Thaïlande : de main de maitre...

Patrick Chesneau

Rubrique

     FONDAS KREYOL est un site-web (journal en ligne) qui ne vit pas de la publicité capitaliste comme la totalité de ses confrères antillais ni de subventions publiques, mais uniquement de l'aide émanant de ses rédacteurs (trices) et surtout amis (es). Celles et ceux qui souhaiteraient nous aider peuvent prendre contact avec nous à l'adresse-mail ci-après : montraykreyol@gmail.com

   La seule "ligne" qui est la nôtre est celle de la libre expression de nos collaborateurs et collaboratrices, sachant que nous publions toutes les opinions (de la droite assimilationniste à l'extrême-gauche "indépendantiste") et cela depuis le prédécesseur de FONDAS KREYOL à savoir MONTRAY KREYOL lequel a duré 15 ans et redémarrera un jour ou l'autre. FONDAS KREYOL, lui, a 4 ans d'existence.

    Tout cela pour dire à nos lecteurs et lectrices que les articles publiés sur notre site n'engagent que leurs rédacteurs et rédactrices, pas le site-web en tant que tel...

   Wan Kruh. National Teacher's Day. La Journée Nationale des Enseignants de Thaïlande. C'était ce 16 janvier,  partout dans le Royaume. Date emblématique dans la foulée très opportune de la journée des enfants, children's day, le 11janvier dernier.

Professeurs et élèves ne vont évidemment pas les uns sans les autres. Couple indissociable.

   Ce jour-là, comme à l'accoutumée, tout a été orchestré au millimètre près. En pareille circonstance, la symbolique se traduit par l'accomplissement d'un rituel méticuleusement ordonnancé. Image particulièrement édifiante dans le fil de cette journée d'hommage. Tous les élèves, short beige pour les garçons ou jupette bleue plissée pour les filles, se prosternent devant leurs professeurs. En rangées sages, côte à côte en rangs d'oignons, les enfants sont accroupis voire allongés à même le sol. Au pied de leurs maîtres. Ainsi doivent-ils manifester respect, soumission et allégeance aux figures quasi-tutélaires de leur scolarité. En classe, les maîtres sont les seuls dépositaires homologués du savoir. Les grands ordonnateurs de la connaissance. Leur statut découle de leur fonction:transmetteur de culture et, conjointement, de socialisation. On leur doit reconnaissance et gratitude, jusqu'à la dévotion. Il convient de rétribuer affectivement celui ou celle à qui l'on doit tout: le partage de l'enseignement, le suivi des études, l'acquisition des diplômes et le développement de l'intellect. 

   Dans une société pyramidale empilant les strates de pouvoir, l'éducation demeure le levier principal de l'élévation sociale. En conformité avec l'ordre interne de la société. Cela est particulièrement vrai pour les jeunes pousses issues de milieux  modestes. Dans le cas d'espèce, les parents sont dénués de la fortune apte à  garantir rang et position améliorée à leur progéniture. Les couches paupérisées de la population sont cruellement démunies en matière de relations et de connections favorisant l'accès à une position sociale plus enviable. Cette reconnaissance morale confine à l'allégeance et ne va pas sans une contrepartie solidement établie:  l'autorité mandarinale ne se discute pas. Elle ne peut endurer aucune esquisse de remise en cause. Elle est d'ailleurs l'axiome structurant du système scolaire. Dès lors, ordre et obéissance sont tenues pour des vertus cardinales. Au risque de voir le pédagogue agir en quasi-potentat dans sa classe. Le savoir est dispensé tel un fil à plomb: de haut en bas. Rectiligne. Sur le plan de la pédagogie, on privilégie encore  la répétition annonante, la reproduction servile de certaines méthodes inculquées et la récitation. Des cours qui résonnent comme d'imperturbables mélopées. L'initiative personnelle empiétant sur les prérogatives du maître n'est admise qu'exceptionnellement. La curiosité débridée des futurs citoyens du Royaume n'est tolérée qu'à portion congrue. Mode de transmission vertical oblige, peu de questions audacieuses, et certainement pas irrévérencieuses, sont acceptées tout au long du cursus. Malgré une légère brise de contestation il y a trois-quatre ans, lors de manifestations étudiantes de grande ampleur,  tout reste trés encadré.  Constat: le monde de l'éducation en Thaïlande demeure un bloc monolithique. 

