjectif qualificatif "national" était fréquemment utilisé po Lire la suite
ce sera très drôle! Lire la suite
...vous vous bouchez les yeux quand il s'agit d'identifier les VRAIS responsables de la situation Lire la suite
Les propos de Crusol sont gravissimes .C'est néanmoins une analyse originale qui mérite qu'on s'y Lire la suite
Rien de plus facile que de modifier la constitution. Lire la suite