Une chaîne de télé en Martinique s'est fait une spécialité : dénigrer les Guadeloupéens dans une émission pseudo-humoristique hebdomadaire. Les financeurs publics ou plutôt subventionneurs n'y ont jamais trouvé rien à redire.
De même, sur une autre chaîne de télé, la République Dominicaine est présentée régulièrement et cela depuis des années, comme la grande responsable des malheurs d'Haïti. Qu'il y ait de la xénophobie et du racisme au pays de feu-Trujillo, oui ! Que des exactions innommables aient pu se produire et continuent de se produire à l'encontre des migrants haïtiens, oui ! Que nombre de ces derniers soient exploités dans les plantations de canne à sucre, oui !
Oui, mais...
Mais n'est-ce pas le cas de tous les migrants à travers le monde ? L'Europe, par exemple, laisse des milliers de Subsahariens se noyer en Méditerranée sans que cela émeuve quiconque. Les Etats-Unis érigent un mur à la frontière du Mexique et les migrants sud-américains sont traités comme des sous-hommes. On pourrait multiplier, hélas, les exemples. Le plus scandaleux datant de 1948 lorsque tout un peuple, les Palestiniens, fut chassé de son pays pour y faire la place à un nouvel Etat, Israël, où ont trouvé refuge les descendants des victimes du nazisme et de l'antisémitisme européen. Pas seulement de l'Allemagne hitlérienne ! Chacun sait très bien qu'en Pologne, en Lettonie, en Lituanie etc..., on a profité de la guerre pour exterminer la population juive laquelle était déjà parquée dans des ghettos. Depuis près de trois-quarts de siècle, le peuple palestinien croupit dans des camps de réfugiés et les descendants des victimes du nazisme se comportent à leur endroit de la façon la plus odieuse :
Cela gène-t-il quelqu'un ? Non puisque l'ONU a déjà voté près de 240 résolutions demandant à Israël de respecter le peuple palestinien, résolutions qui n'ont jamais eu le moindre effet.
Revenons à notre Caraïbe et donc à Haïti et à la République Dominicaine. Est-il sérieux qu'une chaîne de télé martiniquaise passe son temps depuis des années à accabler les Dominicains et à rendre ces derniers responsables des malheurs d'Haïti ? Il n'est pourtant pas besoin d'avoir un doctorat en histoire pour identifier les causes profondes, les causes premières desdits malheurs. Ceux-ci sont au nombre de 5 :
. à l'indépendance d'Haïti, au début du 19è siècle, les puissances coloniales européennes (France, Espagne, Angleterre) et les Etats-Unis ont organisé le tout premier blocus dans notre région (bien avant celui qui frappe Cuba aujourd'hui) à l'encontre la Première République Noire. Refus total de commercer avec elle, ce qui, à une époque où le pétrole n'avait pas encore été découvert et où le charbon de terre était le principal combustible a provoqué une véritable catastrophe écologique : les Haïtiens furent forcés de se tourner vers le charbon de bois, rasant petit à petit leurs magnifiques forêts qui, comme l'écrit Christophe Colomb dans son journal de bord, l'avait émerveillé. Pas besoin d'avoir un doctorat en agronomie pour savoir qu'en climat tropical, la couche de terre est assez mince et qu'il suffit de déboiser un morne pour qu'au moindre cyclone, celui-ci devienne chauve. Par contre, en climat tempéré, il faut parfois creuser la terre jusqu'à 1m pour pouvoir atteindre la roche. Lors de la construction de Disneyland Paris, il a même fallu descendre à 1,50m !
. en 1825, le roi de France, Charles X imposa à Haïti une soi-disant dette d'un montant exorbitant de 150 millions de franc-or que le nouvel état s'employa à "rembourser" durant tout le 19è siècle et dont les traites annuelles équivalaient à 40% de son budget national. Somme que les Haïtiens auraient pu utiliser pour construire des écoles, des hôpitaux, des routes etc... "Dette" qu'Haïti ne finit de rembourser qu'en... 1950 à cause des intérêts. Et quand, en 2004, le président Aristide réclama le remboursement de ce qui fut une véritable rançon, la France, s'y opposa tout net. Et cela jusqu'à aujourd'hui ! Or, 150 millions de franc-or correspondent à 240 milliards de dollars actuels.
. en 1915, les Etats-Unis ont occupé Haïti au prétexte de l'instabilité politique chronique et y ont imposé un régime féroce qui a obligé les Haïtiens à mener une deuxième guerre de libération nationale laquelle, une fois de plus, fut victorieuse mais qui causa des dégâts considérables dans leurs pays. Depuis lors, les griffes de l'Oncle Sam n'ont jamais cessé d'étrangler le pays de Toussaint-Louverture et de Dessalines !
https://www.herodote.net/28_juillet_1915-evenement-19150728.php
. Après l'assassinat de Dessalines, le premier chef d'état d'Haïti en 1806, la bourgeoisie mulâtre, puis plus tard germano-syro-libanaise et enfin noire (à partir du régime des Duvalier) s'employa à mettre le pays en coupe réglée. Aujourd'hui, ces trois ethno-groupes continuent imperturbablement soit à tour de rôle soit en s'acoquinant, cela avec la complicité objective des grandes puissances, à exploiter le peuple haïtien.
https://www.facebook.com/watch/?v=1092634427517403
. depuis les années 2000, Haïti est la proie de gangs armés qui passent leur temps à kidnapper des gens et à réclamer des rançons. Cela est indubitablement lié au trafic de drogue en relation avec des cartels sud-américains et Saint-Domingue n'y est pour rien. D'ailleurs, ce sont des mercenaires colombiens et pas dominicains qui ont assassiné le président Jovenel Moïse. Il est par conséquent compréhensible que le gouvernement dominicain cherche à protéger son pays d'une éventuelle contagion mafieuse.
