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Commentaires

Le président Volodymyr Zelensky est-il aussi rédacteur en chef?

Karl

05/09/2022 - 18:30

Un voluptueux bourrage de crâne
PAR SERGE HALIMI & PIERRE RIMBERT
Le Monde diplomatique

Le président Volodymyr Zelensky est-il aussi rédacteur en chef des médias occidentaux ? Ses vidéos quotidiennes donnent le ton, ses thèmes et anathèmes sont déclinés dans les heures qui suivent du New York Times au Monde en passant par Arte, Paris Match, les chaînes d’information continue et les radios publiques. Des livraisons d’armes occidentales traînent ? Libération relaie les doléances de Kiev auprès de l’Élysée : « L’aide militaire, notamment celle de la France, est bien en deçà de ses besoins » (20 juillet). L’intérêt des populations occidentales pour le conflit faiblit ? Une parlementaire ukrainienne s’en désole dans L’Opinion, ce qui permet à la revue de presse de France Inter d’amplifier son appel : « Elle supplie les médias occidentaux de ne pas oublier la guerre. Ils ont autant de pouvoir que les grands dirigeants, et si l’information se tarit Moscou va en profiter. (…) Oui, soupire le journaliste, il y a risque de lassitude, oui, la routine s’installe déjà. » La routine assurément : celle d’une chambre d’écho médiatique qui amplifie les informations favorables au gouvernement ukrainien avec autant de détermination qu’elle disqualifie tout ce qui pourrait le contredire.
Le 4 août dernier, un rapport d’Amnesty International fournit l’un des exemples les plus frappants de ce filtre : « Les forces ukrainiennes mettent en danger la population civile, signale alors Amnesty, en établissant des bases et en utilisant des systèmes d’armement dans des zones résidentielles habitées, notamment des écoles et des hôpitaux, lors des opérations visant à repousser l’invasion russe qui a débuté en février. » Bien entendu, précise le document, cela « ne justifie en aucun cas les attaques menées sans discernement par les forces russes » (1). Lors de sa présentation, Mme Agnès Callamard, secrétaire générale de l’association, relève : « Le fait de se trouver dans une position défensive n’exempte pas l’armée ukrainienne de l’obligation de respecter le droit international humanitaire » — un argument classique qui a justifié les nombreux communiqués d’Amnesty condamnant les violations des droits humains par le Hamas dans la bande de Gaza malgré les attaques israéliennes.
Mais M. Zelensky ne l’entend pas de cette oreille. Le soir même, il dénonce une enquête qui place « la victime et l’agresseur d’une certaine manière sur un pied d’égalité » et constitue une « tentative d’amnistier un pays terroriste ». À nouveau, les médias font chorus. Sur LCI (5 août 2022), Aline Le Bail-Kremer fustige l’association humanitaire en citant Elie Wiesel : « La neutralité soutient les bourreaux, jamais les victimes » — un précepte que Wiesel oublia souvent dans les cas de la Palestine ou de l’Irak. « C’est l’erreur de ce rapport, reprend sur France Culture le journaliste Jean-Sébastien Soldaïni. En mettant en cause l’Ukraine, il a mis involontairement les deux adversaires sur un pied d’égalité » (8 août 2022). Pour éviter tout risque de ce genre, Le Monde cite longuement un « colonel de réserve et expert militaire ukrainien ». Quand il qualifie les enquêteurs d’Amnesty d’« idiots utiles » qui « offrent des cadeaux à la propagande de Poutine », le quotidien de référence valide son accusation en soulignant que « le document a été bien accueilli en Russie » (7-8 août 2022). Mais il omet de rappeler que le bureau russe d’Amnesty a été fermé le 8 avril 2022 en raison de ses critiques trop acerbes de Moscou.
