La France Insoumise en double affiche.

Patrick Chesneau

   Quel soutien les frondeurs de LFI vont-ils engranger? Ils sont une poignée à avoir été brutalement écartés de la nouvelle direction du parti. Lequel se définit comme un mouvement gazeux.  Appellation fort commode quand soufflent les bourrasques. 

   Au demeurant, s'agit-il d'une chimie particulièrement toxique ou d'un gaz carrément hilarant, abusant de la plasticité de nos zygomatiques ? Incidemment, peut-on se permettre en politique d'évoluer dans un environnement vaporeux ? En fait, ces volutes sémantiques dissimulent un biotope plus rugueux. Limite carnassier.  Sous la houlette russe,  version soviétique, de Manuel Bompard, affidé servile de Jean-Luc Mélenchon, les instances ripolinées des Insoumis vont désormais siéger et décider discrétionnairement, une fois expurgées toutes les voix dissidentes. 

   La purge comme principe de commandement vient tout juste d'être entérinée en haut lieu. " Je ne veux voir qu'une seule tête " est la ligne directrice autoritaire du tout nouveau désigné Coordinateur des Espaces Opérationnels. Formule alambiquée qui sert opportunément à légitimer une gouvernance brutale. Ce garçon, dorénavant n°2 de LFI et accessoirement commis de courses zélé, est tout sauf du bon pain. Livreur de bazookas en mission punitive lui serait une description plus conforme.

   Cet épisode façon karcher tourne au feuilleton, sauce télé novela sud-américaine. De leur côté, les bannis sur injonction du cercle des apparatchiks authentiquement soumis s'organisent en interne, et proposent en coup double, une voix dissonante et une voie alternative à celle des jako-répet inféodés au grand sachem. Oui...celui qui voulait se faire élire Premier Ministre mais se retrouve animateur de think-tank, club de réflexion en bon français, avec la députée Clémence Guetté qui n'est certes pas une guérillera assoiffée d'autonomie de pensée.

Les dissidents par contrainte tiendront meeting le 16 janvier à Bobigny, en région parisienne. Au coude à coude et côte à côte, Clémentine Autain, François Ruffin, Alexis Corbière, Raquel Garrido, Eric Coquerel et quelques autres, estampillés espèce nuisible par les entomologistes assermentés du sérail mélenchonien. Officiellement, ce sera pour jacter de la réforme des retraites, honnie par la gauche radicale toutes sensibilités confondues,  mais ce jamboree militant prend inévitablement des allures de contre-soirée. D'autant que le lendemain, 17 janvier, le cartel NUPE NUPES NUPS, dont LFI est le navire en principe amiral, tiendra également réunion publique sur le même thème des retraites. Ainsi que sur les raisons de la colère des blouses blanches à l'hôpital. La zizanie intra-LFI fait forcément désordre quoi que les "  frondeurs malgré eux " ont d'ores et déjà réussi à symboliser aux yeux de beaucoup une perspective incorporant les concepts de liberté et de démocratie dans le  corpus idéologique du socialisme des origines.

   Cette division intestine préfigure de belles batailles picrocholines qui vont assurément fragiliser le conglomérat communautariste woke dans sa croisade anti Macron. Pour l'heure, on localise Jean-Luc Mélenchon  en Guyane. Un déplacement dans une nature impitoyable aux confins des monts Tumuc Humac où abondent les plantes carnivores. L'enfer vert peut aussi être rouge de sang. Dans les eaux mystérieuses d'un hypothétique affluent de l'Amazone, il conviendrait de lui montrer un banc de piranhas aux dents acérées.  Quelle conclusion en tirera-t-il ? Va-t-il laisser sa famille politique se déchirer à pleines mâchoires, voire se déchiqueter sous les yeux ébaubis du prolétariat paupérisé. Les victimes du grand déclassement économique, les premiers de corvée, tous ceux qui se retrouvent dans le collimateur de la casse sociale sont une fois de plus trahis par les thuriféraires patentés mais fallacieux du pouvoir populaire. 

   Pour l'heure Mélenchon ne pipe mot et ses troupes s'étripent. Serait-il lui-même sur la touche, marginalisé par les jeunes générations des insoumis, plus spontanées dans leur révolte pubère ? Une frange radicalisée appelle ouvertement à la grève militante jusqu'à l'insurrection au sein du mouvement. Leur objectif: faire litière de la décision univoque des mélenchonnistes du premier rang de sauver le soldat Quatennens. Le retour d'Adrien, le gifleur nordiste est prévu d'ici peu à l'Assemblée Nationale. Une reprise de collier législatif qui augure de quelque tumulte dans les groupes parlementaires du cartel. Au sein de LFI, la césure sur la question des violences sexistes et sexuelles est d'ailleurs devenue fracture béante. Générationnelle et politique en fonction de l'oscillation du curseur féministe. Dans ce contexte, l'hypothèse est forte que Manuel Bompard ait été commandité par le triple candidat à la présidentielle pour écraser la contestation. Laquelle, comme par hasard, est amplement soutenue sur cette question particulière par une brochette labellisée insoumise, composée de députés-vedettes, toutes figures de proue de l'aile indisciplinée : Clémentine Autain, François Ruffin ou Danièle Simonnet pour ne citer qu'eux à brûle pourpoint.

   Bref, dans le mouvement intrinsèquement gazeux, il y a de l'eau dans le gaz. Et les appels à désobéissance civile risquent fort de s'amplifier à l'approche des futures grandes échéances électorales. Scénario couru d'avance, les appétits iront en s'aiguisant. Jean-Luc Mélenchon le topographe qui a redessiné les contours de la gauche doit prendre garde à la multiplication de ces spasmes. Ils annoncent toujours des mouvements qui s'apparentent à la tectonique des plaques. Et se terminent souvent en dérive des continents.

L'alternative est simple.

   Soit le tandem Mélenchon-Bompard fait le choix du plus large contre le plus étroit et intègre les " frondeurs par nécessité " dans la tour de contrôle du parti nouvelle mouture. L'érige en équipe à part entière et non entièrement à part. Soit une aile marchante, déjà sur le sentier de la mobilisation, structure la rébellion interne. Il s'agira pour ces nouveaux Zapatas de tuer politiquement le papy bolivarien, ci-devant chef incontesté des Illuminés, accessoirement réduit aujourd'hui au rôle de sombrero orné de plumes de casoar mexicain, savant de Marseille et dépité de la cité phocéenne.

   Nul doute que la gauche radicale en ressortira amoindrie. Anémiée sinon impotente. Assignée à quelques rodomontades s'apparentant plutôt à une démarche de claudication, elle s'interdira de fait toute prétention à conquérir le pouvoir.

   LFI, La France Insoumise ou La France Incongrue ? Faites vos jeux puisque rien ne va plus.

 

Patrick Chesneau

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