La Thaïlande océane, terre d'éblouissement

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   Le pays du sourire a retrouvé tout son éclat. Un joyau béni de Bouddha. Définitivement oubliées, les trois années de pandémie. Effacée, la crise sanitaire qui avait mis le secteur des vacances à genoux. Plus que jamais, les acteurs de la villégiature se focalisent sur un objectif: revenir au seuil des 40 millions de visiteurs annuels. L'obsession étant d'affirmer une forme de suprématie dans le tableau de la fréquentation touristique en Asie du Sud--Est. 

   Dans ce regain de frénésie, le Royaume du  Siam dispose d'une carte maîtresse. Le grand sud, sa multitude de plages rivalisant de splendeurs et la profusion des îles distribuées sur l'océan comme des copeaux de paradis. La Thaïlande méridionale est incontestablement la destination la plus prisée des  bourlingueurs en quête d'exotisme abordable. Par grappes compactes, ils accourent des horizons les plus lointains. Soudain, la réalité surclasse la carte postale. Récit d'une parenthèse enchantée.

   La mer à perte de vue. Jusqu'aux confins du monde. Des îles par myriades sur l'immensité turquoise. Des archipels comme autant de reproductions en miniature du jardin d'eden. A l'infini, des plages d'une candeur virginale. Le rivage ourlé tel un costume en taffetas apprêté pour un jour de grand bal. Sable miroir. Soleil impérial pourvoyeur de tant d'incendies dans les rétines. Dans cette quintessence tropicale, indolence raffinée et nonchalance alanguie ont élu domicile.   Insoutenable réverbération au moment du zénith. Les prunelles se dilatent. Regards plissés pour affronter l'air brûlant. Les rochers d'ordinaire impavides semblent se liquéfier. À peine distingue-t'on des formes évanescentes qui chevauchent la ligne de crête appelée horizon. Sans doute, discerne-t'on un relief lointain. Semblable à un dôme géant, le ciel bleu azur s'étire au-dessus d'une nature brute gorgée d'iode. Des stries en altitude indiquent le vol majestueux des oiseaux migrateurs. Leur robe blanche invite à la contemplation de l'innocence. En les suivant du regard, on entame une circumnavigation poétique autour du globe. 

   Partout, l'émerveillement. Il s''empare des paysages et justifie les litanies de selfies destinés à inonder les réseaux dits sociaux. Des rangées de cocotiers chaloupent au gré des alizés. Débonnaires, ils étirent leurs troncs rugueux pour apercevoir les poissons qui zigzaguent en bancs multicolores. Étranges ballets aquatiques. Sur le sable humide, les tortues recroquevillées sous leur carapace viennent témoigner d'un âge antédiluvien. Irrépressible instinct de reproduction. Sous la lumière crue de la lune, les périodes de ponte sont des parenthèses livrées à la magie originelle. Comme au premier matin du monde. La trajectoire de l'évolution est reconstituée  chaque fois que des carapaces lilliputiennes s'extraient de caches enfouies, sorte de tranchées dans les entrailles du sable. Très vite, survient la cohue, telle une impérieuse pulsion de vie. Des centaines de petites créatures palmées jettent leurs forces naissantes  dans une course éperdue vers l'immensité marine. Immédiatement avalées par les premiers rouleaux. 

   Quelques battements de nageoire, puis s'enclenche une mystérieuse odyssée, guidée seulement par un instinct immémorial. Les vagues se referment sur ces légions désordonnées, lancées dans le stupéfiant défi de la survie. Seul mérite des trente six mois de pandémie marqués par l'extinction du tourisme de masse, la faune aquatique s'est formidablement régénérée. Un exemple illustre ce regain de vitalité:  A Koh Phi Phi, la mythique Maya Bay, immortalisée par le film The Beach avec Leonardo Di Caprio a retrouvé ses squales. Aujourd'hui, ils abondent. Les requins-marteaux enfoncent le clou: 

