Antonio Almonte, ministre de l'Energie et des Mines de la République Dominicaine

   Le conflit qui oppose en ce moment Saint-Domingue et Haïti suite à la construction d'un canal de dérivation sur la rivière Massacre qui sert de frontière entre ces deux pays suscite très peu d'intérêt en Martinique. En dépit de la forte communauté haïtienne installée dans cette dernière...

   Mais bien évidemment, il y a toujours des spécialistes de tout bagay qui, sur les réseaux sociaux notamment, nous infligent leurs élucubrations noiristes en qualifiant les Dominicains de "racistes". Or, qui sommes-nous pour leur faire la leçon alors qu'en Martinique règne le "colorisme" tout comme à Saint-Domingue et d'ailleurs en Haïti ? "Mal nommer les choses c'est ajouter au malheur du monde" écrivait un certain Camus. Non le colorisme n'est pas le racisme tout en étant aussi abject et condamnable que ce dernier. Il peut se résumer en une phrase : "Plus on est clair de peau, plus on a des chances dans la vie". 

   Cela se vérifie aisément tant en Martinique qu'à Saint-Domingue et Haïti. 

   Autre élucubration que l'on peut trouver sur les réseaux sociaux : la République Dominicaine est responsable des malheurs d'Haïti, ce qui est totalement faux. Oui, les coupeurs de canne haïtiens y sont scandaleusement exploités dans les tristement célèbres bateys ! Oui, la police dominicaine harcèle les immigrés clandestins haïtiens ! Oui, ces derniers se voient férocement expulsés sans tenir compte des droits fondamentaux de la personne humaine ! Mais Saint-Domingue n'est pas responsable du fait que son PIB soit 9 fois supérieur à celui d'Haïti. 

   Qui sont les responsables de la situation désastreuse de la Première République Noire du monde moderne ? Dans l'ordre, les voici :  

 

   . La FRANCE qui, en 1825, avait imposé une pseudo-dette de 150 millions de franc-or à la jeune république (née en 1804) en contrepartie de la reconnaissance de l'indépendance de celle-ci. Somme colossale car évaluée à 250 milliards de dollars d'aujourd'hui qui a grevé le budget national pendant tout le 19è siècle et le début du 20è, l'Etat haïtien se faisant un devoir de "rembourser" chaque année ce qui était en réalité une rançon et aucunement une dette. C'était autant d'argent qui ne permit pas à Haïti de construire des écoles, des hôpitaux, des routes, des industries etc... Et quand le président Jean-Bertrand Aristide avait réclamé à la France sa restitution, il fut kidnappé dans sa propre maison, transporté à Antigue, puis déporté en Afrique du Sud ! 

 

   . Les ETATS-UNIS qui, en 1915, avaient envahi Haïti au motif d'y faire cesser l'instabilité politique et qui se livrèrent à un véritable pillage de ses ressources agricoles du pays, notamment du café et du sucre de canne. Cela avait contraint les Haïtiens à mener une sorte de deuxième guerre de libération nationale, sous la houlette des Cacos, guérilleros qui finirent par obtenir le départ des Yankees mais sans que l'emprise impérialiste de ces derniers cesse pour autant. Emprise caractérisée par une foultitude d'interventions militaires dans notre Caraïbe : Cuba, Saint-Domingue, Guatemala, Panama, Grenade etc...

 

   . La BOURGEOISIE MULATRE ET SYRO-LIBANAISE qui n'a cessé de mépriser et d'exploiter son propre peuple au point de créer deux pays : celui des villes, d'une part et celui des campagnes, de l'autre, où vivaient et continuent de vivre les moun-andéyò autrement dit "les étrangers". Dans leur propre pays ! La majorité nègre, bras armé des révolutions victorieuses contre les Français, puis les Américains, se vit exclue de la société par une bande de prédateurs antipatriotes. 

 

   . La BOURGEOISIE NEGRE qui, suite à l'élection de François Duvalier, avait pris sa revanche sur la bourgeoisie mulâtre et syro-libanaise en s'appuyant sur le "noirisme", idéologie qui n'a aucun rapport avec la Négritude, qui en est même la caricature. C'est d'ailleurs en Haïti que le mot "noirisme" est apparu pour la première fois et fut dénoncé dans un livre par Jacqueline Lamartinière. Comme on le sait, tout idéologie, tout mouvement de pensée, toute religion fatalement se voit un jour dévoyée : le marxisme par le stalinisme, l'islam par l'islamisme, la créolité par le créolitarisme de l'association "Tous Créoles" etc...

 

   . Les GANGS qui sévissent à Port-au-Prince et dans d'autres grandes villes, kidnappant les gens et exigeant des rançons, pillant ou incendiant ici et là avec une férocité inouïe. Au point que le gouvernement haïtien, dont la légitimité est pour le moins douteuse, a dû faire appel à l'ONU qui enverra une force de police de 1.000 hommes composée essentiellement de Kenyans, afin de tenter d'éliminer des gangs et ainsi rétablir l'ordre.

