De plus en plus de lycéens et d’étudiants choisissent une langue régionale pour leurs études, voire s’inscrivent en lycée immersif. Qu’ils soient totalement bilingues ou en début d’apprentissage, ils sont unanimes : leur langue fait partie de leurs racines.
« C’est dommage que ce ne soit qu’une option parce qu’en fait, lorsque l’on apprend l’occitan, on apprend beaucoup plus qu’une langue régionale, et ça, tout le monde devrait pouvoir s’en rendre compte. » Baptiste, en terminale dans la région de Toulouse a testé l’occitan grâce à un cours d’essai en seconde. Depuis, il n’a pas lâché cette langue régionale qu’il apprend deux heures chaque semaine, au lycée Paul Riquet de Saint-Orens.
« Avec le temps, on constate qu’on apprend aussi beaucoup sur notre culture, notre territoire, nos origines. On regarde notre environnement autrement aussi, notamment en découvrant ce qu’il se cache derrière les noms de rues par exemple. » Un propos corroboré par Jérôme Frare, son prof. « Le but de cette option n’est pas qu’ils ressortent bilingues. C’est de leur faire toucher du doigt l’histoire et l’identité de leur territoire, afin qu’ils puissent le comprendre et plus largement comprendre le monde dans lequel ils vivent. »
« L’occitan m’a tellement plu qu’il était évident pour moi d’aller dans cette filière, alors qu’à la base, les études, ce n’est pourtant pas trop mon truc »
Baptiste
Un territoire vaste puisque la langue occitane n’est pas circonscrite au territoire administratif de la région Occitanie. Elle se parle de l’Espagne à l’Italie, en passant par le tiers sud de la France, s’étalant sur 33 départements, de l’est à l’ouest. « L’occitan est bien plus qu’une langue ou qu’une culture régionale », détaille Jérôme Frare, « quand on change de prisme et d’échelle, on se rend compte que l’on va toucher l’échelon européen, au minimum. »
L’an prochain, Baptiste entrera en première année de licence Langues, littératures et civilisations étrangères et régionales parcours occitan, à l’Université Toulouse Jean Jaurès. « Mon projet professionnel est de devenir gendarme mais on m’a conseillé de prendre un peu de temps avant de passer les concours. L’occitan m’a tellement plu qu’il était évident pour moi d’aller dans cette filière, alors qu’à la base, les études, ce n’est pourtant pas trop mon truc », raconte, satisfait, le jeune homme.
« Je vis au Pays basque, c’est notre langue »
Joannis, 22 ans, est en master de recherche en basque, à l’Université de Bayonne. Toute sa scolarité, il l’a faite en immersion dans les ikastolas, ces écoles basques où l’intégralité des cours est dispensée en Euskara. Pour sa famille et lui, il était impensable d’être scolarisé dans un établissement « classique » ou même dans une section bilingue.
« Pour moi c’était important d’être en immersion. Je vis au Pays basque, c’est notre langue, et vu tout ce qu’elle représente, c’est normal de l’apprendre et savoir la parler », raconte le jeune homme, qui s’apprête à présenter le Capes pour devenir professeur de basque au collège. Pas un jour ne passe sans qu’il ne s’exprime dans sa langue maternelle, c’est tout son univers et son quotidien qui tourne autour de l’Euskara.
Malgré une scolarité en immersion, il était, jusqu’à cette année, interdit de passer le brevet dans sa langue régionale, et le bac, lui, doit encore obligatoirement être passé en français. Une difficulté balayée par Joannis : « Même si on est en école immersive, nous ne sommes pas coupés avec la langue française puisqu’on la parle lors d’activités sportives et qu’on a des cours de français tout au long de notre scolarité ».
Il reconnaît que de passer ses examens dans une langue qui n’est pas celle pratiquée tout au long de sa scolarité demande malgré tout une sacrée gymnastique intellectuelle. « Nous sommes préparés, nos examens blancs sont passés en français, pour que l’on ne soit pas perdu le jour du brevet ou du bac », poursuit-il.
Pouvoir passer son brevet ou son bac en langue régionale est l’un des combats de Peio Jorajuria, président de la fédération Seaska, le réseau des ikastolas. Il faisait partie des 3000 personnes qui ont manifesté en avril pour réclamer plus de moyens pour l’enseignement du basque et pour pouvoir passer les examens dans cette langue.
