Quarante-deux ans après la réforme Bernard de 1979, trente-quatre ans après la co-officialisation du créole et du français dans la Constitution de 1987, que savons-nous réellement de l’usage du créole dans l’École haïtienne ?
Pour mémoire, il y a lieu de rappeler que la réforme Bernard, qui a institué l’usage du créole comme langue d’enseignement et langue objet dans le système éducatif national, n’a pas été étendue à l’ensemble du territoire national. Faiblement financée par l’État, insuffisamment dotée d’outils didactiques en langue créole, frappée de suspicion par un nombre élevé de parents créolophones et de directeurs d’écoles et boycottée par les grands requins de la dictature de Jean Claude Duvalier parmi lesquels le ministre tonton macoute Jean-Marie Chanoine, elle a été interrompue en 1987 et elle est depuis lors dans un coma qui a scellé sa mise au rancart de facto (voir notre article « L’aménagement du créole en Haïti et la réforme Bernard de 1979 : le bilan exhaustif reste à faire », Le National, 16 mars 2021 ; voir aussi l’article de Guy Alexandre, « Matériaux pour un bilan de la réforme éducative en Haïti », Le Nouvelliste, 6, 11, 16 mai 1999 ; voir également Pierre Vernet, « La réforme éducative en Haïti », revue Études créoles, VII, 1-2, 1984, pp. 142-163). Alors même que l’usage du créole dans l’apprentissage scolaire contemporain en Haïti se situe à la confluence de deux matrices jurilinguistiques --la sanction législative (Loi du 18 septembre 1979 instituant la réforme éducative) et la sanction constitutionnelle (article 5 de la Constitution de 1987)--, la réalité (autrement dit la configuration, la factualité, la matérialité) de l’usage contemporain du créole dans l’apprentissage scolaire en Haïti est aujourd’hui peu connue, mal connue et peu décrite, bien qu’un nombre grandissant de professeurs plaide pour un enseignement ordonné et de qualité en langue maternelle créole aux côtés du français et à parité statutaire constitutionnelle avec le français.
La question que se posent de nombreux acteurs du système éducatif (enseignants, directeurs d’école, cadres ministériels, etc.) est en amont d’une surprenante simplicité : que savons-nous réellement, en 2021, de l’usage contemporain du créole dans l’apprentissage scolaire en Haïti ? Autrement dit, quel est l’état de nos connaissances de cette problématique, de quels outils d’évaluation disposons-nous pour appréhender l’usage contemporain du créole dans l’apprentissage scolaire en Haïti ? L’État haïtien, et singulièrement le ministère de l’Éducation nationale, a-t-il fourni un bilan analytique d’ensemble de la réforme Bernard et de ses résultats ? D’autre part, la co-officialisation du créole et du français dans la Constitution de 1987 a-t-elle conduit à la mise en œuvre d’une politique linguistique éducative destinée principalement à encadrer l’usage contemporain du créole dans l’apprentissage scolaire en Haïti ? Que savons-nous des instruments didactiques en langue créole (manuels scolaires, lexiques et dictionnaires, etc.) en usage dans les écoles d’Haïti ? Que savons-nous des compétences didactiques des éducateurs qui enseignent le créole et/ou qui dispensent leurs cours en créole ? Combien sont-ils à l’échelle nationale ? Combien d’écoles, à l’échelle nationale, dispensent un enseignement en créole et du créole ? Est-il nécessaire, en 2021, de disposer d’une cartographie exhaustive de l’usage du créole dans l’apprentissage scolaire en Haïti et, dans l’affirmative, à quoi devrait servir pareille cartographie ?
