En hommage à un homme courtois et plein d'humour

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  La première chose qui frappait chez Philippe Saint-Cyr quand on le rencontrait, c'était tout à la fois sa courtoisie et son humour (en français comme en créole). Courtoisie qui avait quelque chose d'un peu suranné dans une Martinique devenue violente mais qui charmait.

   Eminent juriste, il fut l'un des grands fondateurs de ce qui était l'Université des Antilles-Guyane avec l'historien guadeloupéen Jacques Adelaïde-Merlande, l'hispaniste Alain Yacou, Guadeloupéen lui aussi, ou encore le linguiste martiniquais Jean Bernabé. Ce ne fut pas un combat facile que de transformer le Centre Universitaire Antilles-Guyane, qui dépendait de l'Université de Bordeaux, en université de plein exercice. Avec calme et détermination, Philippe Saint-Cyr et ses collègues s'y employèrent avec succès, faisant de ce qui s'appelait l'UAG à l'époque, une pépinière de cerveaux qui, souvent, poursuivaient leurs études doctorales dans l'Hexagone où ils réussissaient haut la main.

   Ce ne fut pas là un mince exploit car on ne le sait pas assez ou on l'ignore : notre université ne reçoit que 30% de nos bacheliers chaque année. Tous les autres vont étudier dans l'Hexagone et depuis quelque temps au Québec ou dans d'autres pays. Or, la plupart de nos étudiants sont issus de milieux modestes d'où le pourcentage de boursiers trois fois plus élevé que dans l'Hexagone. Cela n'a pas empêché l'UAG, grâce à des professeurs comme Philippe Saint-Cyr, de les former pour en faire des juristes, des économistes, des certifiés ou agrégés de français, d'histoire ou de mathématiques. 

   L'UAG avait aussi permis le brassage d'étudiants martiniquais, guadeloupéens et guyanais, favorisant ainsi l'émergence d'une conscience caraïbo-amazonienne à laquelle P. Saint-Cyr était très attaché. Il lui arrivait ainsi d'aller souvent faire cours en Guyane. Ce rêve a depuis volé en éclats, cela pour des raisons qu'il serait trop long d'expliquer, mais qui relèvent pour beaucoup du micro-nationalisme et de "l'enfant-gâtisme". Or, à côté de nous, l'Université des West-Indies rassemble onze pays anglophones de la Jamaïque au nord à Trinidad-et-Tobago au sud. 

   Proche du PPM (Parti Progressiste Martiniquais), P. Saint-Cyr ne jugeait pas les gens sur leur appartenance politique car il avait, chose rare dans nos pays, la tolérance chevillée au corps. Ce qui fait que dans un milieu universitaire au sein duquel les rivalités sont trop souvent exarbées (comme dans toutes les universités du monde), il n'avait pas d'ennemis, seulement des adversaires. Il discutait, débattait, plaisantait avec tout le monde. 

   Un grand monsieur s'en est allé. 

   Puisse l'ouverture d'esprit qu'il a insufflée à notre université durant quatre décennies trouve le moyen de perdurer  chez les nouvelles générations d'enseignants !

Commentaires

Merci pour cet article...

Frédéric C.

02/01/2024 - 08:49

...c'est effectivement ainsi que, de ma petite fenêtre d'étudiant timide, j'ai perçu Philippe Saint-Cyr pendant mes années d'études sur le campus de Schoelcher. On pourrait ajouter que c'était un homme abordable, avec qui je n'avais aucune difficulté à échanger sur les problèmes de l'UAG d'alors ou l'avenir du pays (Saint-Cyr était au PPM et ne s'en cachait pas). Idem pour d'autres enseignants comme Jean Crusol, Louis Crusol, Alain Blérald, Leslie Manigat... Je me demande comment Saint-Cyr a vécu l'éclatement de l'UAG du fait des "micronalismes" évoqués dans l'article, l'affaire du Ceregmia, certaine affaire de harcèlement moral jugée comme telle contre J-G Chali (lequel ne semble pas avoir été un enseignant très ouvert sur l'altérité ; quand il était étudiant, il militait à JAG, organisation de jeunesse du GRS ; depuis il s'était bien "rangé"; écoeurante métamorphose !), etc... Salut l'ami.

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