   " Respectez notre environnement ". Virevoltant devant les aréopages de vacanciers ébahis. Le lagon est leur maison. Les autorités tiendront-elles leur promesse?  Fermer le lieu au moins deux mois par an. Accorder le temps de respirer  à la faune et à la flore. Éviter, ici comme ailleurs, la pollution causée par les déchets en plastique qui jonchent trop de sites. En clair, préserver la baie sublime des dégradations inhérentes au déferlement d'excursionnistes en goguette. Non à un mauvais remake des dents de l'amer. Pour l'heure, un peu plus à distance, les dauphins batifolent en compagnie de dugongs placides. Nature requinquée en tous points de la frange littorale. Côté golfe du Siam, le trio Koh Chang, Koh Mak, Koh Kood à quelques encâblures de la frontière cambodgienne, le prouve. Fonds marins revitalisés. Démonstration identique du côté  d'un autre triptyque de rêve: Koh Samui,  Koh Phangan, Koh Tao ( l'île tortue ) et la réserve marine de Ang Thong. 42 ilôts, enserrés dans un lacis de chenaux. Le regard dodeline en jouant à saute-moutons sur ces reliefs enjoués. La résurrection se vérifie également de haut en bas de la façade Andaman. La longue jachère due à la pandémie a eu pour effet une réjuvénation stupéfiante des biotopes marins. La guirlande bigarrée commence aux îles Surin et Similan. 

   De Khao Lak à Trang, il est de bon ton de tutoyer la grâce. Ça et là, affleurent des curiosités géologiques, véritables points de fixation  d'un émerveillement primesautier. Phuket et environs, Railay et les murailles vertigineuses de Krabi. La constellation des rochers géants, disséminés à la surface  d'eaux obstinément cristallines. Ce sont des protubérances surgies des profondeurs en si grand nombre qu'on ne sait plus à quel essaim se vouer. Ces mastodontes festonnent Phang Nga Bay. Panorama aussi époustouflant que la célébrissime baie d'Halong au Viet-Nam. Koh Tapu, James Bond island pour les cinéphiles. Là où l'agent 007 a pu déjouer les plans d'adversaires machiavéliques dans 

   " L'homme au pistolet d'or ". 

   Mais comment ingurgiter le chapelet des noms composant une exceptionnelle symphonie d'émotions esthétiques? 

   Koh Yao Yai  et sa petite soeur Koh Yao Noi. Koh Lipe, si sublime. Koh Jum, particulièrement hospitalière. Koh Kradan, si aguichante. A quelques verstes, Koh Lanta n'est pas en reste. Ou encore Koh Poda, iris flamboyant propulsé hors des flots. Des dizaines d'autres pépites mériteraient citation.

Sur des centaines de milles nautiques, un ballet d'îles, de plages, de fonds coralliens propices au snorkeling et à la plongée. Litanie obsédante. Atolls et madrépores. Un camaïeu de couleurs crues avale l'espace.

   La mer prend l'allure d'un jardin maritime aux tons changeants en fonction des courants. Par paliers concentriques, la couronne émeraude qui enserre les ilôts comme un diadème marin accède au bleu indigo du grand large. Intensité chromatique. Les hommes, eux aussi, sont partie intégrante de ce tableau énamouré. Juchés sur une escouade de chalutiers et de barques à la proue surmontée d'oriflammes. Le drapeau thaï claque au vent quand ils cinglent vers les houles chahutées de l'océan Indien. Ces flottes assurent la pêche halieutique et nourrissent la planète en crabe et crevettes au goût prisé des gourmets. Marins au visage buriné par les embruns, ils règnent aussi sur une armada d'embarcations traditionnelles. Sous leur férule énergique, elles ondulent. Dans les flancs alourdis, des tonnes de poissons et de " plaa meuk ", ( calamars ). Cap sur les palais citadins, à commencer par les foules gourmandes de Bangkok, boulimiques de "sea food". La mer est l'alliée indéfectible de la gastronomie thaïe. Pour les pêcheurs, il s'agit d'un travail harassant dans un décor pourtant idyllique. Nichées sur l'écume, des myriades d'oiseaux vocifèrent. Ils prennent appui sur les lames de fond en jacassant. Les abords immédiats de la côte sont le repaire des eaux cristallines. Mais, sitôt happées par le grand large, les vagues endossent leur plus bel habit, de couleur obsidienne, et entament de longs périples vers des continents insoupçonnés. Des mondes que l'on croyait immuables se réinventent sans cesse.

   La Thaïlande...pour s'énivrer de beauté.

 

   Patrick Chesneau

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