En guise de participation à un récent débat sur ce site, je propose la republication d’un article écrit en 2017, le samedi du premier tour de l’avant-dernière élection présidentielle. Cette contrechronique figurera dans mon ouvrage En finir avec le grattage de la Peau, qui sera mis en librairie début 2024. Il y sera évoqué les désagréments racistes rencontrés par un ami Haïtien, aujourd’hui naturalisé français.
Yves Léopold Monthieux
Observant les récentes positions du comité « Marine déwo », je posais dernièrement la question de savoir ce qu’avaient prévu les partis politiques et leurs dirigeants dans l’hypothèse de la victoire de Marine Le Pen à l’élection présidentielle. Et ce qu’ils comptaient entreprendre pour combattre la candidate du Front national. Mais personne n’attend vraiment de réponse à ce genre d’interrogations, ce qui atteste du manque d’intérêt pour un sujet qui ne compte pas pour la réélection des élus locaux. On peut aisément imaginer qu’une fois passée l’élection présidentielle, qui mesure tous les cinq ans le niveau de progression du lepénisme en Martinique (et en France), en donnant lieu à des surprises bien plus affichées que sincères, les autruches officielles continueront de mettre la tête dans le sable. Puisque, avec son sac de nœuds idéologiques, l’identitaire martiniquais s’est substituée à la plupart des mots d’ordre traditionnels, elles resteront vigilantes à relever les outrances verbales venant d’ailleurs et à faire la leçon aux autres.
Mais le phénomène domestique ressurgira toujours et, si l’on n’y prend garde, éclatera au visage des politiques et des martiniquais, en général. Seuls les élus coincés par le succès de Marine Le Pen, ce samedi, dans leurs communes sont contraints de susurrer devant les caméras que c’est la « faute aux étrangers ». La maire autonomiste de Basse-Pointe s’est montrée moins réticente dans cet exercice que son collègue indépendantiste du Prêcheur, plus roué, qui s’est contenté d’un bref « effectivement, il y a beaucoup d'Haïtiens dans notre commune ». Ces positions sont celles de militants de gauche et d’extrême-gauche qui, à leur façon, disent comprendre le comportement des électeurs qui votent pour le Front national. Elles ne suscitent aucune réaction de la part des partis prompts à faire la leçon aux hommes politiques nationaux de droite. On s’attendrait, par exemple, à ce que le président du PPM réagisse à la déclaration de l’élue de la commune de naissance de Césaire, celle-ci ayant envisagé de ne pas donner de consignes de vote dans 15 jours.
Ce n’est pas d’aujourd’hui que, dans les campagnes et les quartiers, dans la rue ou sur les lieux de travail, se manifeste à l’égard des étrangers des Caraïbes une hostilité que je refuse d’affubler du vocable « xénophobie ». Lequel est trop souvent utilisé pour éviter le mot « racisme » qu’on réserve aux autres mais qui me paraît parfaitement approprié pour décrire le comportement de certains martiniquais, voire certaines institutions. Cette hostilité est activement masquée par des engagements d’hommes politiques soucieux d’images respectables et d’intellectuels porteurs de bien-pensance et d’utopie. Car c’est une réalité, il n’y a pas égalité entre le racisme, généralement dominateur, du Blanc à l’égard du Noir et le racisme souvent réactif du Noir à l’égard du Blanc. Cependant, tant qu’on n’aura pas trouvé de vocables différents pour les distinguer c’est le mot « racisme » qui les recouvre bien plus que « xénophobie ».
Reste qu’on est en présence d’un vrai racisme de supériorité – comme celui du Blanc à l’égard du Noir - lorsque celui-ci s’exerce par le Martiniquais envers ses voisins de la caraïbe. Supériorité qu’il croit détenir de sa qualité de Français. C’est alors qu’on s’aperçoit que la solidarité de couleur de peau, qui se transforme souvent en une manière de racisme vertueux – si l’on peut dire - marque le pas face à la solidarité de situation, celle de l’appartenance à la société française. D’autant plus que les hommes politiques et les intellectuels laissent se développer un racisme quasi-officiel au sein de certaines institutions, dans le sport, notamment.
