Le néo-couple Onfray-Houellebecq s’empare des sujets chauds, incandescents, ceux qui divisent et déchirent la société française, provoquant des malaises à répétition. Entre abjection, appel à la violence et insanités.
L’un, Michel Houellebecq, est considéré par la plupart des critiques littéraires comme « le plus grand écrivain français vivant » lu partout dans le monde. On peut lui préférer Patrick Modiano, mais admettons. La ligne idéologique du « génie » des lettres n’a jamais varié: à droite toute et enrobée de réflexes on ne peut plus conservateurs. Provocateur comme à l’accoutumée, et versant parfois dans un radicalisme "radical". On aimait alors évoquer avec complaisance son goût de la provocation
L’autre, Michel Onfray- quatre à cinq livres par…an!- passe, à juste titre, pour un philosophe d’importance et d’influence. Prenant exemple sur Sartre- qu’il maudit par ailleurs-, il s’est "offert" une revue, "Front Populaire", qui se vend fort bien. Il y dispense de (longues) leçons politico-civilisationnelles et radote une haine farouche, phobique, de tout ce qui touche de près ou de loin à l’Europe et à son « petit soldat », Emmanuel Macron. Du coup il cogne obsessionnellement. Au point de constater qu’il cogne davantage qu’il ne raisonne… Ainsi le libertaire qui nous avait remué les méninges il y a trois décennies s’est-il mué en un identitaire hargneux. Curieuse évolution dont il nous faut prendre acte.
Onfray et Houellebecq, c’est bien leur droit, ont choisi de se faire plaisir en s’offrant quarante cinq pages (!) de conversation, de discussion et, bien souvent de délire, dans un numéro "spécial", très spécial en effet, de "Front Populaire". Résumer leurs propos relève de la gageure tant ils valsent d’un sujet à un autre mais en conservant une cohérence ultra droitière, parfois si ultra-droitière que l’on en arrive à se demander si Houellebecq ne plaisante pas, s’il ne manie pas un peu (?), beaucoup (?) l’humour, l’ironie, la grosse et grasse vanne de potache, bref si cet échange interminable n’est pas un gag. À coup sûr, ce n’est pas le cas d’Onfray toujours sérieux comme un pape. Ah, le pape d’ailleurs, le pape François, l’une des bêtes noires de notre néo duo, un jésuite, un gauchiste, qui a pour objectif de détruire l’Église catholique. Rien que ça… C’était tout de même sacrément mieux sous le règne du précédent souverain pontife, le très conservateur Benoît XVI, et Onfray de dénoncer les réformateurs du concile Vatican, maudit pape Jean XXIII- « le catholicisme a résisté à tout, sauf à Vatican II », radote le philosophe. Avant d’insister: "je me sens plus proche des hommes préhistoriques que des théologiens de Vatican II, les intégristes, je leur trouve beaucoup de courage". Quelle profondeur de pensée théologique…
Toujours est-il qu’à deux reprises au moins, Onfray laisse Houellebecq sans voix ni réplique. Scotché sur son siège, le provo! D’abord quand Onfray lui assène cette débilité à laquelle l’écrivain n’avait, à l’évidence, jamais songé: "regardez comment la qualité du sperme humain s’est modifiée", un phénomène lié, selon Onfray, à la "démographie". Nul besoin d’être grand clerc pour décrypter : les Asiatiques, les Indiens, les Africains, etc, ont provoqué une diminution de cette "qualité". Resterait-on coi si un responsable politique proférait pareille ânerie à relent raciste ?
Ensuite Houellebecq reste une nouvelle fois bouche bée quand le "penseur" venu de ses terres normandes délire littéralement sur la Chine: "il ne serait pas surprenant qu’un jour, Pékin annonce la sortie d’une chimère, d’un mélange d’animal et d’humain. Peut-être existe-t-elle déjà et attendent-ils que nous soyons prêts à l’accepter moralement. Ce qui ne saurait tarder". Diaboliques Chinois ayant en tête de vouloir créer une nouvelle espèce, mi-humaine, mi-animale. Même Houellebecq, fantaisiste assumé, ne sait comment commenter pareille ineptie.
Sinon, à son tour, en balançant quelques énormités, voire une série d’insanités. Manière de reprendre la main.
Exemples.
