(Tenter de) comprendre ce qui se passe...

   Depuis bientôt deux ans, un bruit de fond agite la société martiniquaise, bruit qui s'énonce ainsi : "On ne comprend plus ce qui se passe". Cela a commencé par les déboulonnements de statues et les rues rebaptisées par des personnes que les médias ont surnommées "les activistes", s'est poursuivie avec des actions plus musclées (blocages de supermarchés, envahissement d'une distillerie pour la contraindre à ôter sur ses bouteilles re rhum l'emblème colonial aux "quatre serpents", menace de destruction de la Porte du Tricentenaire au Parc Floral de Fort-de-France etc.) avant de se muer avec l'arrivée d'une covid-19 en une sorte de fronde généralisée contre l'obligation vaccinale et le pass sanitaire.

   Avant de tenter une analyse du phénomène, il convient, au premier chef, d'interroger les indignations faciles et les condamnations relevant de la pure et simple malhonnêteté intellectuelle visant à diaboliser les activistes dits aussi "militants rouge-vert-noir". Soyons factuels : Fort-de-France est dirigée depuis bientôt trois quarts de siècle par un seul et même parti, le PPM (Parti Progressiste Martiniquais) dont l'idéologie politique repose sur la revendication de l'autonomie (au sein de la République française) et la revendication culturelle la Négritude. Fort bien ! Mais alors comment expliquer que jamais au cours de tant de décennies, la municipalité n'ait jamais envisagé d'enlever les statues de D'Esnambuc, Joséphine et Schoelcher pour, par exemple, les replacer dans un "Musée de la colonisation". Il a fallu que la statue de l'épouse de Bonaparte soit régulièrement souillée, couverte de graffitis et enfin victime d'une tentative d'incendie pour qu'enfin, l'édilité foyalaise se résolve, non pas l'enlever de ce qui est tout de même le coeur battant de la ville, à savoir la place de La Savane, mais à la déplacer de quelques dizaines de mètres où bien évidemment, elle a continué à subir les attaques de tous ceux qui considèrent que sa seule présence constitue une provocation permanente à l'encontre des Martiniquais. Jusqu'à sa destruction il y a peu.

   Quant au prétendu "découvreur de la Martinique", le sieur D'Esnambuc, en réalité massacreur du peuple kalinago (ou caraïbe), aucun élu foyalais n'a jamais proposé de la déplacer non plus. Même quand, bien avant nos activistes actuels, des militants avaient tenté de l'incendier un certain mercredi-des-cendres. S'agissant de Schoelcher, qui est loin d'être du même acabit que D'Esnambuc et Joséphine, sa statue posant la main sur la tête d'un pauvre petit esclave noir dans la cour de l'ancien palais de justice, avait indéniablement quelque chose d'à la fois paternaliste, humiliant et aussi, provocateur. Il est donc trop facile de s'empresser que qualifier les activistes de "vandales" comme l'avait Serge Letchimy dans un communiqué suite au déboulonnement de Schoelcher. 

   En réalité, la municipalité foyalaise s'est montrée en dessous de tout en ne faisant rien, pendant presque trois quarts de siècle, pour effacer ces gifles quotidiennement infligées au peuple martiniquais. La Négritude s'est agenouillée devant la Blanchitude. Rien d'autre !

   Venons-en aux Békés et à cette distillerie du nord de la Martinique qui fut envahie par les activistes. Depuis une vingtaine d'années, ils ont changé de discours et prônent la réconciliation à cors et à cris à travers, notamment l'association "Tous Créoles" et surtout la plantation du fameux "Courbaril de la Réconciliation" par Aimé Césaire et Camille Darsières sur l'Habitation du plus fortuné des Békés, Bernard Hayot. Très bien ! Mais à bien y regarder, cette "réconciliation" n'est que du pipeau, du vèglaj. Pourquoi ? Parce que tout en se réclamant bruyamment de l'exemple de l'Afrique du Sud et de Nelson Mandela, nos Békés oublient ou feignent d'oublier que ce qui s'est passé dans ce pays où régnait l'apartheid, ce ne fut pas grâce à la création de "Comités de Réconciliation", mais bien de "Comités Vérité et Réconciliation". Autrement la "Vérité" avant la "Réconciliation. Avant toute forme de réconciliation ! C'est donc prendre les "Neg" pour de parfaits couillons que d'escamoter cette étape absolument indispensable à toute forme d'apaisement entre Békés et les autres Martiniquais. Preuve de ce foutage de gueule : le maintien du pavillon aux quatre serpents sur les bouteilles de rhum de cette distillerie du Nord-Atlantique que des activistes, légitimement exaspérés, ont fini par envahir. Car enfin, les Békés savent très bien que ledit pavillon est soit ignoré soit honni par la plupart des Martiniquais, or, en dépit de leur discours réconciliateur mielleux, ils n'ont pas hésité à le maintenir sur ces bouteilles de rhum ! Véritable provocation qui a trouvé sa juste réplique...

