Depuis des décennies, Paris organise sans cesse des rencontres sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Conférences, comités des signataires, séminaires et autres tables rondes se succèdent, avec toujours les mêmes acteurs et les mêmes formules : “trouver un compromis“, “respecter toutes les sensibilités“, “bâtir un avenir consensuel” dans un “destin commun“. Depuis l’accord de Matignon en 1988 jusqu’à l’accord de Nouméa en 1998, puis au cycle référendaire entre 2018 et 2021, les discours se ressemblent, les poignées de main se succèdent, mais la réalité ne change pas : les positions sont inconciliables.
Et pendant que les élus et les hauts responsables politiques gesticulent, l’administration, elle, s’organise. Le décalage entre le pouvoir politique et l’État profond est aujourd’hui flagrant. D’un côté, Bayrou, Barnier, Valls, Larcher, Darmanin, Braun-Pivet et consorts continuent de vanter la “souveraineté partagée“, le “dialogue indispensable” et le “destin commun“. De l’autre, les hauts fonctionnaires, eux, se préparent à une nouvelle insurrection kanak, sans même prendre la peine de justifier leurs actes par des discours creux. Sébastien Lecornu, en charge du dossier calédonien sous Jean Castex, semble avoir basculé du côté de cet État profond, tandis que ses successeurs au ministère des outremers passent et disparaissent comme des ombres en déclamant les mêmes platitudes. Louis Le Franc, actuel Haut-commissaire, ne mentionne presque plus jamais le gouvernement central dans ses interventions médiatiques. Il ne cite ni Macron, ni Darmanin, ni Attal, ni Barnier, ni Bayrou. Et pour cause : les ministères changent tous les six mois et ceux qui restent en fonction n’ont rien à dire sur la réalité sécuritaire du territoire.
D’un côté, des discours ; de l’autre, une préparation militaire et diplomatique
Les dernières déclarations du Haut-commissaire au micro de RRB suffisent à comprendre ce décalage. Le déploiement de 2 000 gendarmes, la présence du GIGN, la préparation de renforts en 72 heures, les transferts de prisonniers en métropole et le maintien d’une force de dissuasion dans le Grand Nouméa montrent une administration qui n’attend plus d’instructions politiques. Elle agit. Elle applique des stratégies qui contredisent totalement les discours de Paris, à savoir se tenir prêt à défendre les populations calédoniennes d’une autre insurrection. Mais, ce n’est pas tout. La diplomatie française, elle aussi, suit une ligne différente du bavardage institutionnel. Tandis que les émissaires du gouvernement enchaînent les formules creuses à Paris et Nouméa, le ministère des Armées renforce ses coopérations stratégiques dans la région. Accords de défense avec l’Australie, relations renforcées avec l’Inde et les États-Unis, déploiement de forces navales dans le Pacifique, rapprochement avec l’Indonésie : la France ne peut pas perdre la Nouvelle-Calédonie, non pas à cause de ses engagements envers les signataires des accords, mais parce qu’elle est un pivot essentiel dans le jeu géopolitique du XXIe siècle. Pendant que les vieux leaders kanaks ressassent leurs discours de décolonisation, l’administration française travaille avec ses alliés à contenir la Chine et à maintenir sa présence dans la région. Que pèsent vraiment les revendications d’un FLNKS divisé et radicalisé face aux intérêts stratégiques d’une puissance mondiale ?
Le double discours de la République
L’une des critiques récurrentes adressées aux dirigeants du FLNKS est leur double discours : celui, diplomatique, prononcé à Paris ou devant les médias, et celui, radical, tenu devant leur base militante, Roch Wamytan en tête. Mais la vérité est que la République pratique exactement la même hypocrisie. D’un côté, elle prétend rechercher un “accord” et une “solution de consensus” ; de l’autre, elle renforce ses dispositifs militaires, sécuritaires et diplomatiques pour éviter tout basculement vers l’indépendance. Pourquoi cette hypocrisie ? Parce que les dirigeants Français actuels pensent qu’ils ne peuvent pas dire ouvertement ce que fait la République : elle protège ses intérêts et ceux de ses concitoyens en Nouvelle-Calédonie. Tout « Républicain » sait parfaitement que son modèle civilisationnel (démocratie, droit de vote, état de droit, liberté d’expression, droit de propriété, etc) est inconciliable avec la logique nationaliste kanak, qui repose sur une conception ethnique et coutumière du pouvoir. La Nouvelle-Calédonie n’est plus seulement une question locale, elle devient, comme durant le siècle dernier, un point névralgique dans l’affrontement sino-américain. Dans cette configuration, l’indépendance kanak, déjà illusoire par manque de moyens, devient une aberration stratégique. Et la France, sans jamais le dire ouvertement, démontre par ses actes qu’elle ne la laissera pas se réaliser.
Conclusion : assumer la réalité ?
Alors que des “délégations” d’élus locaux se rendent à Paris, encore une fois, et que chacun sait ce qu’il en sortira (= yaurarien), il serait peut-être temps que la République assume ce qu’elle est et ce qu’elle fait. Assez d’illusions sur un “accord” impossible à atteindre. Assez de faux dialogues et de simulacres de négociation. La haute administration française a pris ses responsabilités : elle s’est préparée, elle a sécurisé le territoire, elle a renforcé ses alliances régionales. La justice continue jour après jour ses investigations et ses interpellations. Le pouvoir politique, lui, doit arrêter de faire semblant et de jouer la comédie. La Nouvelle-Calédonie ne sera pas indépendante, non pas parce que des ministres l’ont décidé ainsi dans un salon parisien, mais simplement parce que la raison du plus fort est toujours la meilleure*. Preuve en est que l’État profond a déjà verrouillé le terrain.
Ce que l’on reproche au FLNKS — dire une chose en public et en penser une autre en réalité —, les élus de la République le pratiquent tout autant. Mais il arrive un moment où les discours ne suffisent plus. Il faut choisir entre l’illusion et la vérité. Et la vérité, c’est que la France, avec ou sans le consentement de son gouvernement éphémère, a déjà fait son choix.
* C’est ce concept que La Fontaine nous expliquait brillamment, il y a plus de 350 ans, que les dirigeants politiques actuels ne veulent pas accepter. Car il impose une logique de courage, de puissance et d’efforts. Or, nos élites progressistes sont majoritairement lâches, faibles et pusillanimes. CQFD.
1) On aura beau dénoncer en permanence les manifestations du racisme occidental comme vous le fa Lire la suite
Débattre c'est comme faire l'amour avec sa copine. Lire la suite
Oui, quand Kadhafi avait décidé de créer une monnaie pour toute l'Afrique, ce jour-là, l'Occident Lire la suite
Alors j'ai lu et relu votre commentaire et il semble totalement hors sujet. Lire la suite
Au moment où je tombe sur cet article, je découvre que tout en bas, il n'a que 26 vues. Lire la suite