-"Les écologistes français? La lie de l’humanité". Puissance de la réflexion…
- "Parfois je me demande s’il n’arrivera pas un jour où je choisirai de passer ma retraite chez les Talibans: j’y serais mieux traité que dans un Ehpad. Enfin, les Talibans, j’exagère peut-être un peu, disons le Maroc". Si Houellebecq se voulait drôle, raté.
-"Le premier but de la justice est d’assumer une mission de vengeance". Et de répondre à une question au sujet de la peine de mort. Onfray: "admettons qu’on décapite la personne qui a tué la personne que vous aimiez. Il se passe quoi le lendemain?". Houellebecq: "je vais quand même un peu mieux. Je sais que le coupable est mort. Ça rétablit un équilibre." Malaise, au moins, face à cette glorification du "oeil pour œil". Puis malaises à répétition quand le néo-couple Onfray-Houellebecq s’empare des sujets chauds, incandescents, ceux qui divisent et déchirent la société française.
Comment ne pas évoquer une fois encore leur névrose anti-européenne accouplée à un anti-américanisme rabique qui ne font qu’un pour ces deux "grands" esprits. Chez Onfray, suinte une haine sans mesure ni retenue: "l’Union européenne est une machine à broyer les nations, une machine de guerre américaine. En 44, les Américains ont voulu s’imposer en France. Ils ont débarqué en Normandie avec un projet D’OCCUPATION [ lire et relire: un projet d’occupation américaine succédant à l’occupation nazie]. À partir de 83, Mitterrand puis tous ceux qui lui ont succédé à l’Élysée ont tout fait pour aider les Américains. Résultat, nous sommes effectivement gouvernés par une logique de vassalisation." Dites Europe et les deux compères joue la même partition- Onfray: "Vous aussi, vous êtes contre toute Europe." Houellebecq: "Ah oui, complètement." Onfray: "On est donc jumeaux." On les laisse volontiers ensemble.
Le pire, pourtant, reste à venir, l’échange sur le "grand remplacement"- "pas une théorie, d’après Houellebecq, un fait, une évidence statistique." Il y a d’ailleurs une conséquence inéluctable à ce "grand remplacement": la guerre civile à venir en raison de l’invasion musulmane. Éric Zemmour, même lui, n’oserait sans doute pas proférer autant de violences, d’appels à ce que les Français s’entretuent en si peu de mots, c’est dire…
Citation de Houellebecq: "Des gens s’arment. Ils se procurent des fusils, prennent des cours dans les stands de tir. Et ce ne sont pas des têtes brûlées. Quand des territoires entiers seront sous contrôle islamique, je pense que des actes de résistance auront lieu. Il y aura des attentats et des fusillades dans des mosquées, dans des cafés fréquentés par les les musulmans, bref des Bataclan à l’envers." Des attentats, des massacres "à l’envers", sans la moindre appel à la retenue, à l’apaisement, au refus de la violence. Un brûlot meurtrier proféré par un écrivain lu et écouté par des centaines de milliers de lecteurs. L’irresponsabilité- le mot est faible- à son apogée. Même Éric Zemmour n’a jamais osé proférer un tel appel à ce que des Français s’entretuent. Et Houellebecq poursuit sa descente aux enfers: "Le souhait de la population française de souche, comme on dit, ce n’est pas que les musulmans s’assimilent, mais qu’ils cessent de les voler et de les agresser. Ou bien, autre solution, qu’ils s’en aillent." "Les" musulmans "volent et agressent", "les" musulmans, non pas "des" musulmans. Donc tous les musulmans "voleurs et agresseurs" par nature et vocation. Quel autre mot utiliser qu’abjection?
Rien dans cette horrifique description ne perturbe Onfray. Rien. Au contraire, il en rajoute: "Vous, vous pensez que la guerre civile est à venir. Moi, je pense qu’elle est déjà là, à bas bruit. Tous les jours, des gens se font tabasser, rouler dessus par des scooters. Avec des bandes de six ou sept gamins qui agressent à coups de marteau." Une fois dressé ce tableau de l’apocalypse, Onfray serine, en vieux décliniste qu’il est devenu, que nous avons "perdu." Parce que nous sommes des lâches "préférant vivre soumis plutôt que de mourir libres et triomphants." Et de dénoncer une fois encore… le président de la république: "Macron, lui, a décidé qu’à nos ennemis [les islamistes] on leur dirait à chaque fois merci, s’il vous plait, pardon" Mais où Onfray a-t-il dégoté cela?
