A PROPOS DE LA TRIBUNE DES « CADRES ADMINISTRATIFS » ANTILLAIS.

Raphaël CONSTANT

Que des guadeloupéens, martiniquais ayant exercé ou exerçant des fonctions de cadre dans l’un des administrations françaises en Guadeloupe et Martinique décident de faire une tribune commune pour apporter leur solidarité à leur collègues (ou ex-collègue) directeur du CHU de la Guadeloupe, cela en soi ne pose pas problème. C’est un acte de solidarité grégaire et normal.

Qu’à cette occasion, ils se prononcent contre la violence dans les relations au travail est une peu plus étonnant. En effet, ils « découvrent » et « réprouvent » la violence au travail au travers de l’expérience de leur collègue. La présence policière dans les hôpitaux depuis plusieurs semaines, le gazage de manifestants, tous les actes de répression etc… cela ne les a jamais interpellés en leur qualité de « cadres » (ou ex) de l’administration française.

Que pour eux, la violence au travail ne puisse signifier, souffrance au travail, suspension, privation de salaire est somme toute normale au regard de leur vision sociale et de leur position de direction (ou d’ex-direction).

Car comme ils le disent eux-mêmes, leur collègue du CHU de Guadeloupe n’a fait qu’appliquer la loi française et n’avait pas de marge de manœuvre. Il n’y a pas d’antillanité en cela. Ce sont des fonctionnaires français qui font leur job de fonctionnaire français sans l’ombre d’un état d’âme. Ils appliquent la loi française.

Entre autres la politique de démantèlement de l’hôpital public qui a été menée en Martinique ou en Guadeloupe depuis plus d’une décennie et qui l’a rendu exsangue et incapable de faire face à la pandémie actuelle a été menée par des fonctionnaires français et ceci quelque soit leur origine et leur couleur de peau.

Historiquement, la France a toujours eu des fonctionnaires « coloniaux » qu’elle a essaimé dans son empire. Donc que des « locaux » fasse le « job » qu’on leur demande n’est pas nouveau. Cela existe aussi dans les sociétés à capitaux békés ou français. Les « commandeurs » dans les plantations, ca existait et cela existe encore.

La question n’est pas de savoir qui applique la politique mais bien la nature de cette politique.

Parmi nos « locaux », combien ont fait part de leur désaccord avec la politique qu’on leur demande d’appliquer ou même de leur empathie avec ceux qui subissent la politique qu’ils appliquent si strictement ?

A l’inverse, il a existé (rarement) des fonctionnaires « français « (pardon, au sens où ils n’étaient pas locaux) qui n’ont pas voulu appliquer la politique que Paris leur demandait pour des raisons de conscience. Je pense au Vice-Recteur Plenel ou au directeur de travail Bertholle. Ils ont été sanctionnés par Paris et remplacé par d’autres qui acceptaient de faire le « job » sans état d’âme, y compris des locaux !

Tout cela pour dire qu’au-delà des solidarités grégaires, l’origine des fonctionnaires de l’administration française qui appliquent une politique décidée par Paris importe peu. On ne va pas arrêter de revendiquer et de se battre pour une cause qu’on estime juste car il y aurait un fonctionnaire français de couleur face à nous.

Le seul débat qui vaille n’est pas la couleur de peu de celui qui applique une mauvaise politique ou une mauvaise loi mais de combattre celles-ci.

Dans une lutte de libération nationale et sociale, il n’y a que deux côtés, celui des oppresseurs et celui des opprimés.

Que chacun prenne donc ses responsabilités et ne se camoufle pas derrière une couleur de peau pour se justifier.

Quant à moi, je suis absolument solidaire des travailleurs guadeloupéens.

 

R. CONSTANT

Avocat et Militant.

Commentaires

Solidaire des travailleurs

Oeil

12/01/2022 - 13:37

"Solidaire des travailleurs", desquels ? : des manifestants, des soignants au chevet des malades, des vaccinés, des non-vaccinés, des pacifiques, des violents, du DG et des cadres du CHUM, des agents des forces de l'ordre ? Il me semble que tous, dans l'affaire, sont travailleurs.

HOSTLITE A LA VACCINATION

Albè

14/01/2022 - 11:19

En fait, il y a un mystère dans tout ça qui mériterait d'être éclairci : pourquoi tant de Martiniquais sont-ils hostiles à la vaccination ? Et pas seulement "les travailleurs" mais aussi et surtout des Bac +2 ou des Bac + 4. C'est étrange quand ont sait que près de 5 milliards de gens sont vaccinés sur les 7 que compte notre chère planète ? Surtout aussi quand on voit que nombre de pays dits "sous-développés" protestent contre le fait que les pays riches gardent les vaccins pour eux seuls;

Sophisme ou posture?

Karl

16/01/2022 - 21:07

L'argument que "l'avocat et militant" veut être imparable consiste à dire aux signataires de la tribune !
1 - Vous êtes des fonctionnaires français et en cette qualité, vous appliquez la loi française!!!
2 - Vous vous êtes tus lors de la "présence policière dans les hôpitaux depuis plusieurs semaines, le gazage de manifestants, tous les actes de répression etc… cela ne (vous) a jamais interpellés en (votre) qualité de « cadres » (ou ex) de l’administration française",
Conclusion : "C’est un acte de solidarité grégaire et normal". autrement dit, vos propos ne sont dictés que par un instinct ou une solidarité de classe. Bigre!!!

