Martinique : cérémonie d'habilitation d'enseignants du 1er degré à enseigner le créole

   Dans le communiqué de la Préfecture que l'on peut lire ci-après, on apprend qu'une cérémonie sera organisée pour délivrer des certificats ou des habilitations à enseigner le créole à 81 professeurs des écoles (anciennement connus sous le nom d'instituteurs/institutrices).

   Il est bon de rappeler que c'est tout le travail abattu par le Pr Jean Bernabé et son groupe de recherches à l'Université des Antilles-Guyane, puis à l'Université des Antilles, groupe créé en... 1975, qui a permis non seulement de créer une Licence, un Master et un Doctorat d'"Etudes Créoles", mais aussi les outils pédagogiques permettant de préparer ces différents diplômes. C'est encore le GEREC qui s'est battu pour la création d'un CAPES de créole permettant d'enseigner à l'école secondaire, puis une Agrégation de créole. 

   Qu'en 2024, la Préfecture et le Rectorat de la Martinique puissent organiser pareille cérémonie n'aurait jamais été possible sans ces quarante années de travail du GEREC.

   Sinon, on peut s'interroger sur ce terme d'"habilitation à enseigner le créole". Renvoie-t-il à des enseignants qui possèdent au moins une Licence d'Etudes Créoles ou bien à des enseignants qui ont été rassemblés dans des stages de formation épisodiques ? S'agit-il ensuite de sensibiliser vraiment les élèves à la langue créole ou bien n'est-ce qu'un paravent pour leur faire étudier quelques éléments culturels comme le carnaval, le costume créole ou le bèlè ? Certains objecteront que les élèves du primaire sont trop jeunes pour être sensibilisés à l'aspect linguistique, sauf qu'en anglais "précoce" (enseigné dans le Primaire) ou en espagnol précoce, on ne se contente pas de parler de Buckingham Palace ou de la corrida. D'autre part, ces "habilités à enseigner le créole" ont-ils bien conscience que l'une de leurs tâches est de déconstruire dans l'esprit de leurs élèves l'idée que "le créole est pauvre en vocabulaire" ? Savent-ils, ces enseignants que l'une de leurs premières tâches et de montrer aux élèves que tout au contraire le créole est riche d'un DOUBLE LEXIQUE. L'un qui est proche du français, l'autre qui n'a pas ou peu de rapport avec lui. Comme :  

 

FRANÇAIS

CREOLE FRANCISE

CREOLE NATIF-NATAL

Tortue

Tòti

Mòlòkoy

Jarret

Jaré

Gad-janm

Espiègle

Espieg

Katjopin

Jeans

Djin

Genndo

 

   Etc... etc...

   Car le créole n'est jamais accusé par Monsieur-tout-le-monde d'être pauvre syntaxiquement même si on entend encore des gens dires que "le créole n'a pas de grammaire". Or, là encore mais de manière moins frappante qu'au niveau lexical le créole possède une syntaxe proche du français et une syntaxe éloignée du français. Comme :  

 

Français

Créole francisé

Créole natif-natal

Dès qu'il arriva

Lamenm i rivé

Rivé i rivé

 

   (L'emploi deux fois du mot "rivé" fait que parfois chez les Antillais maitrisant plutôt mal le français, il leur arrive de dire "Arrive qu'il arrive")

   Tout cela (lexique et syntaxe) pour dire que si c'est pour enseigner un créole francisé aux élèves du Primaire, cela n'a aucun mais vraiment aucun intérêt. C'est une pure perte de temps et une manière indirecte de marginaliser encore davantage le créole natif-natal. Mais, comme pour la tentative de co-officialisation du créole entreprise par la CTM, il serait bête de faire la fine bouche tant l'état dans lequel se trouve aujourd'hui le créole est catastrophique. 

   Tout ce qui de près ou de loin est favorable à la langue est bon à prendre.

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