« Au Pays basque, ce sont plus de 4000 élèves qui sont scolarisés dans l’enseignement immersif dans 38 écoles, quatre collèges et un lycée sous contrat avec l’Éducation nationale. Et il y a environ 10 000 élèves scolarisés dans les filières bilingues dans le public et le privé. Tout cela représentait 29 % des effectifs à la rentrée 2022 », détaille-t-il. Une tendance qui va en s’accélérant puisqu’un cinquième collège ouvrira ses portes à Saint-Pée-sur-Nivelle à la rentrée prochaine.
« C’est devenu cool de parler une langue régionale »
Comment expliquer ce retour des jeunes générations vers les langues régionales, qu’elles soient basque, occitane, bretonne ou alsacienne ? « Aujourd’hui on constate que les jeunes reprochent à leurs parents de ne pas leur avoir appris la langue de leurs grands-parents. Avant, il y avait un déni et même une honte de pratiquer une langue régionale. Désormais il y a un retournement de stigmate, c’est devenu cool de parler une langue régionale », explique Mathieu Avanzi, professeur en dialectologie à l’université de Neufchâtel. « Derrière cette demande de réapprentissage des langues régionales, il y a une recherche d’identité, l’envie de reformer une communauté et de se réapproprier des codes que d’autres ne peuvent pas comprendre. »
Selon lui, le retour à la mode de ces patois et dialectes a été encouragé par l’essor d’internet. « Les gens, notamment avec l’arrivée des réseaux sociaux, sont de plus en plus à la recherche de leur identité, ont envie de raccrocher à leurs racines », estime le professeur.
Effectivement sur Instagram et Tiktok pour ne citer qu’eux, les comptes d’apprentissage de langues régionales pullulent. Gwenvaël Balnois est aux manettes du compte Komz Brezhoneg (Parler breton) qu’il a créé il y a deux ans et demi. À chaque semaine, son thème, qui, chaque jour, donne lieu à l’apprentissage d’un mot de vocabulaire.
« Il est important pour moi de faire découvrir le breton et de le sortir d’une image un peu vieillissante. Les réseaux sociaux sont le parfait endroit pour cela », raconte le jeune homme originaire du Finistère. Son public ? Les 18-35 ans, qui constituent la part la plus importante de ses presque 14 000 followers. « On peut parfois manquer de supports lorsque l’on veut se lancer dans l’apprentissage d’une langue régionale. Mon ambition est de toucher un nombre important de personnes pour que le breton reste une langue vivante. Libre à eux ensuite, s’ils le souhaitent, de se tourner vers des écoles plus classiques pour approfondir leur apprentissage. »
De nécessaires moyens financiers
Autre signal marquant du retour de ces langues régionales : depuis la rentrée 2022, l’enseignement du picard a refait son apparition dans les écoles primaires et le diplôme « Enseigner le picard : langue, littérature et culture » a vu le jour à l’Université Jules Verne d’Amiens. « On ne peut que s’en réjouir, car l’enjeu pour le picard était d’être reconnu comme une langue de France. C’est la première fois qu’il est intégré dans la liste des langues appartenant au patrimoine français », indique Esther Baiwir, maîtresse de conférences à l’Université de Lille et professeure de Picard.
« Malheureusement son état de déliquescence est important. C’est donc une bonne base légale, mais il faut une volonté politique aussi au niveau plus local ainsi que des moyens pour créer des formations ou encore libérer des enseignants qui sont en place pour qu’ils puissent se former. S’il y a des soutiens logistiques et économiques forts, cela pourra donner quelque chose de vraiment bien. »
Dernière preuve, s’il en fallait une, que les langues régionales ont le vent en poupe, le géant du dating, Tinder, s’est lui aussi mis aux langues régionales. Parmi les 133 langues proposées par l’application de rencontre, figurent désormais le Breton, le Basque et le Corse. Avec un argument imparable : « Cette option est un atout pour matcher ensemble dans sa langue de cœur ! »
photo : Les langues régionales de retour à l'école ? Freepik
...toute la "classe politique" (qui n’est d’ailleurs pas une "classe sociale") sur le même plan ? Lire la suite
...ou ka trouvé tout diks-li, òben yo ka viré enprimé tou sa i fè-a vitman présé! Lire la suite
...À une époque pas si lointaine, l’adjectif qualificatif "national" était fréquemment utilisé po Lire la suite
ce sera très drôle! Lire la suite
...vous vous bouchez les yeux quand il s'agit d'identifier les VRAIS responsables de la situation Lire la suite