Toute choses égales par ailleurs, cette argumentation me rappelle le type de réponse faite à ceux qui accusaient Staline et son régime d'avoir commis des crimes : on leur rappelait immanquablement la guerre du Vietnam et le coup d'état de Pinocher au Chili, en les accusant, du même coup, de se placer dans le camp des impérialistes.
C'était aussi celui de militants trotskystes qui affirmaient au jeune militant communiste que j'étais, alors que je défendais, en 1974, le programme commun entre le PCF et le PS, que le choix était entre "la révolution ou la caricature de la révolution".

A ce que je sache, les avocats, auxiliaires de Justice, interviennent en matière pénale, commerciale, immobilière et civile, en droit de la famille et en droit fiscale, sans forcément remettre en cause cet arsenal juridique. Cela ne fait pas d'eux des auxiliaires zélés du "pouvoir colonial".
C'est sous le règne de Louis XIV, patron d'un certain Colbert que nous connaissons bien chez nous, que naît puis s'affirme l'institution de l'Ordre des avocats. Cette filiation est-elle rejetée? Pas à ma connaissance!!! Cela fait-il des avocats les suppôts ni de la monarchie et ni des pouvoirs autoritaires? Ce serait idiot de le prétendre.
La "démonstration" relève donc davantage de la "profession de foi"; quoi de plus normal pour un militant!!!
Mais sa conclusion mérite qu'on s'y attarde. Il est affirmé que, dans une lutte de libération nationale et sociale, il n'y a que deux camps entre lesquels chacun doit choisir : celui des oppresseurs et celui des opprimés. Fort bien.
Outre d'affirmer implicitement que les mobilisations en Guadeloupe relèveraient de la lutte de libération nationale et sociale, ce qui me parait devoir être pour le moins démontrer par des faits, est mis en avant une vision binaire (en noir et blanc, sans jeu de mot) des évènements sociaux qui s'y sont déroulés.
Un tel raisonnement à priori logique et rationnel, est-il compatible avec la réalité d'une société, composée de couches sociales différentes, dont les préoccupations ne sont pas forcément opposés mais n'ayant, de leur point de vue en tout cas, ni les mêmes intérêts ni la même vision de l'avenir? Y aurait-il lieu de faire de certaines de ces couches sociales et par essence, les détenteurs de la vérité révolutionnaire et les autres des traitres en puissance? Et que fait-on des traitres, on les extermine?

"Opprimés, oppresseurs", "exploités, exploiteurs". À part ça?

Frédéric C.

25/12/2022 - 16:00

Le propos de Raphaël Constant est juste dans la mesure où c'est la position que prennent les "cadres administratifs" par rapport à la politique décidée par Paris qui compte, et non leur couleur de peau (cf le débat sur l'"antillanisation des cadres"). Ceci dit, ne voir que deux camps : "les opprimés et les oppresseurs", n'est ce pas oublier qu'existe une autre démarcation possible : "exploiteurs et exploités". Et les deux démarcations ne se recoupent pas toujours. Un chef de service ou d'entreprise peut être "humainement correct" avec tous ses employés, que pourtant il exploite (si on s'en tient aux principes marxistes dont se réclame R.Constant et son parti (PKLS)), y compris ses cadres. Mais certains cadres peuvent être de véritables oppresseurs, des "petits chefs", capitalistes, spécialistes du "harcèlement moral"!... En tant qu'avocat "militant", qui Raphaël Constant défendrait-il?... Donc la vision "binaire" présentée ne "colle" pas à la réalité, qui est beaucoup plus complexe... /En outre, il existe une multiplicité de couches intermédiaires, de gens des "classes moyennes" (expression fourre-tout), comme des artisans et responsables de TPE, qui n'exploitent personne, n'oppriment personne, travaillent beaucoup, se prennent parfois un contrôle fiscal (le comptable ayant mal fait son boulot) qui les plombent et parfois les obligent à mettre la clé sous la porte. Ces personnes sembleraient "tenues" de "choisir obligatoirement leur camp" au nom de la "vérité révolutionnaire"? C'est un peu embêtant pour toutes les personnes concernées, d'autant que la "vérité révolutionnaire" peut fluctuer dans le temps. Dans le siyak, il faut que la personne soit bien dans le "si" en même temps que le pouvoir, et pas dans le "yak", et inversement. Sinon, en effet, la situation peut devenir dangereuse. Le 20è siècle nous a apporté énormément de catastrophes collectives de la part de certains "révolutionnaires" au pouvoir. On devrait s'en souvenir quand même !// Sinon, Karl, les "traîtres" dont vous parlez ne sont pas forcément des cibles pour des exterminations: vous oubliez les "camps de travail", qui sont des camps de concentration spécialisés pour obliger les gens à travailler pour le régime en place. Pourquoi sacrifier toute cette bonne force de travail ? Et exterminer les gens ça coûterait cher: il faudrait payer les armes, les tireurs dédiés, les fossoyeurs, etc. avec toute une logistique, une comptabilité macabre... Vous ne vous rendez pas compte du gâchis ? Alors que le travail forcé dans un camp du même nom, c'est mieux, et puis les travailleurs forcés ne peuvent pas se plaindre du chômage. Non, ils ne peuvent pas !... Oui, cet humour est sinistre, mais il vaut sourire que pleurer: on a avalé tellement de conneries de cet acabit dans notre jeunesse...

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