« Le mensonge n’est un vice que quand il fait mal. C’est une très grande vertu quand il fait du bien. (.) Il faut mentir comme un diable, non pas timidement, non pas un temps mais hardiment et toujours. Mentez mes amis, mentez, je vous le rendrai un jour ». Attribué à Voltaire
« Toutes les nations occidentales se sont empêtrées dans un mensonge ; celui de leur prétendu humanisme. » Baldwin
Si James Baldwin avait déjà réglé son compte au colonialisme, Israël donne en ce moment la preuve que ses réflexions sont d’une effarante actualité. Engagée depuis 2 mois et demi à Gaza dans une entreprise génocidaire qui a déjà fait au bas mot 20 000 morts (1), pour la plupart des femmes et enfants, détruit l’essentiel des bâtiments et infrastructures et déplacé la quasi-totalité de la population de l’enclave, l’entité sioniste justifie son expédition punitive sur son sacro-saint « droit à la défense » après l’attaque du Hamas du 7 octobre.
Confrontés à l’évidence de la destruction généralisée de la bande de Gaza et au meurtre de masse de ses habitants, les observateurs les moins avertis, ceux qui ont encore la naïveté d’accorder à Israël le bénéfice du doute, se rallient progressivement à la thèse présentant la riposte du gouvernement de Netanyahou comme « disproportionnée » et exigeant le cessez-le-feu immédiat, après avoir tergiversé de longues semaines comme dans le cas d’Emmanuel Macron.
Certains d’entre eux, comme Olivier Faure (qui s’éloigne ainsi de la ligne socialiste historique de soutien total à Israël), vont aujourd’hui jusqu’à présenter l’attaque du Hamas comme un « prétexte »(2) employé par Israël pour procéder à la liquidation définitive de la question palestinienne en se cachant derrière la lutte contre le terrorisme. Difficile de ne pas donner raison au patron socialiste lorsque l’on constate à quel point la violence coloniale s’abat également sur les Palestiniens de Cisjordanie, territoire que le Hamas ne contrôle pas.
Pour les regards les plus aiguisés, le comportement israélien post-7 octobre est déjà entré dans les annales des séquences les plus grossièrement mensongères de l’histoire de l’aventure coloniale sioniste, voire de l’ère moderne toute entière. Il est vrai que le colonialisme s’est toujours drapé dans les oripeaux de la contre-vérité pour justifier l’injustifiable, à savoir la spoliation et l’expulsion des Indigènes de leurs terres d’origines par les populations européennes. Il est tout aussi vrai que les prétextes les plus farfelus ont été employés pour rendre présentable l’abjection absolue, de la « mission civilisatrice » aux « effets positifs de la colonisation ». Mais tout de même : jamais la propagande coloniale n’avait atteint un tel niveau de grotesque.
Dès le samedi 7 octobre, la machine à propagande s’est mise en route avec une surprenante célérité. La présentation des faits par les officiels israéliens avait de quoi sidérer. 1 400 morts, dont une majorité de civils ciblés délibérément, plus de 230 otages soumis aux pires maltraitances, et surtout un mode opératoire d’une sauvagerie inouïe : bébés décapités ou brûlés dans des fours, femmes éventrées, viols massifs, le tout décrit avec force détails et s’appuyant sur les témoignages des survivants (3,4,5,6). C’est en réponse à ce déferlement de férocité que les forcées armées israéliennes se seraient engagées dans la riposte armée.
Aujourd’hui, que reste-t-il de l’édifice argumentatif qu’Israël et ses soutiens, notamment américains, ont utilisé pour justifier le massacre des gazaouis et museler les voix dissidentes ? Pas grand-chose. Pour commencer, le bilan humain du 7 : au lieu des 1 400 victimes initialement évoquées, le consensus israélien se situe aujourd’hui à 1 139 morts, après 2 révisions (7,8) dont 695 civils, soit une baisse de plus de 14% par rapport au bilan initial, fait rarissime, voire sans précédent, dans l’histoire des attaques armées de cette ampleur. Après enquête, il s’est en effet avéré que près de 200 des dépouilles étaient en réalité palestiniennes mais méconnaissables, en raison du degré de calcination et de dégradation des corps (9).
