Coralie Arnaud, 32 ans, exerçait comme infirmière anesthésiste à l'Institut Gustave-Roussy à Villejuif, à deux pas de Paris. En 2021, elle démissionne et repart s'installer en Martinique, d'où elle est originaire, pour ouvrir son entreprise de crêpes gastronomiques à Fort-de-France.
« Un matin mi-2020, j'amène à mes collègues des crêpes que j'ai préparées pendant le week-end. Je stresse un peu parce que c'est la première fois que je les fais goûter en dehors de mon cercle familial et amical. Ces crêpes sont un peu spéciales : je les ai garnies puis enroulées sur elles-mêmes. Elles sont pensées pour être mangées en une ou deux bouchées, comme on mangerait un sushi ou un amuse-bouche, et peuvent être dégustées, une fois réchauffées au four, jusqu'à trois jours après leur confection.
Si l'avis de mes collègues m'importe tant, c'est parce que je songe sérieusement à quitter mon emploi à l'Institut Gustave Roussy, un centre de lutte contre le cancer situé à Villejuif ( Val-de-Marne ), pour me lancer à mon compte. Mon objectif : vendre ce que j'appelle des « pépites », ces crêpes haut de gamme que j'ai imaginées.
Ce jour-là, je leur fais goûter des pépites salées, au bleu, à la poire, au miel et aux lardons fumés, et des sucrées, à la crème pralinée et aux cacahuètes. Ils se régalent. On instaure alors une sorte de rituel : chaque lundi, je leur apporte de nouvelles créations. Leurs retours me permettent d'évaluer mon produit et d'affiner mes recettes.
Une passion pour la cuisine qui prend le dessus
Six mois plus tard, début 2021, il est temps pour moi de faire le grand saut. Mes études d'infirmière anesthésiste ont été partiellement payées par l'Institut Gustave Roussy et en contrepartie, je m'étais engagée à y exercer durant deux ans. J'arrive à ce terme.
Je pourrais continuer mais je préfère partir. Ce n'est pas par rejet du métier que j'exerce, qui me satisfait à plusieurs titres. Je travaille en bloc opératoire, au sein d'une équipe pluridisciplinaire, qui traite principalement des cancers de l'adulte et de l'enfant. Une mission qui demande d'être pointilleuse, de bien gérer son stress et ses émotions. J'exerce dans un établissement réputé, à la pointe de la technologie, ce qui me permet d'apprendre beaucoup. J'ai une bonne situation, une stabilité financière et sociale.
Mais la passion pour la cuisine qui m'anime depuis des années est plus forte. Les crêpes, c'est un peu mon dada depuis que je suis enfant. Au fil des années, j'ai commencé à faire des pâtes plus sophistiquées, à imaginer des combinaisons d'aliments… Quel que soit l'évènement, familial, amical, je ne rate pas une occasion d'en préparer.
« J'ai quitté mon poste d'infirmière pour lancer mon plant truck »
Je demande alors une rupture conventionnelle, qui m'est refusée. Impossible donc d' avoir droit aux allocations-chômage, qui pourraient m'apporter une certaine sécurité financière. Je donne malgré tout ma démission, en me disant que je vivrai dans un premier temps de mes économies.
Une formation de crêpier et de barista
Direction Saint-Malo, pendant six semaines, pour intégrer l'Atelier de la crêpe, une école internationale de crêpier réputée. Une partie du coût de la formation est prise en charge par mon compte personnel de formation (CPF) et pour le solde, je puise dans mes deniers personnels. Puis, je file à Aix-en-Provence, où se trouve le centre de formation Barista Bartender Solutions. J'y suis une formation de dix jours qui me permet entre autres d'apprendre à préparer des cafés haut de gamme.
En décembre 2021, je dis au revoir à Paris pour m'envoler en direction de la Martinique, où j'ai grandi. Après onze ans dans la capitale, où j'ai fait mes études et exercé en tant qu'infirmière puis infirmière anesthésiste, je suis contente de rentrer chez moi. J'ai beaucoup aimé la vie parisienne, j'ai profité de la richesse culturelle, de l'animation permanente, et de la possibilité de voyager aux quatre coins du monde… Mais ma famille me manque, je suis frustrée de vivre les grands moments de leur vie à distance, à travers des conversations téléphoniques.
