Octobre "Mois du Créole" : an liv chak jou-bomaten

   C'est en 1981 que le gouvernement de l'île de la Dominique décida de faire du 28 octobre la "JOUNEN ENTENASIONAL KWEYOL" (Journée Internationale du Créole). Assez vite, tous les autres pays créolophones, tant des Amériques que de l'Océan indien, lui emboitèrent le pas quoique de manière non officielle dans les territoires sous-tutelle française comme la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et la Réunion. 

   Puis, de simple journée, la manifestation se transforma en "SIMENN KREYOL" (Semaine du Créole) et enfin en "MWA KREYOL" (Mois du Créole) tandis que les diasporas créoles d'Amérique du Nord (Etats-Unis, Canada) et d'Europe (France, Angleterre) se joignaient aux célébrations. 

   Sauf que la défense de la langue passa, au fil du temps, au second plan pour faire la place belle à la cuisine, la musique, le vêtement-madras etc..., éléments importants de la culture créole mais qui ne doivent pas masquer le fait que le vrai combat, le combat décisif de la langue créole est celui du passage de l'oralité à l'écriture. Il ne s'agit pas tant de "parler créole", comme trop de gens le croient, que d'"écrire le créole" que ce soit sur du papier, l'écran d'un ordinateur, les banderoles de manifestation, les panneaux d'entrée de ville, les enseignes des magasins ou encore les panneaux publicitaires. 

   Dans ce combat, le rôle de la littérature en langue créole est déterminant. C'est que dans tous les pays du monde, c'est grâce aux poètes, dramaturges, romanciers et autres essayistes que les différents idiomes ont réussi à acquérir un statut de langue à part entière. Or, dans nos pays, les ouvrages en créole ont soit une place quasi-inexistante soit secondaire par rapport à ceux écrits en français ou en anglais. En attendant donc une politique linguistique forte, comme c'est le cas au Québec, en Catalogne, en Corse ou à Tahiti (politique qui, pour l'heure, n'existe qu'aux Seychelles et en Haïti), il importe de faire savoir que depuis les années 70 du siècle dernier, un nombre considérable d'auteurs se sont lancés dans l'écriture en langue créole.

   Chaque jour de ce "MOIS DU CREOLE", notre site-web mettra en lumière un ouvrage et un auteur créolophones. Nous présentons aujourd'hui un conte du Guadeloupéen Hector POULLET (l'un des précurseurs de l'enseignement du créole à l'école dans son île), Tibouchina (1990) publié par les éditions Messidor-la-Farandole, puis réédité par les éditions Orphie en 2012...

 

TIBOUCHINA (Hector Poullet)

 

   4è de COUVERTURE (extrait) :  

 

   "Tibouchina, c'est l'histoire d'une enfant de Guadeloupe. Maltraitée par une marâtre, Tibouchina décide de se faire aider par deux de ses amis de classe pour se sauver, " maronner ". Elle part à la recherche de sa vraie mère. Un voyage initiatique à travers l'île, de la Basse-Terre à la Grande- Terre, une quête d'identité au cours de laquelle elle découvre la tendresse de Choubouloute, l'affection de Pipilite, la générosité de ceux et celles qui vont l'aider à échapper aux gendarmes à sa recherche. Imaginaire ? Allégorique ? Pas tout à fait. C'est, dit l'auteur, " à la fois un peu l'histoire de ma Grand-Mère et d'une de mes sœurs. " Tibouchina et tous les siens sont parmi nous, mais Tibouchina c'est aussi, selon le Père Labat, le nom de " la plus belle fleur sauvage de la forêt antillaise. " Raconté en créole et en français, réédité pour la 3e fois, Hector Poullet a obtenu pour ce conte, en 1980, le premier prix d'un concours intitulé " Des histoires pour les enfants des Antilles ", concours initié par le Conseil Général de la Guadeloupe.

   Hector Poullet est guadeloupéen. Enseignant, il a été l'un des promoteurs de l'introduction de la Culture et de la Langue Créoles dans le système scolaire français. Aujourd'hui, à la retraite, il continue à défendre l'idée que la Créolisation du monde est inéluctable et qu'elle est une protection contre les intégrismes de tous bords qui nous guettent. Il est l'auteur d'un recueil de poèmes en créole et en français : Pawol an bouch, Paroles en l'air dont le plus célèbre Twa twa toupatou plus connu sous le titre Mi zanfan péyi-la, est devenu le symbole de la Caribeanité. Son conte créole Tibouchina a fait l'enchantement de toute une génération d'élèves de l'école élémentaire.Par ailleurs il est co-auteur de la méthode Assimil, Le Créole sans peine, du Créole de poche, de plusieurs dictionnaires Créole/Français, Français/créole, des Fables de La Fontaine adaptées en créole et tout récemment il a co-traduit Astérix Le Grand Fossé devenu Gran kannal-la en créole. Il est en train d'écrire et de publier le premier manga des Antilles : une série intitulée Les îles du Vent. Dans Kòkòlò, il fait le relevé du vocabulaire de l'amour et du sexe en créole de la Guadeloupe. Mais Hector a plusieurs violons d'Ingres. Grand amoureux de la nature, il est membre du Conseil d'Administration du Parc National de la Guadeloupe. Quand elle était petite, Biscuit ne voulait pas devenir maîtresse d'école ou vétérinaire, elle voulait juste dessiner et raconter des histoires. Elle a fait des études d'illustration et de bande-dessinée, rencontré pleins de gens qui l'ont encouragée dans sa voie, et voilà que tout ce dont elle rêvait est devenu son métier. Tibouchina est son premier livre pour enfant et elle espère en faire encore plein d'autres pour votre plus grand plaisir."

 

   DEBUT DE L'OUVRAGE (extrait) :

 

   "Un lundi de Pâques, sur la plage de Malendure, une krèy d’enfants, neveux et nièces, m’entoure et me demande une histoire. Nous voici tous assis à l’ombre d’un catalpa, alors que toutes les autres grandes personnes font la sieste, je commence à raconter.

- Il était une fois une fille de roi.

……….

- Eh, Tonton pourquoi tu ne nous racontes pas une histoire qui t’est arrivée à toi, quand tu étais enfant ? En ce temps-là, je suis sûr que ce n’était pas comme aujourd’hui ; il devait vous arriver des tas d’histoires, non ?

....

- Bon ! Eh bien…tim-tim ?

- Bwa-sèk !

- Jandàm anba dlo ?

- Nas !

- Tabliyé dèyè do ?

- Zong !

- Tim-tim ?

- Bwa-sèk !

- On tibolonm ka plen on kaz ?

-Eben sé té pa ni sitèlman lontan, on tigason, non a-y sé té Mwenmenm. Krik ?

-Krak !

-Eben Mwenmenm té k’ay lékòl Bastè. Krik ?

-Krak !

- Mwenmen té dwèt ja byen ni katòz lanné si tèt a-y é i té konmansé gadé timanmzèl. Krik ?

- Krak !

-Mwenmenm té ni on tikonpè, yo té ka kriyé Erik, é moun pa té ka jen vwè Mwenmenm si yo pa té vwè Erik. Krik ?

-Krak !

-Kifè adan menm lékòl-la té ni on bèl tifi, pli bèl ki on bèl jouné botan lè solèy ka débabouyé zyé a-y dèyè Pwent-dé-Chato. Krik ?

-Krak !

-Tifi-tala, non a-y té Ina …an pa ka chonjé larèstan non a-y. Ina té ni dé zyé klendenden, lè i té ka gadé-w, i dwèt té ka vwè jis andidan a tèt a-w. Krik ?

-Krak !"

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