Beaucoup de témoignages israéliens évoquent l’usage indiscriminé de la force par Tsahal en réponse à l’offensive du Hamas, faisant des victimes y compris parmi les Israéliens eux-mêmes (10). Ces affirmations sont par ailleurs corroborées par les images des carcasses entièrement ravagées des voitures des participants du festival Nova, qui se tenait près de la bande de Gaza et où plusieurs combattants du Hamas ont atterri en parapente et dont ils ignoraient l’existence (11). Le recours au feu aérien et terrestre par l’armée israélienne a été conséquent, faisant vraisemblablement des victimes des deux côtés.
En définitive, il est donc encore difficile d’établir clairement le nombre exact d’Israéliens civils effectivement tués par les brigades Al-Qassam ce jour-là, mais la version officielle initiale prend du plomb dans l’aile et voit sa crédibilité minée.
Par-delà les chiffres, ce sont surtout les détails ressassés par l’ensemble des officiels israéliens depuis bientôt 3 mois qui ont marqué l’opinion publique internationale et suscité une émotion légitime : qui pourrait rester insensible au sort de 40 bébés décapités ? Qui pourrait donner tort à un gouvernement cherchant à venger des femmes sans défense éventrées dans leur propre domicile ? Qui pourrait nier l’inhumanité de combattants capables pendre des bébés, de torturer une famille ou d’enlever une femme enceinte ?
Le souci est que l’intégralité de ces récits sont faux, ou a minima non confirmés. Le journal israélien de référence Haaretz, relayé notamment par Libération (12), pourtant peu suspect d’antisionisme, ont établi de manière incontestable que seul 1 bébé de 10 mois est décédé le 7 octobre, sans aucune décapitation ni aucun brûlé vif, ce qui invalide la thèse de l’infanticide de masse. La thèse de la femme enceinte massacrée et éventrée relève également de l’affabulation. La famille prétendument torturée et exécutée à Be’eri n’existe tout simplement pas. A noter que beaucoup de ces bobards ont pour source une seule et même personne, Yossi Landau, l’ambulancier « survivant du 11 septembre », dont les récits ont été relayés jusqu’au Sénat américain par le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken.
Pour ce qui est des otages, dont la libération a été solennellement présentée par les officiels israéliens et leurs complices occidentaux comme la priorité absolue, force est de constater que leur sort est secondaire aux yeux des responsables militaires en charge de l’offensive à Gaza. Alors que le tapis de bombes qui s’abat quotidiennement sur le minuscule territoire gazaoui rend leur mort plus que probable, nous apprenions le 16 décembre que 3 otages brandissant pourtant un drapeau blanc avaient été tués délibérément par la soldatesque israélienne, par « erreur »(13).
En France, c’est la question des femmes victimes du 7 octobre qui a retenu l’attention et suscité l’émotion du commentariat politico-médiatique, au point que des figures comme Anne Hidalgo, Charlotte Gainsbourg ou Marek Halter n’ont pas hésité à apposer le 10 novembre dernier leur signature sur une tribune de l’association Paroles de Femmes invitant à reconnaître l’attaque du Hamas comme « un féminicide de masse »(14) .
Alors que la police israélienne elle-même évalue que l’enquête sur les violences sexuelles présumées pourrait encore durer « six à huit mois »(15) , en ajoutant au passage « ne pas pouvoir établir que le Hamas avait donné des instructions pour violer des femmes »(16), alors que les incohérences et les contre-vérités du récit israélien se multiplient depuis le jour de l’offensive du Hamas, la belle société germanopratine s’est ainsi empressée de rendre un verdict sans appel. Pour Yvan Attal, Arié Elmaleh, Bernard Campan ou encore Valérie Trierweiler, « les violences faites sur [les] femmes correspondent en tout point à la définition du féminicide, c’est-à-dire le meurtre de femmes ou de jeunes filles en raison de leur sexe (…) Tout cela a été filmé et pris en photo pour susciter la terreur parce que les femmes et les enfants sont les symboles de notre humanité. »
La preuve de l’irréfutabilité de ces accusations ? « Des vidéos des interrogatoires des terroristes le confirment. » Pourtant, au regard de la fiabilité de l’ensemble des images et des récits relayés par la propagande israélienne depuis un trimestre, un minimum de circonspection n’eût pas été de trop d’autant que personne n’a eu accès à ces vidéos.