On pourrait prendre cet échange à la rigolade. Ou pourrait choisir de l’ignorer, de ne pas pas relever ce fatras d’insanités, de ne pas s’infliger le pensum d’une telle lecture en effet dégradante. On pourrait légitimement s’interroger: faut-il contribuer à accorder du retentissement à ce brûlot souvent nauséabond? En réalité, nous n’avons pas le choix, oui il faut traiter de cette "chose", de ce magma informe, car Onfray et Houellebecq utilisent à fond leur prestige culturel et leur influence idéologique. Les colonnes du Figaro, du Point et de Valeurs Actuelles leurs sont en permanence offertes, ils sont écoutés par une opinion publique de droite en voie de radicalisation. Et ces deux là la poussent au plus loin, au pire, jusqu’à la déraison et la haine.
Michel Onfray et Michel Houellebecq ne pensent ni bien ni mal, ni pensée unique ni pensée nouvelle. Ils pensent sale. C’est cela qui est navrant.
Il faut être un sacré farceur pour faire croire aux Martiniquais qu'un deuxième Cuba est possible Lire la suite
...toute la "classe politique" (qui n’est d’ailleurs pas une "classe sociale") sur le même plan ? Lire la suite
...ou ka trouvé tout diks-li, òben yo ka viré enprimé tou sa i fè-a vitman présé! Lire la suite
...À une époque pas si lointaine, l’adjectif qualificatif "national" était fréquemment utilisé po Lire la suite
ce sera très drôle! Lire la suite
Commentaires
Oui, il faut "traiter de ce magma"... Pourquoi ?
Frédéric C.
04/12/2022 - 14:42
Tout simplement parce qu'il faut le dénoncer, donc le décortiquer pour le passer au peigne fin et réfuter de façon convaincante et abordable par l'homme de la rue. Ces deux là sont des "intellectuels organiques" de l'extrême-droite. Pour les combattre il faut les connaître, même si ça donne envie de vomir. D'autres "intellectuels organiques" d'extrême droite s'inviteront dans le débat public sur d'autres thématiques : armée, sécurité, culture... Ce travail de réfutation systématique des arguments du FN a très peu été fait. Cette passivité théorique et idéologique a contribué à la montée progressive des néofascistes en France, notamment dans les milieux populaires... Si on veut que ces gens-là arrivent au pouvoir, continuons à nous contenter de les dénoncer comme "fascistes" sans aller plus loin. Ce mot là ne fait même plus peur, n'est plus dissuasif...
Un oubli...
Frédéric C.
05/12/2022 - 16:18
.... Parmi les thématiques extrême-droitières qui s'inviteront de plus en plus dans le débat public, j'oubliais: 1)la thématique et la rhétorique racistes mélanophobes: anti-nègres, anti-maghrébins (dites "anti-Arabes), anti-asiatique (l'anti-Chinoise s'est sur-invitée du fait que le Covid-19 vient de Chine: des attaques physiques de restaurateurs ont déjà eu lieu), anti-Indiens (sous-continent indien au sens large: Dravidiens et non-Dravidiens); 2)Les thématiques nationalistes-racialistes.... C'est ce que faisait le FN à l'époque de JM LePen, avec ou sans B.Mégret... C'est ce que commence à faire, prudemment, le groupe d'Eric Zemmour.... Et quand ces "théories" auront bien pénétré les cerveaux des Francais*, les politiciens et intellectuels nausées pourraient bien, par habile et progressive reptation, dire : "il faut régler ce 'problème' très vite pour que la France redevienne elle-même, donc la débarasser de tous ces métèques. A bas la créolisation ! Il faut 'DÉMÉTISSER' le pays. Nous ne voyons qu'une solution. Et vous ?" On sait depuis 2001 que ce qui paraissait impossible est parfaitement possible. La crise migratoire va s'accentuer. Une accentuation des crises internationales est probable. Des néo-nazis sont élus dans les institutions allemandes et autrichiennes... On peut se demander si, en France, les organisations antifascistes mesurent vraiment le travail qui les attend... En tout cas, les partis politiques classiques continuent de se livrer à leurs petits jeux, comme si tout cela n'était qu'un horizon lointain, et une simple hypothèse parmi beaucoup d'autres. Quelle ignoble "conception" de l'intérêt public, et de celui des générations qui viennent...
*(y compris des coloured people aliénés et acculturés... Ne pas rire SVP : qui aurait dit voici 30 ans que la LePen aurait raflé 60-70% des Suffr Exprimés en Mque, Gpe et Guyane ? ), Pourtant c'est arrivé !)