FONDAS KREYOL est un site-web (journal en ligne) qui ne vit pas de la publicité capitaliste comme la totalité de ses confrères antillais ni de subventions publiques, mais uniquement de l'aide émanant de ses rédacteurs (trices) et surtout amis (es). Celles et ceux qui souhaiteraient nous aider peuvent prendre contact avec nous à l'adresse-mail ci-après : montraykreyol@gmail.com
La seule "ligne" qui est la nôtre est celle de la libre expression de nos collaborateurs et collaboratrices, sachant que nous publions toutes les opinions (de la droite assimilationniste à l'extrême-gauche "indépendantiste") et cela depuis le prédécesseur de FONDAS KREYOL à savoir MONTRAY KREYOL lequel a duré 15 ans et redémarrera un jour ou l'autre. FONDAS KREYOL, lui, a 4 ans d'existence.
Tout cela pour dire à nos lecteurs et lectrices que les articles publiés sur notre site n'engagent que leurs rédacteurs et rédactrices, pas le site-web en tant que tel...
On mesure l’importance d’un artiste au fait que ses œuvres parviennent à toucher ceux d’entre nous qui n’ont pas la fibre artistique ou, plus exactement, qui ne portent pas d’intérêt à son domaine artistique particulier. On connaît ainsi des gens qui lisent très peu, mais qu’un livre ou deux a marqué pour la vie et qui les lisent et relisent sans cesse. Il en va de même pour la musique. Il y a des gens comme moi qui n’y connaissent absolument rien, mais qui un jour, par hasard, on entendu un son ou une voix qui les a comme tétanisés. Le jour où j’ai entendu pour la première fois «Rev an mwen» de Patrick St-Éloi (comme celui où j’ai entendu «Siwo» de Jocelyne Beroard), j’ai eu le sentiment de pénétrer, comme par effraction, dans une dimension qui jusque là m’était inconnue, voire interdite. On ne guérit pas, en effet, de cette infirmité qui s’appelle, je crois, l’absence d’oreille musicale.
Il y avait d’abord cette profonde tendresse que St-Éloi savait imprimer à notre langue matricielle, le créole, laquelle, il faut bien l’avouer, marquée par les siècles de brutalité esclavagiste, en a toujours manqué. Qu’on le veuille ou non, le créole fut longtemps, l’idiome de la résistance, du cri, de l’exhortation comme dans le «gwo-ka» ou le «bèlè» ou, à l’inverse, celle de la grivoiserie, de l’insouciance ou de la (feinte) gaieté comme dans nos vieilles biguines du temps-longtemps. St-Éloi, Joslin, Marthély, Jacob Desvarieux et tous ceux de Kassav ont permis au créole de pénétrer dans un nouveau territoire: celui de la tendresse créole. On comprend mieux pourquoi le public féminin de St-Éloi était si nombreux et si demandeur de ses mots qui, sans doute, réveillaient en elles ce besoin d’amour vrai qu’hélas, nous les hommes antillais, savons fort peu leur donner. Je l’ai compris lors d’un concert à l’Atrium, il y a deux ans, quand j’ai vu jeunes filles, jeunes femmes et femmes d’âge mur se lever comme un seul…homme (même la langue nous piège) pour accompagner le zouk-lover. Chanter, se balancer, taper des mains, crier même parfois. Bien entendu, je fus incapable de me joindre à elles et suis demeuré engoncé dans mon siège.
St-Éloi avait aussi le souci des textes bien écrits, des images qui plongent dans l’imaginaire antillais, à l’inverse de la foultitude de ses imitateurs et autres épigones qui se contentent de bêler «Kè an mwen ka fè mwen mal». Le mal d’amour qu’il chantait n’avait rien à voir avec les petits «lenbé» ou les insignifiants «gwo-pwel» qui parsèment la vie de chacun d’entre nous et qui ne portent pas à conséquence. Derrière la peine de cœur, il y avait dans les textes de St-Eloi, la souffrance d’un pays, la colère sourde d’un peuple, le vouloir-exister d’une culture que le Maître a toujours méprisée et qu’il nous a malheureusement appris à mépriser à notre tour.
Nous avons mis du temps à le comprendre. Soyons honnêtes! Beaucoup d’entre nous, surtout parmi les militants nationalistes, avons été au départ contrariés (pour ne pas dire révulsés) par la chanson-fétiche de Kassav: «Zouk-la sé sel médikaman nou ni». Nous étions sensibles à la beauté de cette chanson, à son rythme extraordinaire tout en étant perplexes face au message qu’il semblait transmettre: celui de la résignation. Hormis le zouk, point de salut, avions nous compris à l’époque. Avec le temps, grâce àSt-Éloi, à Béroard et aux autres, nous avons fini par réaliser que nous nous trompions sur toute la ligne. Cette phrase ne signifiait pas que nous devions cesser de lutter et nous complaire dans la seule musique, en l’occurrence le zouk, mais tout au contraire que ce dernier était le remède qui nous permettrait de retrouver l’estime de nous-mêmes. Le zouk nous donnait une force intérieure qui nous renforçait dans le combat que nous menions contre l’indignité et l’ignominie du système en place. St-Éloi nous entraînait à être nous-mêmes, à devenir nous-mêmes, c’est-à-dire Créoles, fils et filles d’un peuple mis à genoux, d’une langue et d’une culture sans cesse bafouées.