Des débuts plus compliqués qu'escompté
Mon retour à Fort-de-France ne se passe pas comme je l'imaginais. C'est un peu la désillusion. Moi qui pensais trouver assez facilement un local à louer, c'est raté. L'offre immobilière est limitée et les loyers sont particulièrement chers. Je me résous à aménager un laboratoire dans un studio dont ma mère est propriétaire. Et comme j'arrive à cours de mes économies, je reprends une activité en tant qu'infirmière à domicile, en parallèle du lancement de mon projet.
En février 2022, je lance officiellement « An Tjè Coco », mon entreprise de fabrication de Pépites. Je les prépare sur commande et les clients viennent les récupérer sur place. Au fil des mois, je commence à me faire connaître et je suis sollicitée pour participer à des salons ou à des événements culturels (marchés de noël, festival de jazz, journées du patrimoine…). Mon activité de traiteur prend aussi de l'ampleur avec des commandes pour des mariages, des baptêmes, des anniversaires ou des animations de comités d'entreprise.
Dans mes recettes, je privilégie des produits locaux et frais, en favorisant les circuits courts. Avec, toujours, la volonté d'avoir un produit gastronomique. Pour cela, je n'utilise que de la farine de sarrasin bio. Côté saveurs, je prends beaucoup de plaisir à imaginer de nouvelles combinaisons, inspirées, bien entendu, des recettes antillaises, mais aussi de mes voyages. Je propose par exemple une pépite rougail saucisses à la réunionnaise, une pépite sucrée façon tiramisu italien avec de la pâte à crêpe au café, une version poulet-curry-lait de coco qui rappelle la cuisine indienne ou thaï…
Ma pépite qui a le plus de succès est celle façon gratin de bananes jaunes - un classique de la cuisine antillaise, confectionnée avec de la banane jaune frite, du lard fumé et de la béchamel.
Côté tarifs, ils varient selon les recettes. En règle générale, il faut compter 15 euros pour huit pépites salées, contre 13 euros pour huit pépites sucrées.
Ouvrir une boutique et pourquoi pas, d'autres points de vente
Un an après le début de cette aventure entrepreneuriale, je ne regrette pas d'avoir quitté mon CDI en région parisienne. Les retours des clients sont très bons et certains sont même devenus des habitués ! Ce qui m'épanouit le plus, c'est de pouvoir laisser libre cours à mon imagination en créant de nouvelles recettes.
Mais il faut l'avouer, l'entrepreneuriat, c'est un peu les montagnes russes (rires). On passe de périodes où tout va bien à d'autres où on enchaîne les galères. Et puis, les tâches sont multiples et demandent de la minutie, du soin et de l'application : cela va de l'achat des matières premières, en passant par la confection des pépites, sans oublier, la communication, et la vente… Pour l'heure, j'exerce seule et cela demande beaucoup de travail. J'espère prochainement pouvoir m'appuyer sur une équipe solide et pérenne. En attendant, heureusement, je suis bien entourée et cela permet de pallier certaines difficultés.
Financièrement, je ne vis pas encore de cette activité. Raison pour laquelle je fais encore des remplacements ponctuels en tant qu'infirmière. Je voudrais atteindre une certaine stabilité d'ici à un an, et j'espère en vivre pleinement d'ici à deux ans. L'un des défis pour la suite, et pas des moindres, ce sera aussi d'arriver à me dégager plus de temps pour moi car ma vie sociale en a pris un coup depuis le lancement de ce projet.
Je cherche toujours un local à louer dans une rue passante du centre-ville de Fort-de-France, avec suffisamment d'espace pour que les clients puissent également consommer les pépites sur place. Mon plus grand rêve ? Après l'ouverture de mon restaurant de pépites, ce serait de pouvoir ouvrir des points de vente dans la Caraïbe et à Paris. En attendant, je participe à la Foire de Paris, du 27 avril au 8 mai 2023. L'occasion pour moi de venir à la rencontre des clients de l'Hexagone et de leur faire découvrir les pépites. »
photo : Coralie Arnaud concocte ce qu'elle appelle « pépites », des crêpes gastronomiques imaginées pour être mangées comme un amuse-bouche. (DR)
...toute la "classe politique" (qui n’est d’ailleurs pas une "classe sociale") sur le même plan ? Lire la suite
...ou ka trouvé tout diks-li, òben yo ka viré enprimé tou sa i fè-a vitman présé! Lire la suite
...À une époque pas si lointaine, l’adjectif qualificatif "national" était fréquemment utilisé po Lire la suite
ce sera très drôle! Lire la suite
...vous vous bouchez les yeux quand il s'agit d'identifier les VRAIS responsables de la situation Lire la suite