Qui peut prétendre pouvoir aujourd'hui convaincre les Martiniquais de la nécessité d'un changement ? Comment y parvenir ? Dans quel délai raisonnable ?
Car force est de constater que le système mis en place en 1946 avec la loi de Départementalisation/Assimilation est en état de mort cérébrale. En effet, tous les efforts déployés par les uns et les autres depuis deux décennies afin de l'amender ou le réformer se sont révélés être des cautères sur une jambe de bois. En clair, nous sommes dans l'impasse. TOUS DANS L'IMPASSE ! Quel que soit notre appartenance sociale, ethnique, politique, religieuse etc...
Il y a d'abord le groupe le plus puissant, celui des Blancs créoles ou Békés qui n'a jamais voulu regarder en face le legs de l'esclavage à savoir sa domination écrasante sur ce qui tient lieu d'économie à la Martinique autrement dit une économie de comptoir adossée à une économie de rente qui permet chaque année aux gros planteurs de banane de recevoir des dizaines de millions de subventions européennes en partie réinvesties dans des secteurs non-productifs liés à l'importation. Il y a les scandales non résolus à ce jour du CREDIT MARTINIQUAIS, littéralement pillée par certains d'entre eux sans que jamais la justice ne leur demande des comptes. Il y a la répression féroce des mouvements sociaux comme en 1901 au François, en 1961 au Lamentin, en 1974 à Basse-Pointe, l'assassinat impuni du journaliste communiste André Aliker. Il y a le scandale du CHLORDECONE pendant plus de 30 ans qui a empoisonné la Martinique et sa population, laissant sur le carreau des centaines d'anciens ouvriers agricoles atteints de cancers de toutes sortes et survivant avec des pensions de retraite scandaleusement basses (400 euros par mois).
Les Blancs créoles s'imaginent-ils sérieusement que tout cela peut être réparé à l'aide du mécénat ? S'imaginent-ils que le "Courbaril de la Réconciliation" solennellement planté sur l'Habitation Clément avec Aimé Césaire et Camille Darsières peut suffire à apaiser les rancoeurs à leur endroit ? Que le fait que deux-cents Békés aient signé une lettre ouverte reconnaissant que l'esclavage est un crime contre l'humanité puisse effacer le passé d'un coup de baguette magique ? Sans même parler de cette "Réconciliation sans Réparation ni Vérité" promue par l'association "Tous Créoles" qui, aux yeux de la plupart de Martiniquais, est du vèglaj ou de la poudre aux yeux. IL Y A UNE IMPASSE BEKEE que seuls ceux-ci sont en mesure de résoudre car ils savent bien qu'à terme, ils n'auront que deux solutions : soit finir comme les Pieds-Noirs d'Algérie soit se repositionner comme les Afrikaners d'Afrique du Sud. A moins d'être complètement borné, la deuxième est de toute évidence la meilleure pour eux. A eux de voir par conséquent !
Il y a ensuite UNE IMPASSE DU CAMP ASSIMILATIONNISTE. Longtemps dominant au plan politique, il a perdu du terrain et aujourd'hui, il n'y a plus guère que 6 ou 7 maires de droite sur 34 communes et à la CTM comme à l'ex-Conseil régional, il n'est plus représenté. Ce camp ne dispose, en outre, d'aucun député ou sénateur ! Mais qu'a-t-il accompli entre 1946 et la fin des années 80 quand il a commencé à s'effacer de la scène politique ? Quel est son bilan ? Des routes, des hôpitaux, des écoles etc... ? Certes ! Mais tout cela qui fut certes profitable au plus grand nombre n'a aucunement permis d'amender le système, de le réformer, laissant l'entièreté du secteur économique aux Blancs créoles et n'envisageant pour notre jeunesse au chômage que le BUMIDOM hier et LADOM aujourd'hui. Sans compter que ce camp à continué à nier notre identité particulière, notre langue et notre culture créoles, nous considérant comme des Gaulois basanés.
Il y a aussi UNE IMPASSE DU CAMP AUTONOMISTE. Le PPM, son "potomitan" n'a jamais clairement défini ce qu'il entendait par l'autonomie, Aimé Césaire évoquant régulièrement dans ses discours électoraux les landers allemands et les provinces italiennes sans plus de précisions. Nul étonnement donc qu'à chaque fois qu'ils arrivent au pouvoir au Conseil régional, puis à la CTM, les autonomistes se soient révélés impuissants à faire avancer l'idée d'autonomie d'un seul millimètre ! On a grand peine à distinguer les politiques publiques misent en œuvre par eux de celles de la droite assimilationniste d'autrefois. Au point que les indépendantistes se sont mis à les qualifier de "Nouvelle Droite" ! Et ne parlons même pas des scandales auxquels les autonomistes furent et sont encore liés : AIR MARTINIQUE, SODEM, CEREGMIA, X-PAY, CARENANTILLES etc...