Avant ce rapport fatidique, l’association avait en effet publié sur son site plus de 90 « nouvelles », communiqués de presse ou campagnes spécifiquement consacrés à la Russie, rien que depuis le début de l’année 2021. Tous critiquent le Kremlin, dénoncent l’enfermement de contestataires, les entraves à la liberté de la presse et de manifestation, le sort réservé au dissident Alexeï Navalny, la répression de militantes féministes, la persécution des adversaires de la guerre, etc. Concernant plus précisément l’Ukraine, Amnesty a publié une quarantaine de textes depuis le début de cette année. Tous condamnent l’invasion russe, les crimes de guerre, les atteintes aux droits humains commis par l’occupant, à l’exception d’un seul qui appelle les deux camps à respecter le droit des prisonniers (2).
En somme, bien que l’association n’ait observé aucune « neutralité » entre l’agresseur et l’agressé, elle a fauté. Car toute information susceptible de freiner la mobilisation en faveur d’un pays qui, comme le répètent les officiels français, « se bat pour des valeurs que nous partageons » se trouve aussitôt suspectée au motif qu’elle ferait « le jeu de Poutine ». Les médias qui ont érigé le combat contre les « fausses nouvelles » en impératif démocratique pilonnent à présent une nouvelle cible : les informations vraies mais inopportunes. M. Donald Trump, dont chaque mensonge était disséqué, peut déclarer le 9 août dernier que la Russie « tue des centaines de milliers de personnes » en Ukraine sans encourir de démenti. En revanche les brigades de répression du vice et de promotion de la vertu éditoriales jugent inapproprié qu’on puisse regretter l’élargissement continu de l’Alliance atlantique, rappeler le non-respect par l’Ukraine des accords de Minsk II, suggérer que la désinformation de Moscou trouve parfois son répondant à Kiev. Symbole de la démocratie libérale, l’Ukraine se confond à leurs yeux avec son président télégénique et courageux. Sa cause devient une religion civile ; sa mise en cause, un blasphème.
Nul ne reprochera à M. Zelensky de déployer au service de son pays envahi un talent incomparablement supérieur à celui de ses ennemis russes. Le plus souvent, leur propagande est en effet exécrable, presque risible. Le 9 mai dernier sur France Info, par exemple, un porte-parole de Moscou à Paris n’hésitait pas à prétendre que toutes les victimes civiles des bombardements russes avaient été assassinées par des nazis ukrainiens, ou qu’il s’agissait de mises en scène…
Déjà très facile, la chasse à la désinformation russe s’avère d’autant plus fructueuse que la définition de ce terme ne cesse de s’élargir. Une spécialiste américaine citée par le New York Times estime qu’elle englobe « à la fois des informations falsifiées et d’autres qui sont vraies mais sans rapport profond (tangential) avec les événements en cours, afin d’en tordre le récit ou de dissimuler de vraies intentions (3) ». Mais ces « vraies intentions », qui les connaît à coup sûr, en dehors de celles que l’Occident a dûment répertoriées : la haine de la démocratie, la volonté de reconstituer l’empire des tsars, la fascination pour Ivan le Terrible, Staline et Hitler (l’hebdomadaire The Economist a prétendu le 30 juillet que le « Z » arboré par les partisans de l’armée russe représentait « une demi-svastika »…) ?
En relayant les éléments de langage de Kiev, les médias affichent leur parti pris comme un gage de supériorité morale. Sur France Culture, le journaliste Thomas Cluzel évoque la « violence despotique du maître du Kremlin » et annonce la prise imminente d’une ville par l’« ennemi » (24 août 2022). Ailleurs, on exclut a priori l’hypothèse que l’artillerie de Kiev ait pu viser en août la centrale nucléaire de Zaporijia occupée par les Russes. Et Libération récuse un reportage de la chaine américaine CBS sur la contrebande d’armes occidentales livrées à l’Ukraine, prétendant que le phénomène serait à la fois « sans preuve » mais surévalué, « évident » mais suspect puisque « de nombreux canaux Telegram russes ont rapidement repris et traduit cette séquence, tout comme la presse russe qui s’en est fait l’écho » (10 août 2022).
