CONGRÈS 29 NOVEMBRE 2023 : PRENDRE LE RISQUE DE LA VÉRITÉ

Martiniquaises, Martiniquais,
Messieurs les Présidents du Conseil exécutif et de l’Assemblée
Mes Chers(es) Collègues

Soyez rassurés, mon intervention ne vise pas à justifier ma présence aujourd’hui au sein de ce Congrès des élus de Martinique ;

Ce Congrès, nous l’avons tous appelé de nos vœux car nous partageons une ambition commune, celle de sortir le pays de l’ornière.

C’est donc aux absents de justifier valablement leur absence.

C’est aussi à ces mêmes absents de justifier les véritables raisons de leur désertion et de leur renoncement.

Le renoncement, c’est cette dialectique qu’expliquait Albert Memmi, écrivain et philosophe Tunisien, dans Portrait du Colonisé et que certains, par leur absence, remettent au gout du jour : « C’est au moment où le colonisé compose le plus avec son sort qu’il se refuse à lui-même ».

Aujourd’hui, c’est au moment où le colonisé a rendez-vous avec l’histoire qu’il renonce à lui-même et à sa propre liberté.

À la lecture du Communiqué de presse du GSPM mis pitoyablement à la signature d’Alfred Marie-Jeanne, nous ne pouvons pas nous satisfaire des arguties présentées car elles reposent sur un socle de contre-vérités.

Alors que la Maison-Martinique brûle et que le pays est engoncé dans des statuts désuets, nous ne pouvons ni boycotter, ni déserter ce débat public et fuir les responsabilités confiées par les électeurs en nous enfonçant dans le marécage de nos contradictions individuelles et politiques.

Je prendrai donc le risque de la vérité en optant pour la parrêsia qui s’oppose au mensonge et à la mauvaise foi de certains apparatchiks de service.

Je tacherai à travers nos travaux d’aujourd’hui d’oublier les postures consternantes d’idéologues désuets, d’exprimer mon intime conviction et de dire avant tout ce qui me semble juste pour la Martinique et les Martiniquais,

À Martinique-Écologie, nous savons que cette exigence démocratique à un prix. Mais c’est le prix à payer si nous voulons être à la hauteur des enjeux de ce Congrès et redonner l’espoir après les rendez-vous ratés de 7 déc. 2003 et du 10 janvier 2010.

7 déc. 2003 / 29 novembre 2023, Vingt ans déjà ! Vingt ans de tergiversations, de reculade et de renoncement où toute une génération a été sacrifiée sur l’autel des affrontements partisans stériles.

Mes Chers(es) Collègues

Il est temps de mettre un terme à ce jeu de rôle qui a eu pour conséquence une lassitude des martiniquais, une abstention des électeurs voire même une méfiance vis-à-vis de la classe politique qui s’est traduite par un vote de défiance à 73.000 voix pour Marine LePen.

Et, puisque l’Histoire ne repasse jamais les mêmes plats, saisissons la conjoncture politique favorable notamment l’occasion de la révision constitutionnelle annoncée pour, à l’instar des Corses, des Polynésiens et Guyanais, exprimer notre vision pour ce pays-nôtre ;

Et, puisque nous ne sommes pas maître des horloges et ne maîtrisons pas le calendrier du Président de la République, saisissons l’opportunité offerte par cette révision constitutionnelle rendue incontournable par l’intégration d’un nouveau statut de la Nouvelle Calédonie pour dire ce que nous souhaitons pour notre peuple à travers une amendement porté par les Parlementaires ultramarins.

Pour dire également aux Martiniquais que nous ne partageons pas la thèse accréditée par certains qui, à longueur de médias, ressassent l’idée que l’évolution institutionnelle et statutaire réclamée n’est pas une priorité pour le pays ;

Pour dire aux agriculteurs de Jossaud, de Bout-Bois, de Parnasse ou de Bezaudin que sans un pouvoir normatif autonome que nous ne pourrons pas mettre fin à l’étranglement programmé de la petite paysannerie martiniquaise ;

Que sans un pouvoir normatif fiscal autonome nous ne pourrons pas sortir de la spirale mortifère de l’exigence du paiement des dettes fiscales et sociales qui condamne les petits exploitants agricoles à une disparition certaine ;

Que sans un pouvoir normatif législatif et réglementaire autonome, nous ne pourrons mener ni réforme foncière ni réforme agraire nécessaire à la juste redistribution des terres agricoles aux jeunes agriculteurs en souffrance, à la sortie d’une dépendance alimentaire de l’extérieur qui dépasse aujourd’hui les 87 % de ce que nous consommons ;

Pour dire aux Martiniquais, que c’est bien le cadre institutionnel et statutaire ainsi qu’un pouvoir normatif autonome pour l’exercice de nos compétences qui déterminent la fin de la dépendance à cette logique d’importation actuelle et, en final de compte, qui conditionne le développement économique du pays ;

Pour expliquer aux Martiniquais, tous ensemble, sans démagogie, sans esprit hégémonique ni de revanche, que le cadre de nos ambitions pour résoudre leur problème quotidien passe nécessairement par ce changement institutionnel voire statutaire que nous débattrons dans le Congrès d’aujourd’hui et que nous soumettrons au gouvernement.  

Alors, arrêtons de semer les germes de la zizanie et de la division,

Arrêtons ces postures anachroniques qui consistent d’un côté à faire le jeu des forces conservatrices et de l’autre à critiquer san manman ni rézon les négociations entre nos gouvernants et les représentants légitimes du pays. De tels comportements ne favorisent pas l’unité nécessaire à l’adhésion des électeurs.  

Car, le Peuple n’est pas dupe : entre la contestation permanente de la légitimité issue des urnes et la légitimité autoproclamée pour demander à l’ONU (New York) l’inscription de la Martinique sur la liste des pays à décoloniser, il y a effectivement un sérieux problème de légitimité et de crédibilité.

Mettons-nous tous au travail au service du Peuple martiniquais et donnons ainsi tort à F. Fanon qui disait de la Martinique : « dans ce pays, il y a beaucoup de pantalons mais peu d’Hommes ! »

In fine, le moment venu, le Peuple lucide fera son choix et ce, conformément aux dispositions de l’article 72-4 de la Constitution : « Aucun changement ne peut intervenir sans que le consentement des électeurs de la collectivité ait été préalablement recueilli ».  

Honneur et Respect aux élus présents

Honneur et Respect au Peuple Martiniquais

Tjenbé red.

Martinique, le 29 novembre 2023
Louis Boutrin
Conseiller Territorial – GSPM
Président de Martinique-Écologie

Commentaires

LA VERITE COUTE TRES CHER

Albè

01/12/2023 - 11:53

En politique, l'honnêteté et la vérité coûtent très cher. Surtout en Martinique ! Boutrin est courageux mais il faudra qu'il ait les reins solides pour pouvoir encaissser les coups de boutou à venir.

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