Du mensonge commun nait la vérité

Loran Kristian

Diviser une terre à l’amiable, n’est-ce pas bagage fait avec science, parfois dans l’insouciance d’erreur commune et légitime, avec une nécessaire patience ? Par division d’honneur, est-i possible que ce qui paraît être une règle immuable, nous conforme dans l’idée qu’aller droit revient toujours, en théorie de l’apparence, à rondir les angles de vue à l’envers d’une médaille, pour ainsi faire que deux faces visibles confondent au final un même endroit ?

Ce par quoi, une data petite bourgeoise*, dans un petit paradis, garde la masse cassée sous les hauteurs. Sa saisie prédictive lui permettant d’utiliser des réseaux récurr ents pour tenir un pays dans une poigne de bandits organisés, tentaculés, encapsulant l’institution et la société avec force et violence. Le plus important étant de maîtriser la perte accusant déficit, prendre ce qui peut être prise et pis, se faire doter par des puissances supérieures. Dotation d’argent sale, dotation d’armes et munitions, dotation de pouvoirs occultes, dotation stupéfiante, dot en terre, dot en corps et encore. Avec tous ces actifs portés par une main invisible, i suffit de tenir le crachoir puis de boucher les horizons, pour que la pilule passe mieux avec un goût de pain ou de jeu.

Poussée à l’intérieur, la chose se déroule aux prises d’une moralité et d’une éthique dissoutes dans le sale jouissif, trouvant une raison d’être dans l’heure branlante du passage mortel. Sic, la chose devient plus aisée, plus simple et abordable, rouée d’une mécanique de défense et de maîtrise éloignant le sentiment du mal, la blesse du cœur coupable, l’intranquille vibrance des souvenirs, comme la conscience alerte. Ce qui permet de vivre au-dessus du lot, aussi bien que de tuer, à l’impalpable, lentement, confusément, à l’invisible, impunément. Devenir rouage impercertible, engrené dans l’histoire pour conduire au changement, en sorte que plus personne ne puisse plus se mouvoir sans moindre complicité au crime.

Esprits criminels, corps assassins, profilés en patience pour sauver notre apparent et notre monde intime, que les choses avancent, se développent, progressent bien, plient mais ne cassent en aucun cas. I y a pourtant à gagner également dans la perte d’un donné ; dans la conservation des hypothèques ou des variables difficiles comme inutiles, dans l’imperfection préservée, l’incomplétude, l’erreur humaine ; dans les formes incompréhensibles, dans les anomalies existentielles, tournures irrationnelles, cette multitude en manière d’être humain. I y est cette fragile idée, comme une larme d’étoile, qui habite nos rondeurs et nos aspérités. Elle y dit la chair blette et les nuits tombées sur nos rêves. Que rien n’appartient. Ficelé dans l’étendue, eau propre comme eau figurée, par des liaisons incalculables aussi jointes que les fils d’une âme.

Et en un tour de main, se trouver enveloppé par la justice du pire, cerné sans démarque par les cercles vicieux, le monde tel qu’i est, apprécié par des cases fabriquées comme des nasses dans la récidive, sous le feu des projections de réalité et d’émetteurs en scène de vie. Une case comme un pays, une maison de retour et de départ qui soigne et fortifie, maison ou ligne de vie tracée source à beauté.

Bien près de la conscience, la poursuite de l’expérience met en difficulté le groupe des forces faibles qui, dans l’interaction et l’échange d’énergie, débouche souvent en désintégration. Une forme de loi statistique proclamée par le hasard des contres et des rencontres. Ce qui importe restant le résiduel, le produit de fission, tous ces morceaux d’actifs et rayons encaissés, toutes ces cendres éparpillées aussi chaudes qu’aux premières flammes, balayées par le vent d’un courant juste.

La courbe de répartition des produits prend donc généralement l’allure d’un cassis, une fracture traversant le chemin comme un fossé, et cela ne saurait inquiéter. Ce qui piège et emmêle les pieds, entrave davantage à travers le passif, par la cheville des souvenirs indélébiles. Attendu qu’aucune entente maximale ne viendra au son d’un pistolet de départ, et que les violations du droit conforme l’état, à quoi peut bien servir de toujours rester couché sur le dos ?

