S'il fallait trouver un seul exemple démontrant que la Martinique n'est pas la France, la participation aux différentes élections en serait le plus évident.
En effet, jamais dans l'Hexagone, une élection ne se serait soldée par une participation à hauteur de 25%. JAMAIS ! Si par extraordinaire pareille chose s'était produite, cela aurait entrainé un véritable séisme politique. Or, en Martinique, cela n'a absolument rien d'extraordinaire. D'ailleurs, si le taux de participation est de 25% lors de ces législatives 2024, il était encore pire en 2022 puisqu'il était de 23%. En clair, 75% des électeurs martiniquais boudent les urnes dès l'instant où il s'agit d'un scrutin dit "national" comme les législatives ou d'une élection européenne. Sinon aux municipales et aux territoriales, ce n'est pas non plus la grande foule dans les bureaux de vote même si c'est un peu "moins pire".
Ce désintéressement n'a pas toujours été le cas. Aux grandes heures des Aimé Césaire, Georges Gratiant, Emile Maurice, Michel Renard et..., les meetings électoraux faisaient le plein et finissaient parfois par des rixes graves entre partisans des différents camps. De nos jours, force est de reconnaitre que la chose politique intéresse de moins en moins les Martiniquais et il y a quelque chose d'à la fois comique et pathétique quand on voit exulter et pavoiser des candidats qui ont été élus lors de scrutins au cours desquels à peine 25% des électeurs se sont déplacés. On attendrait d'eux un minimum de décence. En bonne logique en tout cas...
On s'attendrait surtout à ce que les heureux élus, qui sont en réalité des mal élus, s'inquiètent de cette abstention massive, en cherchent les raisons et s'emploient à y remédier. Or, pas du tout ! Une fois arrivés au pouvoir municipal, territorial ou à l'Assemblée nationale, ils feignent d'être des politiciens "normaux" c'est-à-dire élus par au moins 40% de leur électorat. Aucun (e) ne se sent gêné aux entournures de siéger à côté de gens qui ont été élus, en Bourgogne ou en Aquitaine, en Alsace ou en Bretagne, suite à des scrutins dans lesquels le taux de participation a été normal ou décent. Car n'y a-t-il y pas quelque indécence à se présenter comme "député de la Martinique" lorsqu'à peine 25% des électeurs se sont déplacés pour voter pour vous ?
La principale raison de ce désintéressement de l'électorat tient au fait que le système mis en place en 1946 suite à la Loi de Départementalisation est désormais à bout de souffle. Les Martiniquais ont, en effet, tout essayé : la droite assimilationniste, la gauche autonomiste, les indépendantistes et les souverainistes. Or, force leur est de constater que rien n'a changé pour les 30% d'entre eux qui vivent en dessous du seuil de pauvreté et les 35% (smicards pour la plupart) qui peinent à garder la tête hors de l'eau. Quand 65% d'une population tire le diable par la queue et qu'on lui demande de voter pour des gens qui font partie des 35% de privilégiés, pour la plupart en tout cas, on peut comprendre qu'elle préfère s'abstenir. Les beaux discours sur "le devoir électoral du citoyen" n'ont aucun sens pour la majorité de la population qui ne voit pas devant elle et qui est presqu'à sec dès le 10 du mois.
L'abstention ne pourra être combattue que si la vie quotidienne de la population s'améliore.
Les étrangers qui visitent la Martinique ne mesurent pas toute cette souffrance pour deux raisons : la solidarité familiale qui continue d'exister même si elle est de plus en plus battue en brèche, d'une part et la pratique du djob, d'autre part, autrement dit la débrouillardise. Beaucoup de Martiniquais font deux ou trois métiers à la fois pour survivre : maçon et éleveur de bétail ; mécanicien et plombier ; femme de ménage et vendeuse sur les marchés. Cela est évidemment fatigant, épuisant même, chose dont n'ont aucune idée les 35% de la population qui vivent plutôt bien et qui ont parfois le toupet de déclarer que "Neg fenyan".