À travers nos échanges réguliers avec des enseignants oeuvrant en Haïti, un constat s’est donc imposé de manière constante : l’usage contemporain du créole dans l’apprentissage scolaire en Haïti est aujourd’hui peu connu, mal connu et peu décrit. Ainsi, nombre d’enseignants et de chercheurs, des linguistes et des didacticiens sont unanimes quant au constat que l’usage contemporain du créole dans l’apprentissage scolaire en Haïti –sa configuration, sa factualité, sa matérialité--, est non seulement peu connu et mal connu, mais de surcroît il est en lien avec l’insécurité linguistique tant chez les enseignants que chez les apprenants. Les enseignants avec lesquels nous échangeons régulièrement estiment également que l’apprentissage scolaire en langue créole leur semble minoritaire et il varie d’une école à l’autre, d’un programme officieux à l’autre en fonction du statut des écoles --selon qu’elles appartiennent soit au secteur privé (80% de l’offre scolaire) soit au secteur public (20% de l’offre). Plusieurs enseignants estiment, comme ils nous l’ont précisé, que « l’École haïtienne est une institution à plusieurs vitesses où de nombreuses « écoles borlettes » ont pignon sur rue en dehors de tout contrôle de l’État et ne suivent aucun programme officiel », en particulier en ce qui concerne l’enseignement en langue maternelle créole. De surcroît, ils pointent du doigt les grandes lacunes de formation d’un nombre élevé d’enseignants, et ce sentiment rejoint le diagnostic de Bernard Hadjadj, spécialiste de l’éducation et ancien représentant-résident de l’UNESCO en Haïti, auteur du rapport « Education for All in Haiti over the last 20 years : assessment and perspectives » (UNESCO Office, Kingston, décembre 2000). Dans ce rapport, Bernard Hadjadj expose qu’« En 2000, 53% des enseignants du secteur public et 92% des enseignants du secteur privé étaient non qualifiés ».
Les enseignants que nous avons interrogés sur la réalité de l’usage contemporain du créole dans l’apprentissage scolaire se réfèrent, règle générale, à une « connaissance subjective », à savoir une « connaissance empirique » issue de leur pratique du métier d’enseignant. Ils font donc appel à des observations empiriques individuelles qui ont l’avantage d’être « en écho » avec la réalité mais cette « connaissance empirique », très limitée en termes analytiques, n’est pas élaborée ou modélisée dans un cadre analytique aux fondements méthodologiques sûrs à l’échelle nationale. Autrement dit, cette « connaissance empirique » de la réalité de l’usage contemporain du créole dans l’apprentissage scolaire en Haïti est de l’ordre du « ressenti » et elle n’est pas arrimée à une réflexion analytique de fond sur le sujet.
Par-delà cette « connaissance subjective », relativement faible, fragmentaire et limitée de la réalité de l’usage contemporain du créole dans l’apprentissage scolaire en Haïti, il y a lieu de (re)mettre en lumière d’importants acquis, à savoir l’éclairage pionnier consigné dans des travaux récents, notamment celui commandité par le ministère de l’Éducation nationale (2000), et ceux de Renauld Govain (2014 et 2021) et de Fortenel Thélusma (2018). Quoiqu’intéressant à plusieurs égards, l’étude de Hebblethwaite et Weber (2012), comme on le verra plus loin, ne constitue pas une étude pionnière élaborée à partir d’enquêtes de terrain. Les récents travaux de recherche que nous avons analysés témoignent toutefois de la nécessité d’une connaissance scientifique de l’usage contemporain du créole dans l’apprentissage scolaire en Haïti, et ils tracent la voie vers une connaissance exhaustive et opérationnelle de cet usage. Le présent article en décrit sommairement les avancées et il institue UN PLAIDOYER POUR QUE LA FACULTÉ DE LINGUISTIQUE APPLIQUÉE DE L’UNIVERSITÉ D’ÉTAT D’HAÏTI SOIT LE MAÎTRE D’ŒUVRE ET LA RÉFÉRENCE INSTITUTIONNELLE D’UNE VASTE ENQUÊTE SOCIOLINGUISTIQUE ET DÉMOLINGUISTIQUE, D’ENVERGURE NATIONALE, SUR L’USAGE CONTEMPORAIN DU CRÉOLE DANS L’APPRENTISSAGE SCOLAIRE EN HAÏTI.