Quand l’habitant multiplie les sévices dans la maison-atelier, i montre que les lois favorables aux illibérées ne seront toujours qu’un jeu pour les maîtres, i prouve enfin que si l’on veut réellement introniser le règne de la justice aux îles, on n’y doit plus laisser de servitude** de tréfonds ni servitude de passage. Quand on voit ce

proces d’expérience administrative distendre les ententes cordiales en motivant les avocats du diable, i parait clair que personne n’en sortira grandi.

Lianné dans la profitation, aux pôles d’une relation où le plus faible accuse le réel, revenu des frondes de récits fantastiques ou bibliques, on retrouve notre petite bourgeoisie continuant l’œuvre de créolination par dissipation de matières. Hybride et polymorphe dans sa quête essentielle de domination, s’appliquant à gorger de rhum et de champagne les voies impénétrables, bien collée, bien serrée dans ses rangs. Formant civilité aux allures de vidé, elle socialise le pouvoir de nuire ou de tenir avec une classe qu’on dirait légitime.

Opératrice de vol au-dessus d’un nid de foufou, elle capte tout ce que les chambres de maîtres, les conseils de colons, et les assemblées d’habitants laissent choir en prescriptions acquisitives. Avec la sagesse qu’offre le pouvoir continu, autrement dit faisant raison passer pour tort, ortie pour laitue, vice pour vertu, dépasse les bornes imposées légalement, s’assurant que la séparation des pouvoirs, en belle démocratie, conforte la suffocation de ceux qu’on dépossède.

Des histoires de famille, comme i en existe tant. Des histoires de violence légitime et de justice bafouée, de violences contre les biens s’instrumentant vers les personnes, du mauvais animé comme on en conte tous les jours. Avec de long développement au lait et des péripéties de moussache, par lesquelles nous voyons bien le schéma narratif de l’injuste et de la colère, du ressentiment et des désillusions. Des récits dans lesquels aucun élément perturbateur n’empêche l’expansion ou la rétractation des actes.

Au fil des péripéties, en l’estime d’êtres justes, ce qui reste se tient raide à l’intersection impalpable des vies. Dans le présent à détruire ou à bâtir, dans la fortune ou l’infortune des uns au profit d’un seul autre, dans les affres du capital, du patrimoine, des bonnes situations. Un dénouement au fil d’une toile vibrante d’honneur et de respect, qui ne saurait être un pays d’iniquité de la parole, jugée par une mafia protégée, mais le pays de la vérité de la parole. Verbe facile, action concrète, paraître ou être.

Un état des choses par quoi le non-accomplissement irrigue l’accomplissement, comme le succès l’échec, ou l’ordre des choses inamovibles ressaque les peines changées en haines au fond des caldeiras. Dans cet état, i faut trouver les conditions de possibilité d’un genre fluide, quand le cours d’eau s’écoule impénitent, faute d’embouchure. Dans le refus et l’endurcissement des rochers. Ce cœur de matériau édifié en aiguilles et dômes de montagnes, en avance d’explosion spirituelle ou d’effondrement culturel, peut-être de dissolution, de rupture de liens, voire de fin d’existence.

Qui ne connaît la valeur d’une parole ne fera autre chose que salir l’eau des mots. Croyant à chaque énoncé ou jugement, toucher le ciel des idées par le centre du monde, débonnaire et tranquille sous saillie oculaire, mais s’attachant à jeter des douleurs enfouies avec l’eau du bien. Qui ne prend soin du toucher, du sentir, du révéler, en se meublant dans la distance, observe la chute des corps sans gravité à la surface de la Terre, loin de tout champ de pesanteur. Corps sous la tradition, corps sous extradition, corps bombés sous contradiction.

Qui donc tient les données de l’expérience pour des indépassables, conquiert l’illusoire. Qui donc oublie le bref d’un passage briqué, retient par les catégories ou les accusations ce qui arrange les mœurs. Erreurs comme mensonges intriqués dans des habitudes de penser et parler, prises d’ascendant ou descentes en rappel. Un écheveau complexe de fils justes et de faux fils enroulés confusément à la folie des vanités. Les faits trépassant la réalité, l’usé et l’abusé. L’erreur commune faisant le droit. La conscience humaine aussi ajustable et variable que ces atrocités commises au nom de vérités.

 

Loran Kristian, 1er avril 2024

 

*    « Une part d’aléa est susceptible d’introduire du bruit dans les données. »

** « L’esclave dont le maître est mécontent, à tort ou à raison, peut être séparé de sa famille pour un temps indéterminé, envoyé à la geôle et ignominieusement attaché à la chaîne de police qui exécute les travaux publics. »

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