On ne peut pas ne pas ressentir une certaine gêne lorsqu'on découvre la sculpture symbole des Jeux Olympiques 2024.
Conçue par l'artiste américaine (blanche) Alison Saar, elle représente une femme noire tenant un rameau d'olivier et une flamme dorée assise au milieu de six sièges de tous les continents. L'ensemble est beau, voire même impressionnant. L'idée qu'elle exprime, celle du sport réunissant le "Tout-Monde", selon l'expression d'Edouard Glissant, est exaltante en ces temps où se déchainent les nationalismes de toutes sortes, notamment les plus extrêmes.
Il ne s'agit aucunement de questionner la valeur esthétique de cette statue.
Mais, l'art n'évolue pas hors de la société, il n'est pas neutre, il véhicule l'air du temps, parfois à l'insu de son concepteur. Il exprime souvent l'impensé d'une société et force est de reconnaitre qu'en Occident, l'image du bel athlète grec antique, de l'Appolon d'albâtre, a depuis longtemps cédé la place au bel athlète noir. Cela ne s'est pas fait d'un coup de baguette magique. On se souvient de la colère d'Hitler lorsque le Noir américain Jess Owens remporta le 100m aux Jeux Olympiques de 1936 qui se déroulaient en Allemagne. On se souvient aussi, bien après, du poing ganté de noir et haut levé brandi aux Jeux Olympiques de 1968 à Mexico par les coureurs noirs américains Tommie Smith et John Carlos pour protester contre la ségrégation raciale qui sévissait aux Etats-Unis.
Et puis, il y a eu un changement radical à la fin du 20è siècle. Le sport s'est ouvert aux Noirs et cela de façon si large qu'aujourd'hui 80% des basketeurs de la NBA sont des Noirs alors que ces derniers ne représentent que 14% de la population étasunienne. Les joueur de l'équipe de France de football sont à 75% noirs alors que les Noirs sont à peine 5% de la population française. On ne peut pas ne pas s'interroger sur cette évolution et on ne peut pas ne pas se demander si d'autres domaines ont, eux aussi, été si largement ouverts aux Noirs. Et ce faisant, on ne peut pas ne pas voir que les Noirs sont en nombre infime à la Silicon Valley, à la Nasa, à Harvard, à Polytechnique, à Sciences-Po Paris ou à l'Ecole Normale Supérieure.
En examinant d'autres domaines que le sport, on ne peut pas non plus ne pas remarquer que le système dominant (blanc occidental) a ouvert les portes dans divers autres domaines rassemblés sous le vocable d'entertainment : outre le sport donc, également la musique, le cinéma, le théâtre, la mode, la publicité etc... Les Noirs y figurent bien au-delà de ce qu'ils représentent démographiquement. Dès lors, on ne peut pas non plus ne pas se poser la question de savoir s'il ne s'agirait pas d'un nouveau ghetto, moins visible que celui d'avant la ségrégation raciale mais tout aussi réel. Se poser cette question ne signifie pas du tout y répondre par l'affirmative mais manifester une inquiétude.
Il est vrai que les Noirs eux-mêmes semblent majoritairement ne pas s'en inquiéter et se glorifient même, cela à tout bout de champ, de leurs footballeurs, chanteurs, mannequins de mode ou acteurs de cinéma. Aucun d'eux ne trouvera donc bizarre la, certes belle, sculpture dédiée aux Jeux Olympiques 2024. Certains ne comprendront même pas l'inquiétude évoquée plus haut.
Pour eux, tout va bien dans le meilleur des mondes.
...toute la "classe politique" (qui n’est d’ailleurs pas une "classe sociale") sur le même plan ? Lire la suite
...ou ka trouvé tout diks-li, òben yo ka viré enprimé tou sa i fè-a vitman présé! Lire la suite
...À une époque pas si lointaine, l’adjectif qualificatif "national" était fréquemment utilisé po Lire la suite
ce sera très drôle! Lire la suite
...vous vous bouchez les yeux quand il s'agit d'identifier les VRAIS responsables de la situation Lire la suite
Commentaires
Blanche ?
Tiburce
26/07/2024 - 13:10
L'article précise que l'artiste Alison Saar est "blanche". Quand on regarde la dame sur la photo, on voit effectivement quelqu'un au teint clair.
Ceci étant, la dame est la fille de l'artiste afro-américaine (Betye Saar) et c'est de sa mère qu'elle tient son intérêt pour la diaspora africaine et l'identité féminine noire.