Avant de présenter, sommairement, des études récentes relatives à l’usage contemporain du créole dans l’enseignement en Haïti, il y a lieu de préciser que cette problématique a été abordée dans plusieurs publications antérieures de grande qualité analytique. Le lecteur désireux d’approfondir la connaissance de cette réalité et de mieux comprendre le cadre institutionnel de la réforme Bernard de 1979 pourra consulter les publications suivantes : (a) « L’école en créole : étude comparée des réformes des systèmes éducatifs en Haïti et aux Seychelles », par Robert Chaudenson et Pierre Vernet, Agence de coopération culturelle et technique, Québec, 1983 ; (b) « La situation linguistique en Haïti : bilan et prospective », par Michel Saint-Germain, Conseil de la langue française, Québec, 1988 ; (c) « Problématique linguistique en Haïti et réforme éducative : quelques constats », par Michel Saint-Germain (Revue des sciences de l’éducation, volume 23, numéro 3, 1997) ; (d) « Le pouvoir de l’éducation / L’éducation en Haïti de la colonie esclavagiste aux sociétés du savoir », par Charles Tardieu, Éditions Zémès, 2015 (voir notamment le chapitre VII, « Consolidation de l’instruction publique : de 1896 à 1980 ») ; (e) « Créole et enseignement primaire en Haïti », dirigé par le linguiste Albert Valdman avec la collaboration de Yves Joseph (Institut pédagogique national, Port-au-Prince, et Bloomington, Indiana University, 1980). Cet ouvrage est issu du séminaire tenu à l'Institut pédagogique national du 17 au 22 août 1979 et organisé par le Département de l'éducation nationale d'Haïti avec le concours technique d'Indiana University et l'appui de la U.S. Agency for International Development.
Issu pour l’essentiel d’une observation de terrain conduite par des experts nationaux, ce rapport de recherche commandité par le ministère de l’Éducation nationale a été publié au format papier en juillet 2000 (Éditions Ateliers de GrafoPub). Parmi les études consignées dans ce document, on retiendra principalement le chapitre VI, « Usages réels des langues dans l’espace socio-scolaire », par Pierre Vernet ; le chapitre VIII, « Analyse qualitative des manuels de langues en usage dans les écoles haïtiennes », par Edgard Gousse ; le chapitre IX, « La compétence didactique des enseignants dans les deux langues », par Alain Gilles. Sauf exception, chacune des études est assortie de recommandations sectorielles tandis que l’ensemble est coiffé d’un « Résumé des recommandations » (page 270), parmi lesquelles les recommandations « Relatives à la politique sur les langues ». L’important chapitre VI, « Usages réels des langues dans l’espace socio-scolaire » (par Pierre Vernet), malgré son titre et contrairement à d’autres chapitres du livre, ne consigne pas de véritables données d’enquête de terrain sur l’usage du créole en milieu scolaire. Toutefois il renseigne, de manière très générale, sur la vision que l’on avait de cette problématique au moment de sa rédaction. Il y a lieu toutefois de mentionner des articles de grande qualité analytique consignés dans cet ouvrage, entre autres, au chapitre V, le texte de Rachel Charlier Doucet, « Les représentations sociales des langues chez les parents d’élèves, les élèves et les agents d’éducation ». Dans l’ensemble, le livre « L’aménagement linguistique en salle de classe / Rapport de recherche », rédigé par des experts sous contrat du ministère de l’Éducation nationale, est un document pionnier et de premier plan et il faut prendre toute la mesure qu’il a été enterré par l’État haïtien au cimetière des gestes manqués et que les judicieuses recommandations qu’il consigne n’ont jamais été mises en œuvre entre 2000 et 2021.
Ces dernières années, le linguiste Benjamin Hebblethwaite et le philosophe Michel Weber ont fait paraître une intéressante étude, « Le problème de l’usage scolaire d’une langue qui n’est pas parlée à la maison : le créole haïtien et la langue française dans l’enseignement haïtien » (revue Dialogue et cultures 58 / 2012). Ces auteurs n’ont pas à proprement parler effectué une recherche de terrain sur l’usage contemporain du créole dans l’apprentissage scolaire en Haïti –et sur ce point majeur leur étude est lourdement lacunaire--, mais ils ont élaboré une instructive synthèse de la documentation accessible se rapportant à la problématique générale de l’usage des deux langues officielles, le créole et le français, et ils ont plaidé pour l’usage préférentiel du créole dans le système éducatif national. Hebblethwaite et Weber emportent l’adhésion dans la mesure où ils font le même constat que les observateurs avisés de la question linguistique éducative lorsqu’ils posent que « La politique linguistique qui favorise une langue minoritaire, aux dépens de la langue majoritaire, est l’un des problèmes de base du système éducatif haïtien » (p. 77).