L’une des ligues sportives est fermée aux étrangers venant d’Europe et chichement ouverte aux caribéens. Aussi a-t-il été refusé aux joueurs haïtiens se produisant dans un championnat martiniquais de participer à la sélection de ligue, de même qu’il n’a pas été possible de désigner un technicien métropolitain considéré comme le meilleur du moment, malgré les carences locales évidentes, à la direction de la sélection martiniquaise du sport considéré. Non, le racisme ne se limite pas à celui de l’autre, le racisme martiniquais c’est aussi du racisme. Oui, le racisme anti-caribéen se développe en Martinique et ce n’est pas en organisant des réactions primaires qui interdisent une vraie pensée, comme celles de « Marine Déwo », qu’on arrêtera la progression de ce racisme.
On attendait des Haïtiens et des Ste Luciens venant en Martinique qu’ils se livrent à des activités peu valorisantes. Et voilà que ces hôtes se mettent à ressembler aux Martiniquais, à vouloir assurer une vraie fonction dans la société martiniquaise et à bénéficier des mêmes prérogatives sociales qu’eux, bref, d’avoir des comportements citoyens. Hélas, pour un nombre grandissant d’afro-européo-descendants, c’est insupportable. Et ce n’est pas en érigeant (pour l’image ?) un mur à l’aéroport contre la venue de Marine Le Pen qu’on mettra fin à cette situation qui évolue dangereusement.
Le politologue Jean-Claude William a justement déploré que les méthodes utilisées pour combattre le Front national soient les mêmes que celles qui avaient été utilisées contre Jean-Marie Le Pen, il y a 30 ans. En effet, les militants anti-Le Pen espèrent faire subir à la fille le sort qu’avait éprouvé le père à l’aéroport du Lamentin. En se limitant à coiffer celle-ci du bonnet paternel, ils n’ont pas su, pour convaincre les Martiniquais, arguer ni de justifications ni de faits racistes récents et significatifs qui lui soient imputables. Adeptes des clichés, les politiciens se contentent d’utiliser le mot « raciste » comme un épouvantail qui leur permet de s’exonérer d’une vraie réflexion sur la politique du Front national. Ils ne s’aperçoivent pas que le refus de l’immigration reproché à la candidate s’est répandu en Martinique, sans attendre le Front national, et bien au-delà de l’expression des urnes.
En réalité ce n’est pas le Front national qui transforme certains martiniquais en racistes, c’est leur racisme non contenu qui fait d’eux des électeurs du Front national. 25 avril 2017
"National" au sens "national Mquais". Ça va sans dire, mais ça va mieux en le disant...
Lire la suite...mè "dannsòl".
Lire la suiteSi on vous comprend bien, MoiGhislaine, le charbon de Lorraine devrait, pour reprendre votre expr Lire la suite
Je crains que vous n'ayez mal compris cet article. A moins que ce ne soit moi qui me trompe. Lire la suite
Il faut être un sacré farceur pour faire croire aux Martiniquais qu'un deuxième Cuba est possible Lire la suite
Commentaires
Si Marine Le Pen est élue
MONTHIEUX Yves-Léopold
16/07/2023 - 21:52
"je posais dernièrement la question de savoir ce qu’avaient prévu les partis politiques et leurs dirigeants dans l’hypothèse de la victoire de Marine Le Pen à l’élection présidentielle". J'ai lu la réponse d'Albè à une question similaire posée sur ce site : RIEN. Je m'associe à ce RIEN et c'est aussi la réponse à ma question. Adeptes du janbé pak, les Martiniquais s'habituent vite aux changements. Je crois plutôt qu'ils mettraient une sourdine à leurs critiques et au débat institutionnel, de peur que Marine Le Pen les prenne au mot. On se souvient qu'après 1981, la droite avait rejoint la gauche et la gauche piqué l'assimilation à la droite. On se souvient aussi que l'anticommuniste Edmond Valcin avait avoué, au cours d'une mauvaise soirée électorale, que même si la France devenait communiste, il resterait attaché à elle.