"La désapparition", c’est le titre du roman de Gerry L’Étang qui vient de paraitre aux éditions Project’îles. L’ethnologue martiniquais se mue en romancier et met en scène les habitants d’une île, confrontés à l’interruption brutale de tout ravitaillement. Une fable tragi-comique et politique, confie l’auteur à "L’Oreille…".
Il a pris beaucoup de plaisir à l’écriture de ce roman : Gerry L’Étang ne s’en cache pas. Beaucoup de plaisir à manier les mots issus des lexiques créoles, québécois ou franco-africains ou celui des régions françaises. Et beaucoup de rires à l’idée de peupler son récit de personnages, de lieux ou de situations tout en allusions avec un air de ne pas y toucher. La désapparition est officiellement son deuxième roman (après Fillette Lalo, roman haïtien co-écrit avec Dominique Batraville) mais c’est le premier écrit en solo et celui qui probablement va lui permettre d’entrer de plain-pied en littérature - un peu comme on entre en religion.
"La Désapparition" est paru aux éditions Project'îles • ©éditions Project'îles
C’est que ce Martiniquais, ethnologue et professeur d’ethnologie à l’université des Antilles-Guyane, se passionne pour la créolité. Outre son credo professionnel qui le pousse à explorer les champs de la créolisation culturelle (ndlr : concept qui englobe les processus historiques et les influences multiples qui président à l’émergence des mondes créoles), l’auteur voue une admiration à ceux qui font le catalogue littéraire dont les Antilles peuvent s’enorgueillir : les Patrick Chamoiseau, Raphaël Confiant, Gisèle Pineau et autre Ernest Pépin ; tout en chatouillant l’esprit de Glissant pour son regard et sa conception du monde et du Tout-Monde et en convoquant la poésie d’Aime Césaire.
Et s’il ne renie pas quelques emprunts de style à ces illustres prédécesseurs, en bon créateur, il cherche avant tout à faire œuvre d’originalité ou tout au moins comme il le dit dans L’Oreille est hardie "à renouveler le modèle"…
Et c’est très réussi, il faut bien l’avouer. Le roman La désapparition est né de l’imagination de Gerry L’Étang autour d’une question et peut-être plus qu’une question, une angoisse : et si une île, comme par exemple au hasard (?) la Martinique, ne recevait plus de ravitaillement de la part de la lointaine Métropole, que se passerait-il aujourd’hui ?
En insistant bien sur aujourd’hui car la Martinique pour sa part a déjà connu cette situation pendant la deuxième guerre mondiale, lors du blocus américain de l’île, dans une période appelée "temps de l’amiral Robert" du nom du très sévère administrateur dépêché sur place par le Maréchal Pétain. Dans sa dystopie, L’Étang imagine un peuple affolé à l’idée que le cargo ne vienne plus apporter la manne nécessaire à sa survie. Et c’est la panique.
Gerry L'Étang, auteur de la "La désapparition" (éd. Project'îles) • ©DR
Gerry L’Étang convoque alors toute une galerie de personnages et de lieux que le familier de la Martinique reconnaîtra facilement sous des vocables d’emprunt très drôles. Mais le non-initié s’y retrouvera également sans peine, rassurez-vous, et suivra cette histoire où les habitants de l’île-jamais-nommée réagissent à cette rupture brutale du lien qui les relie au pays Là-Bas. Qui se demandant comment survivre, qui se mettant en colère et en appelant à la violence et l’insurrection, qui se tournant désespérément vers le Poète qui demeure dans l’Hôtel-en-Ville (sorte de double d’Aimé Césaire, clin d’œil de l’auteur…) pour trouver une solution éclairée à cette situation catastrophique.
Et c’est là que Gerry L’Étang, sous couvert d’une fable, distille une forme de pamphlet aux accents politiques pour mettre le doigt sur des réalités préoccupantes. Car que peut-il advenir d’un pays sous perfusion quand la dite perfusion n’existe plus ? Qu’en est-il de l’identité même d’un pays qui a profondément été changé, modifié par la dépendance à un autre, maintenant que cet autre a coupé le cordon ? La désapparition, c’est presque un roman d’anticipation et une façon pour Gerry L’Étang de faire œuvre, certes, mais peut-être - un peu - d’exorciser des possibles ou des probables terribles qu’il ne voudrait pas voir se réaliser.
Gerry L'Étang est l'invité de "l'Oreille est hardie" • ©G. L'Étang
Et partagez les émois littéraires de Gerry L’Étang pour la créolité, découvrez les processus qui ont présidé à l’écriture de La désapparition et assistez à la naissance d’un écrivain. Car c’est bien maintenant toute l’ambition de Gerry L’Étang : pouvoir se consacrer désormais à la littérature… après cette entrée en matière réussie. À découvrir.
Retrouvez Gerry L’Étang, invité de L’Oreille est hardie, c’est par ICI !
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"La désapparition" de Gerry L’Étang est paru aux éditions Project’îles.
...cette précision, cela n'a rien à voir avec le fond de l'article. Me semble-t-il...
Lire la suite"National" au sens "national Mquais". Ça va sans dire, mais ça va mieux en le disant...
Lire la suite...mè "dannsòl".
Lire la suiteSi on vous comprend bien, MoiGhislaine, le charbon de Lorraine devrait, pour reprendre votre expr Lire la suite
Je crains que vous n'ayez mal compris cet article. A moins que ce ne soit moi qui me trompe. Lire la suite