Le linguiste Renauld Govain est l’auteur de l’étude « L’état des lieux du créole dans les établissements scolaires en Haïti » (revue Contextes et didactiques 4/2014). Dans le champ de la recherche universitaire en Haïti, l’auteur, enseignant-chercheur et Doyen de la Faculté de linguistique appliquée, a mené une recherche de terrain répondant aux critères méthodologiques de la recherche académique. Il a fait sien le terme « recherche » au sens « des recherches originales dans le domaine des sciences, de la technologie et l'ingénierie, de la médecine, de la culture, des sciences sociales et humaines ou de l'éducation qui impliquent un travail d'investigation approfondi, critique et rigoureux dont les techniques et les méthodes varient en fonction de la nature et des conditions des problèmes identifiés, qui vise à clarifier et/ou résoudre ces problèmes et qui, lorsqu'il est mené dans un cadre institutionnel, s'appuie sur une infrastructure appropriée » (UNESCO, 1997a, p. 27). Pour l’essentiel, les données consignées dans l’étude « L’état des lieux du créole dans les établissements scolaires en Haïti » sont reprises dans l’article « Enseignement/apprentissage formel du créole à l’école en Haïti : un parcours à construire », revue Kreolistika, mars 2021 ; voir aussi Renauld Govain (2013), « Enseignement du créole à l’école en Haïti : entre pratiques didactiques, contextes linguistiques et réalités de terrain », in Frédéric Anciaux, Thomas Forissier et Lambert-Félix : voir Prudent (dir.), Contextualisations didactiques. Approches théoriques, Paris, L’Harmattan.
Après avoir passé en revue plusieurs questionnements relatifs à l’accès souhaité du créole dans l’enseignement au 19e et au 20e siècle, ainsi que différentes interventions de l’État dans le champ des langues –interventions certes limitées dans leurs objectifs comme dans leurs résultats, mais qui expriment la prégnance de la problématique linguistique au pays depuis assez longtemps--, Renauld Govain pose avec à-propos que « Dans l’état actuel des expériences linguistiques en Haïti, il se pose le problème de la standardisation, voire de la « didactisation » du créole comme objet et outil d’enseignement, afin qu’il puisse remplir convenablement sa fonction de langue d’enseignement. » L’auteur a davantage élaboré sa rigoureuse vision de la « didactisation » du créole dans la longue étude rédigée en tandem avec la linguiste Guerlande Bien-Aimé et dont le titre est « Pour une didactique du créole haïtien langue maternelle ». Cette étude est parue en mai 2021 dans le livre collectif de référence « La didactisation du créole au cœur de l’aménagement linguistique en Haïti » (Berrouët-Oriol et al., Éditions Zémès et Éditions du Cidihca).
Avec les chapitres « Politique linguistique en Haïti » et « Créole et alphabétisation », l’auteur offre un éclairage sur le cheminement du créole dans l’École haïtienne, en particulier à travers la réforme Bernard et les différents cadres curriculaires adoptés au cours des ans. L’observation de terrain permet à Renauld Govain de préciser le rôle de « facilitateur » du créole (chapitre V) dans un certain nombre d’écoles, celles du secteur religieux congréganiste notamment : « Le créole joue, à l’école comme à l’université, un rôle dans l’appropriation des connaissances de manière générale. Il facilite la compréhension chez les apprenants. Les enseignants l’utilisent pour donner des explications dans la plupart des matières telles les mathématiques, la physique, la chimie, les sciences expérimentales, etc. Il joue ainsi un rôle de facilitateur dans l’appropriation de connaissances. Si ce rôle n’est explicitement formulé nulle part dans le système éducatif, il est indéniable dans les pratiques linguistiques de la classe. » Poursuivant son analyse, l’auteur précise au chapitre VI, « Méthodes et méthodologies », que « Quelque chose semble avoir échappé à l’attention des concepteurs de la réforme [Bernard de 1979] : la langue enseignée est différente de celle que les apprenants utilisent quotidiennement. Il s’agit dans les deux cas du créole mais pas réellement du même code. La variété du créole que pratiquent les apprenants est différente de celle utilisée à l’école qui est la variété standardisée s’adaptant aux besoins d’une expression commune. Ceci est vrai pour toutes les langues. L’enseignement/apprentissage du créole doit permettre à l’apprenant de s’approprier une forme linguistique standard, même si la notion de langue standard est discutable. C’est une occasion de porter l’apprenant à s’apercevoir que la langue orale quotidienne est différente à bien des égards de celle utilisée à l’école en situation formelle de communication, mais aussi que l’écrit est différent de l’oral à divers points de vue. »
Linguiste et didacticien du FLE, Fortenel Thélusma a publié en 2018, aux Éditions C3, l’ouvrage « Le créole haïtien dans la tourmente ? ». Cette publication est issue des observations de terrain de cet enseignant-chercheur dans la sphère de l’enseignement principalement, et il est utile de signaler que Fortenel Thélusma, auteur de plusieurs manuels de grammaire et de lecture française, a aussi publié en 2016 aux Éditions C3 le livre « L’enseignement-apprentissage du français en Haïti : constats et propositions ».
