Cela se passe dans le pays le plus riche de la planète, les États-Unis. À Jackson, capitale du Mississippi, la mairie impose depuis juillet à ses 150 000 habitants, dont 82% sont des Afro-Américains, de faire bouillir l’eau avant de l’utiliser. Contaminée par de nombreuses bactéries, elle est impropre à la consommation. En cause : des canalisations et une usine de traitement hors d’âge et mal entretenues. Pour beaucoup, cette crise puise ses racines dans le passé ségrégationniste du sud des États-Unis.
Il est assis sur le porche de sa maison et sirote de l’eau dans une bouteille en plastique. George, comme tous les habitants de Jackson, n’utilise plus l'eau du robinet pour se désaltérer. Trop dangereux. Son dernier verre d’eau courante remonte à deux mois et ce retraité invalide de 78 ans en garde un souvenir plutôt mauvais.
Quand je l’ai bue, ça m’a rendu malade. Je l’ai recrachée tout de suite, mais j’étais malade. J’avais des vomissements. J’ai essayé de marcher et je suis tombé.
George n’avait pas respecté la consigne de la mairie : faire bouillir cette eau contaminée par des bactéries avant toute utilisation, même pour faire la vaisselle ou se brosser les dents. Car depuis trois mois, Jackson, capitale du Mississippi, vit sans eau potable.
Ouvrir son robinet est devenu source d’angoisse pour les 150 000 habitants de Jackson comme Maxinn. Tous les jours, dans sa cuisine, au milieu de ses casseroles empilées, cette mère de famille fait bouillir des dizaines de litres de cette eau qui coule parfois brunâtre.
Cette eau est très dangereuse, même pas bonne pour laver sa voiture !
Bennie Hudson, 65 ans, fait bouillir l'eau du robinet afin de pouvoir l'utiliser. Jackson, Mississippi, septembre 2022. AP - Rogelio V. Solis
La semaine précédente, l’eau était tout simplement coupée dans toute la ville. L’usine de retraitement vétuste et mal entretenue n’a pas résisté à des inondations records. Faute d’eau, les écoles ont dû fermer pendant une semaine.
Depuis, la pression a été rétablie. Maxinn a remis ses trois enfants à l’école, mais leur interdit d’utiliser cette eau.
Je suis inquiète, parce que je sais que cette eau est mauvaise pour eux. Je dois leur répéter constamment : ne touchez pas l’eau, ne laissez pas cette eau entrer en contact avec vous ! On ne devrait pas avoir à dire ça aux enfants.
Sans eau potable à Jackson, il a fallu déployer la Garde nationale. Tous les jours, 600 hommes en treillis distribuent des dizaines de milliers de bouteilles d’eau à des habitants qui patientent excédés dans leur voiture.
C’est bien qu’ils distribuent cette eau. On n’a pas envie de tomber malade.
C’est le tiers monde ici !
Chez moi, l’eau est marron. Je dois aller chez des proches pour prendre une douche et faire mes lessives. C’est triste.
Cette crise de l’eau fragilise l’économie d’une des villes les plus pauvres des États-Unis. À Jackson, un habitant sur quatre vit en dessous du seuil de pauvreté, et les restaurateurs sont parmi les plus touchés.
Le restaurant Mama's Eats and Sweets est l'une des victimes de la crise de l'eau à Jackson, Mississippi, septembre 2022. AP - Steve Helber
Pour faire tourner ses cuisines, Dana Koinig, gérante du restaurant Aladin à Jackson, est obligée d’aller chercher l’eau dans les villes alentours.
On lave tout avec de l’eau en bouteille. C’est vraiment coûteux pour nous. Et les gens ne veulent plus venir à Jackson. Du coup, notre chiffre d’affaires a baissé de 25 % à 30 %.
Et selon cette restauratrice, ce n’est pas un hasard si cette crise de l’eau frappe une ville à plus de 80% afro-américaine.
C’est difficile de ne pas se dire qu’il y a du racisme systémique derrière tout ça.
Une analyse que confirme Robert Luckett, professeur d’histoire à l’Université de Jackson. Pour ce spécialiste des droits civiques aux États-Unis, les causes de cette crise de l’eau sont à chercher dans le passé ségrégationniste du Mississippi.
Dans cet État, il y a encore beaucoup de politiciens blancs très puissants, dont le parcours est enraciné dans cette histoire de la suprématie blanche. Ce à quoi nous faisons face avec cette crise de l’eau à Jackson, c’est une ville presque complètement noire, qui durant les 50 dernières années, a vu les politiciens à la tête de l’État se montrer hostiles avec ses habitants et refuser d’investir dans les infrastructures, tout simplement parce qu’ils sont afro-américains.
Cette ville du sud profond, sans eau potable, semble à l’abandon. Partout des maisons en ruine et des routes constellées de trous béants, comme après un bombardement.
L'année dernière, la ville recevait 75 millions de dollars d’aides fédérales pour rénover ses canalisations. Très insuffisant ; selon la mairie, il faudrait deux milliards pour remettre en état les infrastructure de Jackson, nouveau rappel des inégalités qui rongent encore la première puissance économique de la planète.
photo : Distribution d'eau potable à Jackson, dans le Mississippi, le vendredi 2 septembre 2022, au stade Smith Wills. AP - Rogelio V. Solis
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Poids
Il faut être un sacré farceur pour faire croire aux Martiniquais qu'un deuxième Cuba est possible Lire la suite
...toute la "classe politique" (qui n’est d’ailleurs pas une "classe sociale") sur le même plan ? Lire la suite
...ou ka trouvé tout diks-li, òben yo ka viré enprimé tou sa i fè-a vitman présé! Lire la suite
...À une époque pas si lointaine, l’adjectif qualificatif "national" était fréquemment utilisé po Lire la suite
ce sera très drôle! Lire la suite