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« Quand les indépendantistes font élire un assimilationniste », annonce cet auteur qui évoque l’appel de l’indépendantiste Francis Carole à voter pour la socialiste Béatrice Bellay au second tour des dernières élections législatives de Fort-de-France.
Ce cri rappelle l’époque funeste où un autre débarquement annoncé sur la ville n’avait suscité aucun hallali. La menace avait conduit le Parti progressiste martiniquais (PPM), le parti du chantre de la négritude, au plus odieux des stratagèmes électoraux : l’utilisation de la couleur de la peau, noire, d’un opposant politique. Le souvenir de cet épisode racial ramène au rang de pipi de chat celui subi par Johnny Hajjar, hier au conseil général, aujourd’hui au sein du PPM. Idem dans Le progressiste, la présentation d’un transfuge du parti sous des traits animaliers ou même les bruits nauséabonds entendus lors de la succession d’Aimé Césaire à la tête de la ville. Pas plus aujourd’hui qu’hier ou avant-hier les grands esprits ne s’en sont offusqué.
Cela change de la capacité d’étonnement qu’à l’épreuve de vérités d’évidence, la classe politique martiniquaise manifeste envers ses acteurs. Des réalités qui pourraient éblouir des malvoyants sont présentées comme des sujets d’effarement. Alors que les autonomistes et indépendantistes occupent le pouvoir local depuis quatre décennies, peut-on encore s’étonner de leurs contradictions ? Nul n’est besoin d’être fondamentaliste pour porter un jugement sévère à l’endroit de celui qui, en militant radical, répond à l’invitation du dictateur d’Azerbaïdjan, pourfendeur inattendu de colonialisme, puis, en assimilationniste avéré, fait voter pour la candidate d’un parti assimilationniste français. Cependant qui peut s’étonner aujourd’hui de telles inconséquences de la part de politiciens martiniquais lorsqu’on sait que le mot « paradoxe » est accolé à leurs basques, y compris à celles du « père de la nation », Aimé Césaire ?
Que la « socialiste élue et son parti [finissent] par prendre la mairie de Fort-de-France », certains semblent le craindre. Force est de reconnaître que le temps n’a pas manqué aux occupants de la Ville pour la développer et imposer leurs vues politiques. Après huit décennies de raché coupé qui ont conduit au délabrement de Foyal et sans atteindre les objectifs idéologiques, il ne serait pas catastrophique que d’autres perspectives politiques s’offrent à une énième génération d’électeurs. Cependant on peut parier que l’an prochain on passera sous silence le 80ème anniversaire (1945 – 2025) de l’occupation de la ville par Césaire et les continuateurs de sa politique. D’ailleurs, tout pourrait être déjà contenu dans le rapport de présentation du projet de la loi d’assimilation de 1946.
Dans cette « ode à l’assimilation », il s’agit pour les futurs départements, selon le rapporteur Aimé Césaire, de « s’inclure davantage dans la civilisation de la mère patrie », de « compléter l’assimilation administratif et politique ». Lyrique, le député martiniquais se réfère à l’auguste geste de l’empereur romain Caracala ouvrant « jadis toutes grandes les portes de la cité romaine à ce Gaulois… », en appelle à l’histoire et la géographie : « ce n’est pas seulement l’histoire que nous avons avec nous. C’est aussi la géographie… ». Et l’on touche presque à l’intégrisme lorsque, en guise de mise en garde, le député proclame que « subordonner l’application des lois dans les nouveaux départements à la demande de leur assemblée locale serait la négation de l’assimilation », et que « le principe de l’assimilation doit être la règle… ». C’est l’assimilation portée aux nues, c’est la négation de l’autonomie.
Bref, ce ne sont que quelques-unes de la vingtaine de références du même tonneau contenues dans le rapport, lesquelles apportent plus qu’un bémol à l’anti-assimilationnisme proclamé du PPM. D’ailleurs, Césaire étant devenu président de la région, en 1983, c’est sous le gouvernement Mauroy que, comme en guise de « département à part entière », a été décidée l’automaticité de l’application des lois aux DOM. Ainsi, à la demande du PPM, il a été mis fin à un procédé qui avait été longtemps critiqué par la gauche : les décrets d’application aux DOM des lois votées en France. C’est un vrai paradoxe qu’au moment où la décentralisation allait commencer, on en soit venu en un geste assimilationniste accompli à mettre au second rang la reconnaissance de nos spécificités. De même, depuis 1981 les parlementaires du PPM siègent sans discontinuer sur les bancs du parti socialiste français et jouent de préséance auprès du pouvoir central au détriment de la Fédération socialiste martiniquaise, qui n’en est pas sorti grandie. Aussi Serge Letchimy s’est-il senti légitime à pousser ce cri pathétique qui pourrait se traduire par « Pères socialistes, pourquoi avez-vous abandonné le PPM ? » Et l’on en arrive à la découverte soudaine que le parti socialiste français est d’essence assimilationniste, comme s’il y avait un seul parti politique en France qui n’en fût pas.
Certes, la leçon peut être faite à Francis Carole qui semble avoir dit adieu à Fort-de-France et à l’indépendance tout en sauvegardant les apparences à Bakou et à Paris. Mais pas plus que les réflexes racistes ne soient dus à une cause étrangère au parti, l’assimilationnisme n’a pas attendu le patron du PALIMA ou Béatrice Bellay pour avoir droit de citer au sein du Parti progressiste martiniquais.
Fort-de-France, le 24 aout 2024
Yves-Léopold Monthieux
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