L’ouvrage « Le créole haïtien dans la tourmente ? » comprend six chapitres et une postface. Le chapitre 1 est particulièrement instructif en ce qu’il procède à une analyse approfondie du travail de recherche commandité par le ministère de l’Éducation nationale, « L’aménagement linguistique en salle de classe / Rapport de recherche » paru en 2000 (voir plus haut le point 1 de ce texte). Ce chapitre est incontestablement l’analyse la plus détaillée et la plus cohérente de cet important travail de recherche commandité par le ministère de l’Éducation nationale, et l’une de ses qualités est précisément de montrer que les experts ayant conduit cette recherche sur l’aménagement linguistique en salle de classe ont fait œuvre pionnière par des enquêtes de terrain, sectorielles mais systématiques, dans le but d’inventorier les modalités, les mécanismes et le contexte de l’enseignement en langue maternelle créole dans un certain nombre d’écoles au pays.
Le chapitre 3 du livre « Le créole haïtien dans la tourmente ? » est également instructif à travers le cadre analytique qu’il déploie en investiguant la « Naissance de la réforme Joseph C. Bernard » [de 1979], les « Objectifs et missions assignés à l’enseignement fondamental » (page 79), ainsi que « L’enseignement-apprentissage du français et du créole » (page 93). À l’instar de Renauld Govain, Fortenel Thélusma, à partir de ses observations de terrain, note que « Le créole tout comme le français n’est pas utilisé dans le cadre d’une politique bien définie, en dépit d’une importante recherche sur l’aménagement linguistique en salle de classe réalisée pour le MENJS en 1999 par un groupe de chercheurs haïtiens. Difficile d’affirmer catégoriquement aujourd’hui que le créole n’est pas utilisé comme instrument à l’École fondamentale, mais c’est plus pour combler les lacunes de certains enseignants en français que la volonté de respecter un principe établi. » La réflexion d’ensemble exposée par Fortenel Thélusma dans ce livre l’a conduit à plaider (page 95) pour une véritable réforme du système éducatif haïtien respectueux « des droits linguistiques des Haïtiens », du « droit à la langue maternelle des jeunes Haïtiens » et du « droit à l’usage du créole suivant une politique linguistique bien établie ».
