Comment faire comprendre aux Antillais que le créole dispose de tout le lexique lui permettant d'exprimer la totalité du réel sauf dans un seul domaine, la Science ?
Nous disons bien "la Science" et non "la Technologie" car cette dernière existe et a toujours existé partout à travers le monde, chez tous les peuples. Un igloo c'est de la technologie et c'est grâce à cette dernière que les Inuits (/Eskimos) ont pu vivre pendant des millénaires par -40°. Par contre, avant leur contact avec les Européens, ils ne savaient pas qu'ils faisaient pareille température pour la bonne raison que seule la Science permet de la mesurer (systèmes Celsius ou Farenheit). La Science n'a pas pour objectif premier de nous permettre de survivre mais de découvrir les Lois de la Nature (gravitation, électromagnétisme, Relativité Générale, mécanique quantique etc....
Ainsi, chez nous, aux Antilles, la tricentenaire "Société de Plantation" a tout naturellement généré sa propre Technologie. Il n'y a qu'à visiter une usine sucrière ou une distillerie pour s'en rendre compte. Mais le Jardin créole, la vannerie, la poterie, le piège à crabes etc..., tout cela participe aussi d'une technologie indigène. Mais notre société n'a pas généré de Science, au sens strict du terme, déjà parce qu'elle importait et continue d'importer ses machines d'Europe ou d'Amérique du Nord ; ensuite, parce que les élites (d'abord békées, puis mulâtres et enfin nègres) ne s'intéressaient pas à la Science et à ses spéculations intellectuelles non immédiatement rentables. Ainsi, alors que la vulcanologie nait en Europe, au 18è siècle, personne ne s'y intéresse à Saint-Pierre de la Martinique et on connait le résultat avec l'éruption du début du 20è siècle (le 8 mai 1902) qui a tué 30.000 personnes (soit 10 fois plus qu'à Pompéi !).
Le seul manque ou déficit lexical du créole réside uniquement en matière de Science.
Dans tous les autres domaines, il s'est toujours satisfait de lui-même. Il n'a pas besoin d'emprunter "nénuphar" au français alors qu'il dispose de chapo-dlo, il n'a pas besoin de lui emprunter "combatif" alors qu'il dispose de bektan, il n'a pas besoin de lui emprunter "jarret" alors qu'il dispose de gad-janm, il n'a pas besoin de lui emprunter "donzelle" alors qu'il dispose de kapistrel, il n'a pas besoin de lui emprunter "intellectuel" alors qu'il dispose de grangrek, il n'a pas besoin de lui emprunter "faire l'école buissonnière" alors qu'il dispose de matébis, il n'a pas besoin de lui emprunter "contexte" alors qu'il dispose de doukou, il n'a pas besoin de lui emprunter "calendes grecques" alors qu'il dispose de lanné kannel. Etc...etc...
Le "Grand Remplacement lexical" actuellement à l'oeuvre est dû au fait que le créole a été très tardivement enseigné au sein du système scolaire et surtout que ledit enseignement est facultatif au lieu d'être obligatoire.
S'agissant de notre mot d'aujourd'hui à savoir "intrépide", le créole dispose de deux termes pour le dire : briskan et popilè. Le premier dérive du verbe français "brusquer" ou plus exactement de son participe présent "brusquant" mais ce dernier ne signifie aucunement "intrépide". Comme dans :
"Me brusquant alors, mon père m'a demandé de choisir quelle paire de chaussures je voulais".
Le génie du créole a souvent consisté à transformer la forme d'un mot français ("pleurésie" devient pirézi, "genou" devient jounou etc.) ou à en modifier à la fois la forme et le sens ("brusquant" devient briskan signifiant donc "intrépide"). Quant à l'autre terme créole signifiant "intrépide" à savoir popilè, il était d'un usage beaucoup moins fréquent que briskan. Comme dans :
"Fout tibolonm-ou a popilè, tonnan-di-sò ! : qu'est ce que votre gamin est intrépide, bon sang !".
Pour en revenir à la Science et au lexique qui lui est propre évoqué au début du présent article, il faut préciser qu'elle a obligatoirement besoin de l'ECRIT (on ne peut pas résoudre une équation de tête !) alors que la Technologie n'en a pas forcément besoin. Ainsi les technologies populaires (vannerie, poterie etc...) fonctionnent parfaitement à l'ORAL. Si donc le créole veut disposer d'un lexique scientifique, il lui faut non seulement conquérir sa '"souveraineté scripturale" (Jean Bernabé) mais aussi que des scripteurs se lancent dans la rédaction de texte scientifique, chose qui oblige à forger des NEOLOGISMES c'est-à-dire des mots nouveaux :
. https://fondaskreyol.org/article/lawonn-bel-zanno-se-ki-sa
. https://fondaskreyol.org/article/yonnde-katjil-asou-fondas-floko-kosmos
. https://fondaskreyol.org/article/bidim-blo-a-sa-sa-ye-an-vre
...À une époque pas si lointaine, l’adjectif qualificatif "national" était fréquemment utilisé po Lire la suite
ce sera très drôle! Lire la suite
...vous vous bouchez les yeux quand il s'agit d'identifier les VRAIS responsables de la situation Lire la suite
Les propos de Crusol sont gravissimes .C'est néanmoins une analyse originale qui mérite qu'on s'y Lire la suite
Rien de plus facile que de modifier la constitution. Lire la suite