   Provocation donc que le maintien des statues de D'Esnambuc, Joséphine et Schoelcher au beau mitan de Fort-de-France. Provocation que le maintien du pavillon aux quatre serpents sur des bouteilles de rhum. On pourrait multiplier la liste des provocations dont la plus terrible est l'emploi de ces pesticide appelé chlordécone dans les bananeraies, provocation carrément criminelle celle-là puisqu'elle a empoisonné les sols, les rivières, les nappes phréatiques et les rivages martiniquais pour les 150 ans à venir. Et aussi : provocation que l'enseignement à la portion congrue de notre histoire et de notre langue au sein du système scolaire ; provocation que l'emploi systématique de non-Martiniquais sur les postes de cadre dans les grandes entreprises ; provocation que sont tous ces licenciements abusifs que les syndicats ont le plus grand mal à contrer etc... etc...

   La liste des provocations serait trop longue à établir. 

   Face à tout cela, que voudrait-on que la jeunesse fasse ? Jeunesse, pour partie sans emploi, qui, grâce à l'Internet, est désormais branchée sur le monde entier et qu'il n'est plus possible de vèglé comme avant. Aux provocations diverses et variées des bourgeois "neg" (en particulier les élus) d'une part, et des Békés de l'autre, elle a réagi tout naturellement par des provocations. Elle a ainsi menacé de détruire la Porte du Tricentenaire qui rappelle cette grande fête qui s'est déroulé en 1935 pour célébrer les trois siècles de rattachement de la Martinique à la France. Elle a passé une chaîne autour des reins du maire de Fort-de-France lors d'une manifestions devant sa mairie. Et aujourd'hui, elle refuse un vaccin que pourtant 50 millions de Français et 4 milliards de gens à travers le monde ont déjà pris en avançant des arguments totalement farfelus. 

   On aura compris que tout ce qui vient d'être expliqué plus haut ne vise aucunement à justifier les diverses actions des "activistes". Il s'agit de dire que la cause première de ces actions est à chercher dans l'irresponsabilité, le je-m'enfoutisme, le cynisme même parfois, de nos élites nègres comme békées. Tous ces gens qui se prétendent "français" mais ne font rien pour que la fracture socio-économique entre "la Mère-Patrie et la Martinique soit réduite. Tous ces gens qui se prétendent "autonomistes" mais qui ne font pas avancer l'autonomie d'un millimètre quand ils sont au pouvoir. Idem pour ceux qui se disent "indépendantistes" ! Tous ces Békés qui refusent de reconnaître qu'il n'est plus possible que le 1% de la population qu'ils représentent ne peut pas contrôler 50% de l'économie. Sans même parler de ces "intellectuels" planqués et toujours en quête de "tot" (sinécure) chaque fois que le parti qu'ils soutiennent arrive au pouvoir.

   Le problème actuel, le charivari, le n'importe quoi, la chienlit ne sont pas dû aux activistes. Tout ce pitoyable spectacle n'est que la réponse à la fois maladroite et pathétique de ces derniers à l'incurie de nos élites. Or, d'un côté comme de l'autre, on ne veut pas voir que la seule et unique solution est l'accession à la souveraineté nationale dans le calme, sans délires noiristes, sans haine contre les "Blancs" ou la France. Cela en prenant bien conscience que cela demandera des sacrifices à commencer par le deuil de la société de gaspillage et de surconsommation dans laquelle nous baignons. Car enfin, gérer le système colonial (en se vantant, par exemple, de construire des routes et des ponts) ou patauger dans le noirisme (en agitant une africanité factice) ne sont que sont les deux faces d'une même médaille : ils ne mènent strictement à rien. 

   Sauf au désordre permanent et à la chienlit. Sous l'oeil amusé de l'Etat français...

Commentaires

Saint-Pierre

MonOeil

25/11/2021 - 22:49

Peut-être y en a-t-il qui prétendent que Belain D'Esnambuc est le "découvreur de la Martinique" mais je n'en connais pas.
D'Esnambuc a débarqué en Martinique en 1635, c'est à dire 133 ans après Christophe Colomb qui avait "découvert" l'île en 1502. Pendant ce quasi siècle et demi, de nombreux navires européens (hollandais, anglais, français) avaient mouillé dans les eaux martiniquaises.
Ce qu'a fait D'Esnambuc, c'est de prendre possession des lieux pour le compte de Louis XIII, au détriment de l'Espagne.
D'Esnambuc a laissé sur place des colons, amenés de Saint-Christophe, placés sous le commandement d'un certain Jacques Du Pont. Puis il est retourné à Saint-Christophe, où il est mort dans la foulée, en 1636.
Le premier à être confronté à une attaque de kalinagos fut Jacques Du Pont. Les colons, de plus en plus nombreux, ont fini par les massacrer. Mais D'Esnambuc, personnellement, n'en fut pas un massacreur, même s'il aurait pu !
La ville de Saint-Pierre porte le nom du saint patron de D'Esnambuc, qui se prénommait Pierre. Ce qui est une provocation qu'on découvrira sans doute un jour.

COURS D'HISTOIRE...

Albè

26/11/2021 - 07:01

Pourquoi nous faire un cours d'histoire sur D'Esnambuc ? Est-ce une manière, peu habile, d'éviter d'examiner le fond de cet article et en fait, de se boucher les yeux ? Car enfin, que ce soit D'Esnambuc ou Tartempion qui a massacré les Caraïbes, là n'est pas le problème. Le problème est que ces derniers ont été exterminé par les colons français.

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    Albè , mon cher, peut-on mettre...

    Frédéric C.

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