PLAIDOYER / Instituer un plaidoyer pour que la Faculté de linguistique appliquée de l’Université d’État d’Haïti soit le maître d’œuvre et la référence institutionnelle d’une vaste enquête sociolinguistique et démolinguistique, d’envergure nationale, sur l’usage contemporain du créole dans l’apprentissage scolaire en Haïti
La revue sommaire des recherches pionnières sur la réalité de l’usage contemporain du créole dans l’apprentissage scolaire en Haïti a permis de situer les avancées du créole langue maternelle au plan législatif et constitutionnel, notamment son introduction dans le système éducatif comme langue objet et langue d’enseignement (réforme Bernard de 1979) et sa co-officialisation dans la Constitution de 1987. Elle a également conforté le constat que l’usage contemporain du créole dans l’apprentissage scolaire en Haïti est encore mal connu, fragmentaire, limité et insuffisamment documenté à l’aide d’enquêtes de terrain plus poussées et conduites à l’échelle nationale. Alors même que l’usage du créole dans l’apprentissage scolaire en Haïti fait de plus en plus consensus parmi les enseignants et les directeurs d’écoles, il souffre encore de l’inexistence d’une véritable politique linguistique éducative et du flagrant manque de vision et de volonté politique de l’État en matière d’aménagement linguistique en salle de classe et de production d’outils didactiques de qualité en créole. Pour parvenir à inverser durablement cette situation et refonder l’École haïtienne sur la base de l’équité des droits linguistiques, les institutions d’État, le corps enseignant, les responsables d’écoles publiques et privées, les rédacteurs d’outils didactiques en créole ont besoin de données d’enquêtes actualisées, systématiques et fiables permettant de bien comprendre, à l’échelle nationale, la réalité, la factualité de l’usage du créole dans l’apprentissage scolaire en Haïti. Parvenir à une connaissance scientifique actualisée et systématique de l’usage contemporain du créole dans l’apprentissage scolaire en Haïti doit être une priorité nationale et cela permettra également de dépasser la vulgate utopique et délusoire selon laquelle tout locuteur de langue maternelle créole peut à priori enseigner le créole et enseigner en créole dans les écoles du pays. Sur ce point précis, il faut prendre toute la mesure que la vulgate utopique et délusoire – souventes fois associée à une vision « essentialiste » et « identitariste » (Barnabé 2016) de la langue créole--, est le terreau à partir duquel, depuis plusieurs années, des individus et certaines institutions ont produit et diffusé dans le système éducatif national des outils didactiques fantaisistes, amateurs et dilettantes et, dans le domaine de la dictionnairique, des ouvrages pré-scientifiques médiocres conçus en dehors des normes méthodologiques de la lexicographie professionnelle (voir nos articles « Le traitement lexicographique du créole dans le « Leksik kreyòl » d’Emmanuel W. Védrine », Le National,11 août 2021, et « Le traitement lexicographique du créole dans le « Glossary of STEM terms from the MIT – Haïti Initiative », Le National, 21 juillet 2020).
La revue des recherches pionnières sur la réalité de l’usage contemporain du créole dans l’apprentissage scolaire en Haïti est instructive sur tous les plans. Elle a permis de dégager un ensemble de considérations et de besoins langagiers et didactiques qui justifient pleinement le présent plaidoyer pour l’élaboration et la conduite, par la Faculté de linguistique appliquée, d’une vaste enquête sociolinguistique et démolinguistique, d’envergure nationale, sur l’usage contemporain du créole dans l’apprentissage scolaire en Haïti.
A/ Objectifs généraux : conceptualiser et réaliser une enquête sociolinguistique et démolinguistique d’envergure nationale destinée à
B/ Objectifs spécifiques de l’enquête sociolinguistique et démolinguistique d’envergure nationale
La conduite, par la Faculté de linguistique appliquée, d’une vaste enquête sociolinguistique et démolinguistique d’envergure nationale sur l’usage contemporain du créole dans l’apprentissage scolaire en Haïti pourra, si cette institution le décide, être le lieu d’un appel à des partenariats institutionnels locaux (la FOKAL, la Banque centrale, la Chambre de commerce et d’industrie, les grandes maisons d’édition, etc.) et/ou internationaux (le CIEC (Comité international des études créoles), les universités étrangères abritant des centres de recherche sur le créole, en particulier l’Université des Antilles en Martinique, l’AUF - Bureau caraïbe, l’Organisation internationale de la francophonie, etc.). Une telle enquête pourra également être un temps fort de formation des étudiants de 4e année de licence qui, sous la supervision d’enseignants-chercheurs, seront initiés à la recherche sur le terrain ainsi qu’à la méthodologie de la recherche sociolinguistique et démolinguistique.
...toute la "classe politique" (qui n’est d’ailleurs pas une "classe sociale") sur le même plan ? Lire la suite
...ou ka trouvé tout diks-li, òben yo ka viré enprimé tou sa i fè-a vitman présé! Lire la suite
...À une époque pas si lointaine, l’adjectif qualificatif "national" était fréquemment utilisé po Lire la suite
ce sera très drôle! Lire la suite
...vous vous bouchez les yeux quand il s'agit d'identifier les VRAIS responsables de la situation Lire la suite