Manifestation au Lamentin contre la perspective d'un non-lieu dans l'affaire du chlordécone

   Ce n'était pas, hélas, la grande foule dans la ville du Lamentin pour cette deuxième grande manifestation visant à dénoncer la forfaiture que serait un non-lieu dans l'affaire du chlordécone : un petit millier de personnes. Contre 10.000 la fois d'avant à Fort-de-France. 

   A qui la faute, se demandera-t-on ?

   Plusieurs raisons seront sans doute avancées et d'abord le jour et le lieu. Le jour parce que ce samedi 28 mai se situe juste la veille de la Fête des mères. D'ailleurs, depuis trois jours les magasins et supermarchés ne désemplissaient pas, chose qui a créé des embouteillages monstres, notamment du côté de la Galéria. Pourquoi avoir choisi cette veille d'une fête que célèbre la grande majorité des Martiniquais ? On aura beau dire que c'est une fête française, colonialiste, chrétienne et tout ce qu'on veut, la réalité est là et elle est têtue. 

   Ensuite, le lieu à savoir la ville du Lamentin, certes deuxième ville de la Martinique, mais endroit peu connu, depuis la fin de l'industrie sucrière (années 60) en tout cas, comme un haut-lieu de contestation et de manifestation. Endroit surtout où ne se trouvent pas la Préfecture ni le Palais de justice, symboles de l'autorité française. Cette même autorité face à laquelle il était urgent d'adresser un deuxième signal fort puisque la décision sur le non-lieu sera prise dans les trois semaines qui viennent. 

   Comment a-t-on pu en arriver là ? Car il ne fait pas de doute qu'aux yeux du Pouvoir français, ces mille manifestants du Lamentin traduisent un affaiblissement considérable de la lutte pour que la vérité éclate quant à ce scandale écologique, sanitaire et économique que constitue l'affaire du chlordécone. D'autant que ledit Pouvoir aura bien noté que trois jours plus tôt, au François, 6.000 personnes s'étaient rassemblées pour un hommage au groupe Kassav. Comme dans ce petit pays personne ne veut regarder la vérité en face et que beaucoup adorent de draper dans des postures idéologiques, souvent à visée électoralistes (les législatives sont dans moins de deux semaines), il importe plus que jamais de parler vrai.

   Et parler vrai revient à dénoncer le fait que des gens qui n'ont jamais pris au sérieux la question de l'empoisonnement de notre peuple et de notre pays par ce dangereux pesticide qu'est le chlordécone se sont greffés sur la lutte de manière tout à fait opportuniste. Au premier chef, le PPM et ses alliés ! Ce PPM qui avait fait défiler dans les rues de Fort-de-France, des revendeuses des différents marché de la ville, hâtivement rassemblées dans une association dénommée Machan Foyal, lesquelles avaient conspué les noms des écologistes L. Bouttin et R. Confiant, coupables à leurs yeux d'avoir dénoncé dans leur livre, Chronique d'un empoisonnement annoncé (2007), le fait que les légumes vendus en Martinique étaient contaminés par le chlordécone. Ce même PPM et son chef, Letchimy qui, soudainement, 12 ans plus tard en fait, avaient déclaré urbi et orbi que "Le chlordécone est un scandale d'Etat !". Sans même parler de la commission d'enquête parlementaire-bidon attribuée au même Letchimy qui avait fait des effets de manche et promis de faire toute la lumière mais cela, sans jamais juger bon d'interroger les premiers responsables à savoir les Békés. Pourtant, dans leur ouvrage, L. Boutrin et R. Confiant avaient écrit noir sur blanc le nom du principal importateur du pesticide : les établissements De Lagarrigue !!!

   Mais il n'y a pas que nos chers "autonomistes" à être responsables de l'échec de la manifestation du Lamentin : il y a aussi le pitoyable tirage-de-couverture-à-soi de divers mouvements et partis dits "nationalistes", "souverainistes" ou d'extrême-gauche et de certains syndicats. Comme si l'affaire du chlordécone était une sorte de fromage grâce auquel chacun d'eux espérait pouvoir faire prospérer sa propre (petite) boutique. Cela a même confiné au grotesque lorsqu'on chercha à assimiler le chlordécone, qui est un crime colonial, avec l'épidémie de covid-19, née en Chine et qui a presque mis à genoux la planète entière. Confusionnisme délibérément entretenu par pure démagogie et qui, en fin de compte, n'a abouti qu'à un seul pitoyable résultat : 1 Martiniquais sur 3 en âge de voter n'a pas hésité à voter pour le parti xénophobe et négrophobe de Marine Le Pen par détestation de Macron-obligation-de-la-vaccination. Vaccination tellement obligatoire que seuls 42% des Martiniquais sont vaccinés contre 85% des Français !  

   Il faudra que tout ce beau monde, "autonomistes" et "indépendantistes" rende des comptes un jour prochain au peuple martiniquais dans cette affaire car leur irresponsabilité n'a fait que renforcer le camp assimilationniste d'une part, et le je-m'en-fichisme sidérant de l'Etat français, de l'autre.

   Tjenbon tiré !...