Après nos recherches sur > Sartre et l’art, c’est une aubaine d’avoir reçu le volume de Dominique Berthet > L’incertitude de la création.
Et ce titre correspond parfaitement au contenu de ce livre. Dans son processus de création, chaque artiste ne peut pas être sûr que l’idée qu’il a eue à l’origine se concrétisera ou que c’est le processus de création, le travail proprement dit qui fera naître de nouvelles idées, tout comme un auteur, lorsqu’il se remet à son œuvre, sent que le héros de son roman a soudain de nouvelles intentions ou opinions…
Par conséquent, le volume de Dominique Berthet a également ce sous-titre Intention, réalisation, réception, il s’agit de l’intention de l’artiste, de la réalisation de l’œuvre et du moment où le spectateur se trouve face à l’œuvre. Sartre était convaincu dans Qu’est-ce que la littérature ? (1948), qu’une œuvre de l’esprit n’est créée que lorsque l’auteur et le lecteur travaillent ensemble, cela vaut bien sûr aussi pour une œuvre d’art. Et le chemin vers l’œuvre, comme Berthet l’explique si bien dans ce livre, est lui-même une composante de l’œuvre. Certes, le lecteur et le spectateur demandent souvent la biographie de l’auteur, comme si celle-ci pouvait donner des informations sur la genèse de l’œuvre. On ne demande pas aussi souvent comment l’artiste a fait cela. Certes, on veut comprendre ses intentions, mais on suit quand même beaucoup moins la manière dont l’artiste a travaillé. Rappelons à nouveau les études de Sartre sur les tableaux du Tintoret, où, en comparant de nombreux tableaux du maître vénitien, il découvre comment celui-ci dirige le regard du spectateur par la disposition des éléments du tableau. C’est de cela qu’il s’agit, quelle est finalement la part du spectateur ou du lecteur dans la création de l’œuvre ?
Pour pouvoir résoudre de telles questions, il est en effet important de comprendre les typologies de l’atelier (p. 7) dans lequel l’œuvre est créée, où la pensée et l’action se rencontrent. Berthet appelle cela la rencontre de l’ombre et de la lumière. Comment l’œuvre est-elle achevée ? Il s’agit d’idées précises, de conceptions, mais aussi de ce que Sartre appelle la contingence, le hasard. “La création est une aventure…” (p.176) c’est ainsi que Berthet résume le processus. Des idées précises rencontrent des idées nouvelles, c’est ce mélange que Berthet étudie. Après tout, en observant dans quelle mesure l’œuvre finale s’écarte de l’intention de l’artiste, on peut en apprendre beaucoup sur sa signification. Bien sûr, le spectateur ne pourra pas lire ce processus directement dans l’œuvre, mais des écrivains comme Flaubert ont laissé dans leur correspondance des indications claires sur leur processus de création et l’ensemble de l’œuvre d’un peintre en dit tout autant sur la genèse de ses œuvres et les progrès réalisés lors de leur réalisation.
Et qu’en est-il de l’idée initiale et du processus d’exécution ? Aucun artiste ne part de zéro. Cette section de trois chapitres vaut particulièrement la peine d’être lue, car on y trouve une phénoménologie succincte de l’artiste dans le monde et de la manière dont il est modifié par celui-ci à travers son être dans le monde : appropriation et distanciation en sont les mots clés. Rappelons encore une fois tous les artistes, peintres, écrivains et poètes auxquels Sartre a consacré une étude de portrait : ils se sont tous opposés aux courants artistiques dominants et ont développé leurs propres projets.
L’œuvre échappe à l’artiste dès qu’elle est livrée au public. C’est maintenant au tour du spectateur et du lecteur. Ressentent-ils quelque chose ? Des émotions ou l’œuvre les laisse froids ? ils la rejettent même ? c’est le jugement du spectateur sur l’œuvre qui, pourrait-on ajouter, se trouve à la fin du processus de création. Mais l’art nous conduit toujours plus loin, en fait c’est un nouveau départ, parce que l’œuvre d’art commence seulement maintenant à déployer ses effets. Dominique Berthet décrit ce double processus artiste/œuvre et sa réalisation et spectateur/œuvre. C’est l’œuvre qui est toujours au centre de l’intérêt.
Dominique Berthet
> L’incertitude de la création
Intention, réalisation, réception
Point à Pitre Presses universitaires des Antilles, 2021
ISBN 9791095177142
Il faut être un sacré farceur pour faire croire aux Martiniquais qu'un deuxième Cuba est possible Lire la suite
...toute la "classe politique" (qui n’est d’ailleurs pas une "classe sociale") sur le même plan ? Lire la suite
...ou ka trouvé tout diks-li, òben yo ka viré enprimé tou sa i fè-a vitman présé! Lire la suite
...À une époque pas si lointaine, l’adjectif qualificatif "national" était fréquemment utilisé po Lire la suite
ce sera très drôle! Lire la suite