   Un système  non exempt du risque avéré de sclérose et souvent plombé par un manque d'innovation conceptuelle au final très pénalisant. La forme et le fond se rejoignent. Mieux, se conjuguent. Car la discipline est ici une ascèse. Se hisse au rang de matière obligatoire. Port de l'uniforme de rigueur,  levée du drapeau et hymne national chaque matin dans les cours de recré où l'on est prié de ne pas jouer en dehors des horaires prévus à cet effet. Injonction est faite en permanence à chaque élève de se couler dans le moule de l'ordre établi. Au gré des époques et des générations, une stricte observance de la hiérarchie est requise. On a là les prémices d'un comportement indissociable d'une socialisation très codifiée à tous les échelons de la société. De quoi préfigurer pour les garçons, la période de l'armée, souvent tant redoutée des ados thaïs. 

   "Je ne veux voir qu'une seule tête ", mantra de l'institution scolaire. Mais attention. Pas n'importe quelle tête et pas n'importe comment. Les normes édictées au chapitre style et longueur étaient draconiennes. A peine assouplies depuis récente date. Certes, une plus grande tolérance est apparue dans l'univers de l'école ces derniers années. Il n'empêche. Priment d''immuables préconisations. Une mèche trop rebelle équivaut encore à une infraction caractérisée aux normes capillaires en cours. De récentes acceptations ne valent aucunement permissivité. Et certainement pas la moindre once de laxisme sur le plan vestimentaire et des coloris à porter selon les jours et leur signification. Peu sinon pas de latitude individuelle ou de marge d'initiative personnelle dans les choix des écoliers. La primauté du collectif l'emporte sans coup férir en toutes circonstances.

Pourtant, le miracle thaï s'accomplit. En dépit d'un niveau généralement considéré comme insuffisant par les classements performatifs de l'ASEAN,  les bancs de l'école thaïe voient éclore de nombreux talents. Il n'est pas rare que les élèves du Royaume trustent les premiers prix et raflent les récompenses dans les concours internationaux. Chaque année, ce sont même des brochettes entières de jeunes virtuoses qui semblent programmées pour de véritables razzias sur les distinctions dans les grandes compétitions à l'étranger. Les petits thaïlandais brillent singulièrement dans les matières scientifiques et technologiques. La patte du corps professoral est indéniable dans la litanie des succès engrangés. Les tuteurs sont en général d'excellens coaches sachant galvaniser leurs ouailles apprenantes. Résultats d'autant méritoires que les experts pointent régulièrement l'inadéquation des méthodes pédagogiques avec les exigences des économies modernes mondialisées et les défis du futur. Autant de challenges à relever sans plus tarder. Malgré les rigidités et les lacunes constatées, y-a-t-il une recette siamoise de la réussite scolaire? 

   Car, mine de rien, sous des dehors ultra-rigides et corsetés, l'école thaïe semble favoriser l'émergence d'élèves remarquablement doués. On pourrait presque parler d'une pépinière de jeunes inventeurs. Le constat est là, indubitable. C'est un paradoxe de plus au pays du sourire. Cette fois, il est en effet fort réjouissant.

 

   Patrick Chesneau

Media / Document
Image
Image
Image
Image

Connexion utilisateur

Dans la même rubrique

Commentaires récents

  • Islamophobie et racisme ordinaires en Côtes-du-Rhône

    OU TWO sirè !

    Albè

    18/01/2025 - 18:21

    Sé sirè ou sirè, kon gran-lamatè mwen té enmen di. Lire la suite

  • Islamophobie et racisme ordinaires en Côtes-du-Rhône

    Oups! Sorry Albè...

    Frédéric C.

    18/01/2025 - 17:22

    ...c’est passé sous mon haut ras-dard, pardon: mon radar, queue je vais rabaisser dare-dare (très Lire la suite

  • Islamophobie et racisme ordinaires en Côtes-du-Rhône

    RHUM A 55°/AFFLELOU

    Albè

    18/01/2025 - 16:38

    Albè, le tout premier exemple de barbarie chrétienne que je donne dans mon commentaire est celui Lire la suite

  • Islamophobie et racisme ordinaires en Côtes-du-Rhône

    Albè, vous oubliez....

    Frédéric C.

    18/01/2025 - 11:45

    ...Le génocide des Amérindiens, y compris dans la Caraïbe !! Lire la suite

  • Islamophobie et racisme ordinaires en Côtes-du-Rhône

    VIOLENCES

    Albè

    18/01/2025 - 10:00

    S'il fallait établir un championnat du monde de la barbarie, je crois que l'Occident chrétien sor Lire la suite