Ce 21 septembre, date d'anniversaire de la naissance d'Edouard GLISSANT, été inaugurée sur les berges de la Seine, par la mairesse de Paris, Anne HIDALGO, et cela sous un soleil radieux pour la saison, la Promenade Edouard GLISSANT, "poète, romancier et philosophe martiniquais" comme l'indique le panneau qui la signale.
Cela à un moment où règne dans le pays natal de GLISSANT, ce que l'on pourrait appeler la non-pensée. Ou si l'on préfère, le confusionnisme le plus total, marqué par une "négrification hallucinatoire", exact inverse de la "lactification hallucinatoire" que dénonçait avec raison Frantz FANON en 1952, dans Peaux noires, masque blanc. Et c'est justement parce que nous n'avons jamais su utiliser la pensée des trois intellectuels majeurs qui ont réussi l'exploit de faire exister notre minuscule "tête d'épingle" de Martinique sur la carte du monde (car qui connaît un écrivain du Tadjikistan ou un philosophe indonésien dont les pays comptent pourtant des millions d'habitants ?) que nous en sommes arrivés là.
Le premier, CESAIRE, nous avons usé et abusé de son image, sans pour autant le lire vraiment, ressassant l'éternel même vers ("Mon peuple, quand hors des jours étrangers germeras-tu une tête bien pleine sur tes épaules renouées...") au point que fort logiquement, il ait fini par être exaspéré de vivre au sein de "mendiants arrogants" et, pire, d'"âmes de morue". Le second, FANON, parce que nous nous sommes contentés pour certains de l'admirer de loin, ressassant, là encore, la même et unique citation ("Chaque génération doit, dans une relative opacité, découvrir sa mission, l'accomplir ou la trahir"), pour fabriquer ce nationalisme de pacotille qui permet de gagner quelques élections mais sans la moindre conséquence pour "le pouvoir colonial", selon l'expression en vigueur chez nos chers nationalistes.
Quant à GLISSANT, nous ne l'avons tout simplement pas lu. Nous n'avons pas médité ses oeuvres, mesuré la profondeur de sa pensée. Trop difficile, opaque, voire obscur, décrétaient nos beaux esprits et surtout trop éloigné de notre quotidienneté. Oubliant, ce faisant qu'il fut l'un des fondateurs du Front Antillo-Guyanais pour l'Autonomie, oubliant qu'il s'est refusé de devenir fonctionnaire français et qu'avec l'argent gagné grâce à son Prix Renaudot (en 1958, pour son roman La Lézarde), il a préféré ouvrir une école privée, L'IME (Institut Martiniquais d'Etudes), au sein de laquelle, pour la première fois étaient étudiées l'histoire et la culture martiniquaises et plus largement antillaises. Cela des décennies durant...
C'est que la pensée glissantienne a toujours fui comme la peste ce racialisme et ce revenchardisme qui gangrènent aujourd'hui nos esprits, de manière ouverte ou sournoise. Postures d'ailleurs inconséquentes puisqu'elles ne vont pas au bout de leur logique qui ne saurait être autre que la rupture avec celui que nous accusons de nous opprimer. Nous voulons toujours plus de lits d'hôpitaux, plus de routes, plus d'écoles etc. tout en vouant aux gémonies celui à qui nous les réclamons. En termes crus, cela s'appelle vouloir le beurre, l'argent du beurre et l'arrière-train de la fermière en prime.
Nos esprits chagrins ignoreront ou se gausseront de cet hommage parisien, y voyant une récupération de l'auteur du Discours antillais (1981) par la France colonisatrice. La théorie du "Tout-Monde" sera (et est déjà depuis un certain temps !) pointée du doigt, dénigrée, caricaturée même, par ces noiristes obsédés par Toutankhamon, les cheveux nappy ou le retour à la "Terre-mère" mais tout à fait incapables d'imaginer une Martinique indépendante. Celle dans laquelle, pas très loin de nous (à Sainte-Lucie, à Barbade etc.), quand ils se lèvent le matin, les responsables politiques ne pensent pas au prétendu "Monde noir" mais au développement de tel ou tel secteur de leur économie, au taux de change de leur monnaie nationale, au remboursement des prêts contractés auprès de la Banque mondiale, à la coopération à établir avec l'Amérique du Nord, la Communauté Européenne ou la Chine etc. Ce sont là des préoccupations de peuples adultes qui n'ont pas de temps à perdre à récriminer en permanence contre l'Autre...tout en exigeant de ce dernier des subventions, des aides, des infrastructures.
GLISSANT est devenu, au fil du temps, persona non grata dans son pays. Lui dont les oeuvres sont traduites dans une vingtaine de langues et qui fut plusieurs fois nobélisable à l'instar du Saint-Lucien Derek WALCOTT qui, lui, finit par obtenir cette reconnaissance suprême et est fort justement célébré par les siens. Est persona non grata un intellectuel dont on ne lit pas les oeuvres. Dont on considère que les écrits ne sont d'aucune utilité pour penser les problèmes du pays.
Nous aurions pourtant grand besoin de nous y plonger, de manière critique et non révérencielle bien évidemment, en ce moment où un obscurantisme mortifère plane sur nos têtes et nous paralyse...
...ou ka trouvé tout diks-li, òben yo ka viré enprimé tou sa i fè-a vitman présé! Lire la suite
...À une époque pas si lointaine, l’adjectif qualificatif "national" était fréquemment utilisé po Lire la suite
ce sera très drôle! Lire la suite
...vous vous bouchez les yeux quand il s'agit d'identifier les VRAIS responsables de la situation Lire la suite
Les propos de Crusol sont gravissimes .C'est néanmoins une analyse originale qui mérite qu'on s'y Lire la suite