On le voit donc : accabler à intervalles réguliers la République Dominicaine comme le fait cette chaîne de télévision martiniquaise relève purement et simplement de la malhonnêteté intellectuelle. Oui, Santo-Domingo se comporte de manière inacceptable avec les migrants haïtiens mais il n'est pas responsable de la misère et du désastre haïtiens. Pointer du doigt les seuls Dominicains sans jamais faire référence aux racines de cette misère et de désastre est parfaitement inadmissible.
A quand des émissions sur la "dette" de 150 millions de franc-or extorquée par la France ? Sur l'occupation américaine et ses conséquences catastrophiques ? Sur le "déchoukage" du président Aristide ? Sur la scélératesse de la bourgeoisie mulâtro-germano-syro-libano-nègre ? Les connexions d'une partie de cette dernière avec les cartels de la drogue sud-américains ?
A QUAND ?
Il faut être un sacré farceur pour faire croire aux Martiniquais qu'un deuxième Cuba est possible Lire la suite
...toute la "classe politique" (qui n’est d’ailleurs pas une "classe sociale") sur le même plan ? Lire la suite
...ou ka trouvé tout diks-li, òben yo ka viré enprimé tou sa i fè-a vitman présé! Lire la suite
...À une époque pas si lointaine, l’adjectif qualificatif "national" était fréquemment utilisé po Lire la suite
ce sera très drôle! Lire la suite
Commentaires
Deux pays deux histoires.
OuiNon
31/01/2023 - 12:44
Les histoires des deux pays sont très différentes.
D'abord espagnole, après la conquête de Christophe Colomb, Hispaniola a vu débarquer des corsaires et pirates français sur l'île de la Tortue, lesquels attaquaient les galions en route vers l'Espagne depuis le Mexique et le Pérou. Ces marins se ravitaillaient auprès des Espagnols de l'île ! Pour les en empêcher, Madrid prit une décision étonnante : évacuer toute la partie occidentale d'Hispaniola, bêtes et gens. De fait, les corsaires et pirates français ne purent plus commercer avec les Espagnols de l'île mais ils s'y installèrent peu à peu, dans ce qui était devenu un paradis pour les cochons sauvages. L'Espagne, pays sous-peuplé (après l'expulsion des Musulmans et des Juifs), occupée à exploiter le Mexique et le Pérou, n'eut pas les moyens de chasser les Français. La partition de l'île fut actée entre la France et l'Espagne sous Louis XIV. N'empêche, les Français et leurs successeurs furent dès lors considérés comme des intrus.
La France transforma vite sa colonie en une invraisemblable usine à sucre, essentiellement peuplée d'esclaves d'origine africaine. A la Révolution, il y avait 90% d'esclaves et 10% de libres, dont 5% de blancs et 5% de métis. En revanche, l'Espagne n'a pas investi dans sa colonie, qui demeura très pauvre et sous-peuplée : les Espagnols partirent en Amérique du Sud et à Cuba, l'importation d'esclaves était inutile. A la Révolution française, on y comptait environ 10% d'esclaves et 90% de libres, presque tous métissés. La libération des esclaves dans la partie française y fut un événement considérable, tandis que l'enjeu à Santo Domingo était bien moindre. C'est la peur qui prévalut devant les désordres révolutionnaires de voisins puissants et turbulents.
Ce n'était pas sans raisons. Toussaint Louverture, alors gouverneur de la colonie française, envahit la partie espagnole. C'est l'intervention du corps expéditionnaire du Consulat qui l'en chassa. Après l'indépendance d'Haïti, il y eut une attaque avortée de Dessalines, puis une longue occupation par président Boyer, qui réunifia l'île. La chute de Boyer entraîna le départ des Haïtiens de la partie espagnole, avec l'émergence du héros dominicain Juan Pablo Duarte. La fête nationale dominicaine commémore cette indépendance du pays vis-à-vis des Haïtiens !
Mais les Haïtiens ont lancé d'autres offensives, en 1845, 1849, 1855, 1856, avec des saccages lors des retraites. Il en est résulté un profond ressentiment anti-haïtien du côté dominicain.
L'occupation américaine, qui toucha à la fois Haïti et la République dominicaine, eut une conséquence importante : les Américains développèrent l'industrie du sucre en République dominicaine, mais avec de la main d'oeuvre haïtienne, moins chère. C'est de cette époque que date les allers-retours de travailleurs haïtiens en République dominicaine, dont se sont enrichis les Duvalier et Trujillo, qui racheta les intérêts américains.
C'est sous ces dictateurs que la République dominicaine surpassa Haïti, ce qui n'a fait que s'accentuer depuis. D'abord inquiète d'un voisin plus puissant, la République dominicaine est aujourd'hui confrontée à ce même voisin mais en pleine déliquescence, dont la population émigre partout où elle le peut, et tente sans cesse de franchir la frontière commune.
Or la République dominicaine est un pays toujours pauvre, qui s'extrait petit à petit des régimes autoritaires et de la corruption, et qui ne peut accueillir un surplus de pauvreté.