On comprend, là encore, pourquoi le succès de Kassav fut international et non pas simplement antillais ou hexagonal. Voir des Japonais se trémousser dans un concert alors même que leur identité est aux antipodes de la nôtre, les voir reprendre en chœur les chansons en créoles de St-Eloi et des autres, langue qu’ils ne comprennent bien entendu pas, n’est pas anodin. Tout œuvre d’art qui porte en elle la vérité de son peuple est forcément universelle: vase chinois de l’époque des Ming, statuette congolaise, masque rituel papou, tissage amérindien, fado portugais, flamenco andalou, «Don Quichotte», le Ramayana indien, légendes scandinaves etc.
Patrick St-Éloi s’est rapproché des étoiles. Il vit désormais parmi ses semblables. À nous, il a laissé, une intonation, un phrasé, des vocables qui continueront longtemps, très longtemps, à nous enchanter et surtout à nous rappeler qui nous sommes à l’heure où, toute honte bue, nous nous enfonçons de manière inexorable dans cette fausse modernité qui, à terme, nous conduira à la disparition pure et simple en tant que peuple.
Raphaël Confiant
18. Septembre 2010
Le Centre des Arts et de la Culture de Pointe-à-Pitre présente ses sincères condoléances à la famille de Patrick Saint-Eloi et il s’associe à la tristesse des Guadeloupéens, face au deuil qui les touche tous aujourd’hui.
Outre le fait d’avoir perdu l’un de nos artistes les plus talentueux, à la fois comme auteur, compositeur, chanteur et musicien, c’est un homme aux qualités rares qui nous a quitté: humilité, simplicité, gentillesse, générosité, c’est l’image qui restera gravée dans notre mémoire de cet être d’exception. Il entre dans la légende des musiciens majeurs ayant marqué l’histoire du Centre des Arts comme l’un de ceux qui auront apporté à notre salle et à son public du pur bonheur et de l’émotion partagée.
Qu’il repose en paix, il ne cessera pas de vivre dans nos cœurs.
Claude Kiavué
Directeur du Centre des Arts et de la Culture de Pointe-à-Pitre
L'Artchipel, Scène Nationale de la Guadeloupe profondément attristée par le décès de Patrick Saint-Eloi s'associe au deuil de sa famille et rend un profond et sincère hommage à ce grand artiste dont le talent n'a d'égal que sa simplicité, son humilité et sa grande générosité.
René PHILOGENE
Président du Conseil d’Administration de L’Artchipel, Scène nationale de la Guadeloupe
Pour Patrick Saint-Éloi
Gérard DELVER - Patrick CHAMOISEAU
Flamboyant (Delonix regia). Photo faite en Guadeloupe le 13 avril 2010 pendant un jour nuageux.
.
Il y a d’abord le respect dont il faisait preuve à l’égard de tous.
Puis sa bonté.
Puis sa simplicité.
Puis cette humilité qui faisait partie de son talent, en intensité, en force et en fragilité.
Il y a encore, l’absence de renoncement, ou de désengagement, dans une vie qu’il a voulu mener en solitaire pour mieux être solidaire.
Ce qui nous reste, c’est cette célébration constante de sa terre, de son pays et de son peuple. C’est son inclinaison naturelle à associer aux rythmiques de Guadeloupe, de Martinique et de Guyane, les mélodies et harmonies de toute la Caraïbe et des autres faces du monde; comme si, dessus la base féconde de la polyrythmie du zouk, pouvait se capter et se vivre au mieux ce que nous sommes: des identités enracinées mais ouvertes, opaques mais tellement claires d’amour, de danse, d’amitié, de la joie et de la douleur du vivre…
Ce qui nous reste, c’est cette langue créole menée vers les intensités de la douceur la plus extrême, exaltée dans les célébrations du sentiment, forcée d’accorder son éclat aux labyrinthes des vieux lenbé.
Ce qui nous reste, c’est la langue créole soudain capable d’exprimer ce que les hommes d’ici savent si peu exprimer: le désarroi, la tendresse, la mélancolie, notre fragilité en face des grands soleils de l’émotion, et de la puissance des femmes.
Nous reconnaissons-là, au cœur même du créole, de sa culture et de sa langue, un tressaillement lyrique considérable. Mieux qu’une réussite: une source singulière qui fera de son passage parmi nous un événement aussi impérissable qu’une floraison de flamboyants.
Patrick St Éloi nous a chanté la vie.
Et de savoir que nous ne le verrons plus danser avec nous, parmi nous, fait partie de ces peines sans remèdes qu’il avait su nous faire chanter.
Gérard DELVER
Patrick CHAMOISEAU
18.09.2010
...ces salopards de sionistes d’ExtrDte sont capables de tout... Lire la suite
Si t'as rien à faire de ta vie que d'éructer des âneries dans la rubrique "Commentaires" d'un sit Lire la suite
..."givré"? Il doit être à 37 degrés, logiquement, non? Lire la suite
La même personne qui il y a peu exigeait que les commentateurs de ce site rédigent des commentai Lire la suite
...les contradictions et les débats vous gênent? Tant pis... On est d’accord sur le fond !!!... Lire la suite