Les habitants de la capitale haïtienne ont passé une nouvelle nuit blanche. Sur les réseaux sociaux, ils sont nombreux à partager des enregistrements de tirs nourris. Après une relative accalmie, dimanche matin, les violences ont repris « avec encore plus d'intensité en fin d'après-midi », rapporte Alterpresse. Dans plusieurs quartiers du centre-ville de Port-au-Prince, comme Nazon ou encore Solino, des familles entières sont « allongées par terre » pour éviter des balles perdues. « Un habitant de Delams raconte qu'en rentrant chez lui sous les crépitements d'armes à feu vers 19 heures, il a croisé de nombreuses personnes qui ont dû fuir leur domicile. Un nombre indéterminé de familles ont abandonné leurs demeures pour aller se réfugier ailleurs, dans des endroits moins exposés aux assauts des bandes criminelles. Mais, est-ce qu’il existe vraiment des lieux moins exposés aux gangs armés, aujourd’hui en Haïti ? », s'interroge Alterpresse.
« Aujourd'hui, la capitale d'Haïti est à 100% contrôlée par les gangs armés », constate Marie Rosy Auguste Ducéna, du Réseau national de défense des droits humains (RNDDH). Désormais, même des quartiers jusqu'ici plutôt épargnés sont attaqués par les gangs armés. À l'instar du « quartier aisé Fort Jaques, sur les hauteurs de Port-au-Prince » où des membres de gang ont incendié un poste de police avant de se hisser sur les toits d'immeubles et de tirer sur les maisons en contre bas, rapporte Jacqueline Charles du Miami Herald.
Au dernier trimestre 2022, les violences commises par les groupes armés avaient d'abord baissé. C'est ce que fait remarquer Gédéon Jean qui dirige en Haïti le centre d'analyse et de recherche en droits de l'homme. C'était juste après les sanctions imposées par le Canada et les États-Unis à l'encontre de personnalités politiques et économiques haïtiennes, accusés de financer et d'armer les gangs. Mais cette accalmie toute relative n'a été que de courte durée. Depuis le début de l'année, les exactions des gangs augmentent « de façon exponentielle ». Plusieurs raisons à cela, explique Gédéon Jean qui dirige le Centre d'analyse et de recherches en droits de l'homme. Il y a la conjoncture politique, mais pas seulement : « Vu que les gangs reçoivent du financement de certains secteurs qui sont désormais ciblés par les sanctions, les gangs perdent une part importante de leurs ressources financières », souligne Gédéon Jean. « Donc l'augmentation de la violence et du kidnapping pourrait être un moyen pour eux de combler ce manque à gagner. Une deuxième raison pourrait être la lutte [entre gangs rivaux, NDLR] pour conquérir des territoires ».
Pourtant, il y a deux semaines, le carnaval a pu se tenir en plein cœur de Port-au-Prince sans problème de sécurité majeur. « Le carnaval a pu avoir lieu tout simplement parce que ces gangs armés sont contrôlés », estime Marie Rosy Auguste Ducéna du Réseau national de défense des droits humains (RNDDH). « C'est une violence qui est téléguidée dans la mesure où elle sert les intérêts d'un certain groupe ».
Les témoignages d’habitants de Port-au-Prince font état d’absence de policiers dans les rues. « Les policiers ont décidé de ne pas travailler aux horaires habituels parce qu’ils exigent des moyens adéquats pour pouvoir affronter les gangs armés. Cela a commencé en janvier avec un évènement dans le département de l’Artibonite », rappelle Marie Rosy Auguste Ducéna. « Sept policiers ont été assassinés par des bandits armés. Leurs corps n’ont jamais pu être récupérés par l’institution policière. Et depuis lors, il y a cette impression de révolte au sein de l’institution policière. La direction de l’institution n’a pas réussi à faire comprendre aux policiers qu’ils ne pouvaient pas abandonner les rues. Donc, aujourd’hui, il y a effectivement de moins en moins d’agents de police dans les rues. Que ce soit à Port-au-Prince ou dans les villes de province ». Rien qu'au mois de janvier, 18 policiers ont été tués en Haïti.
Entre temps, les gangs étendent leur emprise. Ou comme le formulait Le Nouvelliste ce week-end : « Les bandits ont le champ libre ». Au problème des déplacés s'ajoute l'accès à la nourriture et à l'eau potable pour une population littéralement assiégées, souligne Alterpresse. Sans parler du fait que plusieurs écoles garderont de nouveau leurs portes fermées à partir d'aujourd'hui. Plusieurs élèves et personnels d'établissements scolaires ont été enlevés la semaine dernière", annonce Le National. « Le plus grave, c'est que face à cet énorme problème humanitaire en Haïti, la communauté internationale se montre indifférente et hésite à jouer son rôle dans la recherche d'une solution viable », fustige de son côté le journal dominicain Diario Libre.
« Les gangs gagnent du terrain. Ils se renforcent davantage. Donc, plus on perd du temps, et plus ce sera difficile pour la police haïtienne de rétablir l'ordre », souligne aussi Gédéon Jean. « Aujourd'hui, l'international doit prendre la décision nécessaire. Je parle en particulier de la France, des États-Unis et du Canada qui sont les premiers à décider concernant la situation en Haïti. Donc ils ont une responsabilité de rétablir la sécurité. Et je reprends cette phrase d'Emmanuel Macron : "la sécurité est avant tout une question de moyens et non de postures". On a besoin des hommes au sol, d'une force internationale pour accompagner la police pour mener des opérations. Et non pas de promesses et de conférences. Si on pense à la population de Cité Soleil, de Martissant, de l'Artibonite, qui souffre, les femmes qui sont l'objet de viols, les filles qui sont l'objet de viols, les gens qui sont soumis aux kidnappings et aux traitements inhumains et dégradants... Si on pense vraiment à tout ça, il est sûr que nous n'avons pas besoin de visites d'exploration. La population met sa priorité sur la table : c'est la sécurité ! »
L'ONU aussi a tiré la sonnette d'alarme dans un nouveau rapport publié en fin de semaine dernière : « Si la situation en Haïti continue de se détériorer et que ses institutions de sécurité se désintègrent, une réponse internationale significative sera nécessaire, y compris une aide d'urgence à grande échelle et une opération de stabilisation ou de soutien à la paix », peut-on y lire.
...toute la "classe politique" (qui n’est d’ailleurs pas une "classe sociale") sur le même plan ? Lire la suite
...ou ka trouvé tout diks-li, òben yo ka viré enprimé tou sa i fè-a vitman présé! Lire la suite
...À une époque pas si lointaine, l’adjectif qualificatif "national" était fréquemment utilisé po Lire la suite
ce sera très drôle! Lire la suite
...vous vous bouchez les yeux quand il s'agit d'identifier les VRAIS responsables de la situation Lire la suite