Il y a également UNE IMPASSE DU CAMP INDEPENDANTISTE. Au pouvoir, eux aussi, à l'ex-Conseil régional, puis à la CTM, ils ne sont pas parvenus à faire avancer l'idée d'indépendance d'un seul millimètre. Se contentant de gérer l'existant avec comme seul point fort le fait que les affaires de corruption qui avaient gangréné les mandatures assimilationniste et autonomiste n'avaient plus cours. Beaucoup moins en tout cas ! Le MIM, potomitan du camp indépendantiste, s'est réfugié derrière le slogan "Le MIM propose, le peuple dispose". Or, aucun programme indépendantiste dument chiffré n'a jamais été publié. De plus, aucun lien sérieux n'a jamais été établi avec nos voisins caribéens indépendants, aucun membre des partis indépendantistes n'assistant, par exemple, aux cérémonies commémoratives du 52è, 53è, 54è etc.. anniversaire de l'indépendance de Barbade ou de Trinidad, se contentant fièrement d'un strapontin à l'OECS.
Quant à la fraction du camp indépendantiste qui refuse de participer "aux élections françaises", d'obédience marxiste-léniniste, elle rêve "tout debout" car il n'est pas besoin d'être un expert en géopolitique pour savoir que jamais les Etats-Unis ne permettront à un deuxième pays caribéen dirigé par des marxistes d'exister. Les Américains, depuis bientôt trois-quarts de siècle, outre qu'ils étranglent Cuba avec un blocus scélérat, sont intervenus militairement ou par CIA interposée en Haïti, à Saint-Domingue, au Guatemala, au Nicaragua et, tout près de nous, à la Grenade de Maurice Bishop. Sans compter le quasi-blocus imposé au Venezuela de Hugo Chavez, puis de Nicolas Maduro. Politique impérialiste qui a eu pour résultat de contraindre des dizaines de milliers de Vénézuéliens à s'exiler dans divers pays d'Amérique du Sud et cela jusqu'au Chili d'où ils se voient expulsés aujourd'hui alors même que leur pays dispose des plus importantes réserves de pétrole du monde !!!
Il y a enfin UNE IMPASSE DU CAMP AFROCENTRISTE nouvellement arrivé sur la scène politique martiniquaise de manière spectaculaire avec des déboulonnages de statues et des blocages de supermarchés békés. Nouvellement arrivé parce que le MODEMAS de Garcin Malsa, qui en est l'un des éléments forts, compta longtemps dans son comité de direction les écrivains Patrick Chamoiseau et Raphaël Confiant et que l'un des mots d'ordre de ce parti était...la Créolité comme on peut le voir ci-après.
Un tournant noiriste et afrocentriste fut pris lequel conduisit à la perte de la municipalité de Saint-Anne par le MODEMAS alors que Garcin Malsa et son équipe avaient accompli un formidable travail de protection de l'environnement, aux Salines notamment. Entre parenthèses, ceux (les autonomistes) qui se glorifient aujourd'hui d'avoir fait adopter le drapeau rouge-vert-noir à la suite d'un concours bidon par Internet dans lequel n'importe qui, même un Ouzbek, pouvait voter, n'avaient pas levé le petit doigt quand Malsa l'avait courageusement affiché au fronton de la mairie de Saint-Anne ! Le tournant afrocentriste fut pris sous la pression d'une fraction de notre jeunesse fort justement révoltée mais ne proposant aux Martiniquais aucun programme crédible d'indépendance, l'accent étant mis sur "les Ancêtres", l'Afrique, voire les pyramides de l'Egypte antique.
IMPASSE DONC DE TOUTES LES MOUVANCES POLITIQUES MARTINIQUAISES.