   Avant donc d'accuser les Dominicains de tous les maux, nos spécialistes de tout bagay qui sévissent sur les réseaux sociaux devraient au moins s'informer.

   Sinon, sur l'actuel conflit s'agissant du barrage que construisent les Haïtiens sur la rivière Massacre, les Dominicains ont évidemment tort. Pourquoi ? Parce que la République Dominicaine a déjà construit 11 (onze) dérivations ou barrages sur cette rivière alors que celui qu'Haïti construit en ce moment est...le tout premier ! Or, ce cours d'eau appartient aux deux pays. Le canal de Ouanaminthe n'a pas pour but de priver d'eau la République Dominicaine mais vise à irriguer les plaines de la région afin d'y permettre le développement de l'agriculture. Si les "coloristes" dominicains avaient un minimum de bon sens et étaient logiques avec eux-mêmes, ils auraient dû tout au contraire applaudir à la construction de ce canal, cela pour une raison simple : plus Haïti se développera, moins il y aura d'immigrés haïtiens en République Dominicaine. 

   Les coloristes sont aussi cons que les racistes. 

   Pourquoi avons-nous illustré cet article avec la photo de ce ministre dominicain ? Parce qu'il n'est pas ministre des PPT ou des Personnes âgés, mais ministre de l'Energie et des Mines, secteur très important à Saint-Domingue et aussi parce que les cours d'eau et l'énergie hydroélectrique font partie de son domaine de compétence. Va-t-on l'accuser d'être "raciste" ? Nous, Martiniquais, n'avons aucune leçon à donner aux Dominicains ! Aurions-nous oublié le déchaînement coloriste qu'avait provoqué l'élection d'un Noir, d'origine ouvrière en plus, à la présidence de l'ex-Conseil régional de la Martinique ? Tous les jours et cela pendant des mois et des mois des blagues immondes avaient été diffusées à son encontre. Exemples : le président du Conseil régional s'est enfermé dans son bureau et ne répond pas quand on frappe à sa porte. On finit par défoncer celle-ci et on le voit pistolet fumant à la main et tout sourire. Il vient de se tirer une balle dans la tête mais il est toujours vivant car son cerveau étant vide, la balle s'est contentée de le traverser ; le président du Conseil régional participe à une réunion des présidents de conseils régionaux de France à Nice et est logé dans un grand hôtel. Au moment où il va se rendre à cette réunion, son directeur de cabinet est pris de panique car le président n'est vêtu que d'une simple chemise à manches courtes au lieu d'un costume-cravate. Quand il fait remarquer au président qu'il faudrait qu'il en mette un, ce dernier lui montre du doigt un panneau affiché dans les couloirs de l'hôtel qui indique "NO SMOKING" etc...

   Près d'une centaine de blagues coloristes du même acabit avaient été déversées contre ce président !

   Si nos psychologues, sociologues, politologues et autres grangrek en "ogues" étaient sérieux, ils auraient dû avoir rédigé depuis longtemps un livre à ce sujet. Ce livre aurait eu au moins le mérite de montrer que nous ne sommes pas meilleurs que les Dominicains. Nou pa ni lison pou ba yo !

   Mais, répétons-le, dans le cas présent, celui du canal de Ouanaminthe, les Dominicains ont tort. Mille fois tort. Cela est triste pour deux nations qui partagent la même île et sont par conséquent condamnés à s'entendre...

   NB. Si la différence entre "colorisme" et "racisme" n'est toujours pas claire pour certains, évoquons le massacre de 30.000 Haïtiens aux abords de cette même rivière (qui de ce jour prit le nom de "rivière Massacre") par l'armée du président dominicain Rafael Trujillo en 1937. Ce véritable crime contre l'humanité fut baptisé "opération perejil", ce dernier mot signifiant "persil". Tout Noir qui était incapable de prononcer ce mot espagnol correctement, mot comportant le "r" hispanique et la redoutable jota (j),était immédiatement abattu. Pas ceux qui savaient le prononcer ! Des racistes n'auraient pas perdu leur temps à monter une opération de la sorte, compliquée et abracadabrante. Ils auraient donné l'ordre d'abattre tous Noirs y compris donc les Noirs dominicains...

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    24/11/2024 - 08:31

    Il faut être un sacré farceur pour faire croire aux Martiniquais qu'un deuxième Cuba est possible Lire la suite

  • Jean Crusol : "Première tentative d'un gang du narcotrafic de s'imposer dans le paysage politique et social de la Martinique"

    Albè , mon cher, peut-on mettre...

    Frédéric C.

    23/11/2024 - 23:38

    ...toute la "classe politique" (qui n’est d’ailleurs pas une "classe sociale") sur le même plan ? Lire la suite

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