Jusqu'à quand cette mascarade continuera-t-elle ? Car les grèves générales comme en 2009, les déboulonnements de statues coloniales et les débaptisations de rues, les slogans vengeurs du genre "Bétjé déwò ! Péyi-a sé ta nou, sé pa ta yo !" ou le brandissement de drapeaux rouge-vert-noir ont montré leurs limites. Elles ne sont que d'éphémères éruptions sociales ou socio-économiques, certes parfaitement justifiées ou en tout cas compréhensibles, mais qui n'ont pas le pouvoir d'ébranler le système. En fait, la véritable remise en question de ce dernier ne pourrait provenir que d'un sursaut des 35% de priviliégiés, pas des "malheureux" qui reçoivent des salaires plus que modestes ou touchent des retraites misérables de 300 euros par mois. Affirmer pareille chose va à l'encontre de la doxa politico-syndicale martiniquaise qui est persuadée que ce qu'elle appelle "les masses populaires" pourront changer les choses. Comme si on était encore en 1789 ou en 1917 ! Affirmer pareille chose c'est aussi s'exposer à être traité de réactionnaire alors que "les lendemains qui chantent" ont démontré à travers la planète entière qu'ils ont toujours abouti à des impasses. Car enfin, si ces "révolutions" avaient le pouvoir de donner le pouvoir au prolétariat, comme se fait-il qu'il y ait des oligarques en Russie et des milliardaires en Chine ? Pays qui ont d'ailleurs abandonné le communisme pour le capitalisme d'Etat guère meilleur que le capitalisme classique ou occidental.
Notre bourgeoisie, petite et moyenne (pas la grande, majoritairement composée de Békés blancs et de Békés noirs, mulâtres, indiens, chinois etc.), est la seule à pouvoir changer les choses. Et comment ? Par une prise de conscience. Une simple prise de conscience : si la situation actuelle perdure, les Martiniquais__et donc elle__n'existera plus d'ici 2050. L'identité martiniquaise, tout ce qui fait de nous ce que nous sommes, sera effacé. Il ne s'agit pas du tout pour elle d'entonner le discours anti-Blanc, la rengaine du génocide par substitution. La France n'est pas notre ennemie ni les Blancs non plus. Nous voulons persévérer dans notre être, c'est tout ! Demeurer ce que nous sommes et non devenir des Européens noirs ou basanés. Rien d'autre ! Est-ce que Barbade est l'ennemie de l'Angleterre ? Saint-Domingue l'ennemie de l'Espagne ? Surinam l'ennemie de la Hollande ? Haïti l'ennemie de la France NON !
Notre combat n'a absolument rien de racial et les discours noiristes ne mènent à rien.
Alors, bien sûr, persévérer dans notre être demandera des sacrifices, elle entrainera une baisse de notre niveau de vie, elle exigera de nous des efforts considérables puisque nous ne pourront plus compter sur Maman la France et Papa l'Europe, mais il y a des dizaines, voire des centaines de pays à travers le monde qui pourront nous épauler de manière moins humiliante et moins destructrice pour notre notre être-au-monde. Sans compter que l'aide franco-européenne ne disparaitra pas complètement puisque toutes les ex-colonies continuent à en bénéficier.
Si nous voulons continuer à être des Martiniquais, il faudra donc que la petite et la moyenne bourgeoisie se résolvent à prendre notre problème à bras le corps au lieu de le déléguer à une puissance de tutelle. Il nous faudra suivre le chemin qu'ont pris la Barbade, les Seychelles ou l'île Maurice, pays de taille et de populations similaires aux nôtres.
Autrement, nous finirons comme Hawaï !
...toute la "classe politique" (qui n’est d’ailleurs pas une "classe sociale") sur le même plan ? Lire la suite
...ou ka trouvé tout diks-li, òben yo ka viré enprimé tou sa i fè-a vitman présé! Lire la suite
...À une époque pas si lointaine, l’adjectif qualificatif "national" était fréquemment utilisé po Lire la suite
ce sera très drôle! Lire la suite
...vous vous bouchez les yeux quand il s'agit d'identifier les VRAIS responsables de la situation Lire la suite