Mais non, le camp de l’humanité immaculée ne s’embarrasse pas de ce genre de réflexe. Le Hamas est d’essence barbare, donc toutes les accusations portées contre lui doivent être vraies. En revanche, cette tribune « non politique » mais simplement « humaniste » n’a pas un mot pour les dizaines de milliers de femmes et d’enfants palestiniens massacrés sans scrupules par la valeureuse soldatesque israélienne.
Cependant, le summum du grotesque en matière de propagande de guerre avait été atteint quelques jours plus tôt, avec la présentation par Israël de ce qui a été dépeint comme le QG du Hamas au sein de l’hôpital Al-Shifa, dont les occupants ont été méthodiquement éliminés. Des emplois du temps affichés au mur ont été présentés comme des listes de terroristes (17), des photos du mirifique arsenal du Hamas mettent en évidence des dattes et des corans à côté de quelques mitraillettes (18), des montages vidéo grossiers présentent de faux tunnels hypersophistiqués censés héberger le Hamas, mais vraisemblablement construits par les Israéliens eux-mêmes (19), le pseudo-témoignage d’une infirmière dénonçant la présence du Hamas (20) … S’il ne servait pas à couvrir le plus grand crime de masse des dernières décennies, ce sinistre cirque prêterait à sourire tant l’amateurisme et le ridicule des propagandistes israéliens transparaît à chacune de leurs communications.
Venger les horreurs du 7 octobre, sauver les otages, éradiquer le terrorisme : tous les motifs invoqués par Israël pour justifier le carnage dont il se rend responsable sont des mensonges éhontés. Ils sont d’ailleurs ridiculisés par les décideurs israéliens eux-mêmes, lorsque la vérité leur échappe ici ou là : leur objectif est évidemment de se débarrasser une fois pour toutes du problème gazaoui et de chasser les 2,3 millions de Palestiniens de l’enclave, en essayant de convaincre un pays arabe voisin de les accueillir.
Dès lors, pourquoi continuer à colporter des contre-vérités en dépit de l’évidence-même ? Pourquoi les bébés décapités continuent d’être invoqués alors que leur inexistence est patente ? Pourquoi une telle surenchère morbide ? Après tout, l’officialité sioniste pourrait simplement, pour justifier sa poussée belliciste actuelle, se contenter d’invoquer les faits incontestables : des centaines de civils sont assurément morts le 7 octobre, et beaucoup d’entre eux vraisemblablement tués par les combattants du Hamas. Pourquoi cela ne suffit-il pas à la machine propagandiste israélienne ?
En vérité, Israël ne saurait tolérer l’idée d’avoir été attaquée par autre chose qu’une horde de monstres antisémites assoiffés de sang, dépourvus de toute forme de rationalité et dont l’existence-même est un affront à l’humanité toute entière. Accepter le fait que des êtres humains normalement constitués puissent planifier et engager, avec un relatif succès, une offensive armée d’ampleur contre les intérêts et la population israéliens amènerait nécessairement à s’interroger sur leurs motivations politiques et donc à révéler la fragilité de la position israélienne, puissance occupante ayant fait de Gaza un camp de concentration à ciel ouvert depuis 2007 pendant qu’elle s’affaire à annexer la Cisjordanie et donc à tuer les aspirations nationales des Palestiniens.
Le seul terrain praticable pour Israël, c’est celui du combat du « peuple de la lumière contre le peuple des ténèbres » (21), de l’humanité contre la monstruosité, du progrès contre la barbarie. Hors du délire messianique des fous furieux du sionisme, point d’arguments tenables pour défendre ce qu’il faut nommer par son nom : une abomination coloniale. Et gageons qu’en matière de propagande sioniste, le pire est encore à venir.
Yazid Arifi
Sources :
10) https://www.ynetnews.com/article/rkjqoobip
18) https://www.arretsurimages.net/chroniques/obsessions/les-dattes-de-lhopital-al-shifa
...toute la "classe politique" (qui n’est d’ailleurs pas une "classe sociale") sur le même plan ? Lire la suite
...ou ka trouvé tout diks-li, òben yo ka viré enprimé tou sa i fè-a vitman présé! Lire la suite
...À une époque pas si lointaine, l’adjectif qualificatif "national" était fréquemment utilisé po Lire la suite
ce sera très drôle! Lire la suite
...vous vous bouchez les yeux quand il s'agit d'identifier les VRAIS responsables de la situation Lire la suite