La pédagogie antivice se déploie sans pudeur. Le 4 juillet 2022, sur France Inter, après une défaite ukrainienne dans le Donbass, Nicolas Demorand et Léa Salamé ont bichonné un panel de néoconservateurs bien décidés à remonter le moral des auditeurs : l’analyste François Heisbourg, célèbre pour avoir propagé le bobard américain des « armes de destruction massive » en Irak, la journaliste Laure Mandeville, qui, avec sa consœur Isabelle Lasserre, donne le ton atlantiste dans Le Figaro, enfin l’omniprésent Pierre Servent (chouchou de Léa Salamé, « consultant » au Parisien, « journaliste spécialisé défense nationale » sur TFI et LCI). Pour Heisbourg, le choix est simple : « Plus de canons, plus d’obus, plus de renseignement, ou bien on va assister à la victoire russe. » Ce que confirme Mandeville : « L’adversaire avancera si on ne l’arrête pas. » Salamé aide alors ses auditeurs à bien comprendre : « Soit on aide davantage l’Ukraine, soit ce sera la victoire de Poutine. » Et Servent complète : « Il ne faut pas faiblir, il faut qu’on monte en pression. » La radio est en guerre : « L’arrière, c’est nous. Ce sont à la fois les dirigeants et les opinions publiques occidentales » (24 août 2022), résumera un mois et demi plus tard le matinalier de la même station en écho à l’un de ses invités.
Les médias français sortent rarement grandis de leur couverture des conflits. Le 1er avril 2003, le présentateur du journal de France 2 David Pujadas commentait en ces termes la mort de quarante civils irakiens tués par les troupes américaines : « Un coup dur pour la coalition, qui cherche à s’attirer les faveurs de la population. » À l’écran un bandeau ironisait : « Irak : fautes de frappes ». On imagine la vague d’indignation que soulèverait ces propos après un bombardement russe… Presque vingt ans plus tard, les journalistes occidentaux restent aussi soucieux de dire quoi penser plutôt que donner matière à réfléchir. Faits emballés d’une gangue sermonneuse, conviction qu’expliquer (un conflit) c’est justifier (l’agresseur) — le « théorème de Manuel Valls » —, effacement des nouvelles « tangentielles » à l’objectif poursuivi : aux médias asservis des régimes autoritaires, l’Occident oppose une presse « illibérale » pour défendre le libéralisme. Le climat idéal pour Bernard-Henri Lévy, qui n’a pas hésité à infliger à Arte, chaîne dont il dirige le conseil de surveillance, son documentaire infatué titré Pourquoi l’Ukraine.
Par quel mystère le public instruit d’Arte ou de France Culture se laisse-t-il ainsi infantiliser ? Majoritairement composée de classes moyennes diplômées, cette population claironne son refus des censures, du bourrage de crâne, et sa volonté de « ne pas s’en laisser compter » — par opposition aux classes populaires qu’elle suppose plus crédules. Elle savoure néanmoins le prêchi-prêcha médiatique avec d’autant plus de tranquillité que ces sermons la confortent dans le camp du bien sur tous les sujets qui tiennent lieu de marqueurs politique, culturel, écologique ou social. Journalisme de la vertu et « diplomatie des valeurs » prospèrent de concert sur son aveuglement volontaire.
SERGE HALIMI & PIERRE RIMBERT
(1) Amnesty International, « Les tactiques de combats ukrainiennes mettent en danger la population civile », 4 août 2022.
(2) Comptage réalisé sur le site www.amnesty.org (en anglais).
(3) The New York Times, 26 janvier 2022.

11è PUISSANCE MONDIALE

Albè

06/09/2022 - 09:21

Tous ces développements sont bien beaux mais comment expliquer que malgré tout son gaz naturel, son pétrole, son uranium, son tungstène etc..., la Russie ne soit, si j'en crois Google, que la 11è puissance économique mondiale ? C'est la faute du nazisme ? Ou alors de l'Occident capitaliste ? Ou peut-être de l'hiver ? Et qu'on ne me raconte pas que contrairement à l'Occident, la Russie n'avait pas de colonies ! Le Tadjikistan, le Turkménistan, l'Azerbaïdjan, le Khazakstan, la Georgie, l'Ouzbekistan etc...étaient des colonies russes et quoique ces pays aient arraché leur indépendance, les "Pieds-noirs" russes ne sont pas partis contrairement à leurs alter ego d'Algérie.

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