Impasse qui s'est traduite de façon grotesque en 1981, quand François Mitterand arriva au pouvoir et qu'on se mit à pleurer à chaudes larmes parce qu'il supprimerait la Sécurité Sociale, les retraites, les 40% etc.. et même qu'il "larguerait" la Martinique. De façon lamentable lorsqu'après une grève historique d'un mois entier en février 2009, on vota moins d'un an plus tard (en janvier 2010) à 80% contre un tout petit début de commencement d'autonomie (l'Article 74). De façon délirante lorsqu'on s'opposa à la vaccination contre le covid-19 alors que tous les chefs d'état de la Caraïbe s'étaient fait publiquement vacciner et qu'aucun d'entre eux n'est décédé à la date d'aujourd'hui à cause du prétendu "terrible" ARN-Messager que contenait ledit vaccin.
https://fondaskreyol.org/article/tous-presidents-et-premiers-ministres-de-caraibe-sont-vaccines
Enfin de façon scandaleuse lorsque 73.000 Martiniquais osèrent déposer un bulletin dans l'urne pour le parti négrophobe et raciste de Marine Le Pen...
Le peuple n'est pas le principal responsable de ces comportements délirants.
Les premiers responsables sont nos élites : caste békée et patronat de couleur, partis politiques toutes tendances confondues, syndicalistes, intellectuels, journalistes et blogueurs, artistes et autres leaders d'opinion. La grande majorité des Martiniquais ne leur fait aucune confiance et, par exemple, nos députés actuels ont été élus par moins de 30% du corps électoral. Pas de quoi pavoiser donc comme ils le font ! D'autant plus qu'aucune femme martiniquaise ne siège à l'Assemblée nationale...
Notre problème donc est de sortir de nos postures, de nos postures à tous (suprémacistes békés, assimilationnistes, autonomistes, indépendantistes, afrocentristes et autres), pour élaborer un projet de sortie progressive de notre actuel statut politique qui est en état de mort cérébrale. Un projet concret, chiffré et réaliste surtout qui devra émaner de toutes les composantes de notre société, sans aucune exclusion de qui que ce soit. Ou alors plusieurs projets qui seront soumis au peuple et qui, au terme de confrontations et de débats publics, devront être collectivement avalisés. Car force est de reconnaitre que les grandes envolées lyriques sur l'autonomie ou l'indépendance sont aussi peu crédibles que la pseudo-réconciliation de "Tous Créoles".
Dans, tous les cas de figure, il nous faudra sortir de la société de gaspillage actuel (la Martinique compte presque autant de voitures, par exemple, que la Tunisie qui a 12 millions d'habitants !) pour aller progressivement vers une société de sobriété laquelle entrainera nécessairement une diminution du niveau de vie des classes supérieure (békés) et moyenne (professions libérales et fonctionnaires) d'une part, et de l'autre, l'augmentation du niveau de vie des 33% de Martiniquais qui vivent en-dessous du seuil de pauvreté.
Il y a suffisamment d'intelligences en Martinique pour élaborer un tel projet qui ne peut en aucune façon faire l'impasse sur l'impératif écologique. A continuer à nous enfermer dans nos positionnements respectifs, nous nous condamnons à vivre dans une société de plus en plus déboussolée et violente, l'Etat française se contentant de compter les points dans nos risibles combats de coqs...sans ergots.
Est-ce ce que nous voulons vraiment pour nos enfants ?
J'ai le plus grand mal à comprendre l'attitude de la droite assimilationniste à l'égard du RPCRAC Lire la suite
...OUVERT. Tel devrait être le nouveau nom de la Martinique !
Lire la suiteIl y a une quatrième raison plus puissante que les trois précédentes réunies. Lire la suite
A quand la continuité territoriale entre Grand-Rivière et Ste Anne ?
Lire la suiteMalgré la rage qui me ronge de voir mon île dévastée par des étrangers venus d'ailleurs qui sont Lire la suite
Commentaires
J'ai des doutes
Rose
12/05/2023 - 06:18
On n'a pas de Martiniquaise à l'Assemnlée ,mais on a C.Conconne au Sénat .Bèkèkè !!!
D'autre part, j'aimerais que les auteurs de l'article expliquent comment le passage à une "société de sobriété" va entrainer automatiquement "l'augmentation du niveau de vie des 33% de Martiniquais qui vivent en-dessous du seuil de pauvreté". J'arrive pas à comprendre ça.
INTERESSANTE PROPOSITION
Albè
12/05/2023 - 07:36
En effet, le constat est là : la Martinique est une société bloquée. Chacun d'entre nous devrait réfléchir à une voie de sortie et la partager avec d'autres au lieu de se contenter de critiquer ou de lancer des admonestations comme aiment à le faire certains (es) qui postent des commentaires sur ce site. L'expression "conne comme un balai" se justifie dans ces cas-là.