L'intolérable appauvrissement intellectuel et culturel de la Guadeloupe et dans une moindre mesure de la Martinique !

Jean-Marie Nol

La crise économique multiforme que nous vivons avec la covid s’impose avec la force d’une évidence, mais qu’est-il fait pour prévenir, éviter ou même contenir la « crise aiguë intellectuelle et culturelle » qui se profile depuis déjà un long moment en Guadeloupe et présentement en Martinique ?

Cette crise du Covid interroge les rouages de notre humanité à l’aune de questionnements tant éthiques que métaphysiques. Avec, en toile de fond, la question de la mort ravivée par la pandémie et ses dégâts collatéraux au CHU. Mais aussi celle de la survie de notre économie, entendu comme propension très historique à la destruction créatrice de l’économiste Shumpeter. Pour autant, le débat est biaisé tant en Guadeloupe qu'en Martinique par l'outrance et la vacuité des propos tenus sur les réseaux sociaux. Si on ne fait rien, le biais dans la tendance est plutôt vers le bas, car le débat intellectuel et idéologique aux Antilles est comme un théâtre d'ombres. En Guadeloupe : Plus de structures culturelles opérandes à ce jour, plus d'autorités universitaires vers qui se tourner, plus de dirigeants politiques manieurs d'idées, lanceurs de thèmes. Etrange période, tout à fait atypique : voici le temps du désert culturel et intellectuel guadeloupéen.

Partout les mêmes jugements sentencieux tombent sur la Guadeloupe , c’est un petit pays mort en terme de créativité et ce dans tous les domaines : un marché de la culture de seconde zone avec un Mémorial 'Act moribond , une scène nationale à Basse-Terre qui fonctionne de façon chaotique et en pointillés en terme de programmation culturelle, une vie intellectuelle sans aucune créativité, car pénalisée par la fermeture du centre des arts et de la culture de pointe à pitre  depuis plus de vingt ans et autrefois un phare de la culture. En Martinique, l'on note une production intellectuelle résiduelle pour les seuls vieux intellectuels maintenant sexagénaires voire même septuagénaires, et un SERMAC maintenant à la peine qui nourrit selon certains l'activisme et les idées noiristes,  car les jeunes n’ont plus leur place dans le débat d'idées pour cause d'inculture, hormis un déferlement de billevesées sur le Net, des médias qui se contentent de traduire plutôt que de produire. Alors se pose désormais avec acuité la question suivante : Les intellectuels sont-ils d'ores et déjà morts en Guadeloupe et en Martinique ? 

À cette question, j'estime que pour le peu qu'ils nous restent d'intellectuels, s'ils ne sont pas tous morts, du moins ils sont en crise profonde. Alors, à quoi peuvent-ils bien encore servir ? 

Aujourd’hui je pense que l'intellectuel guadeloupéen ou martiniquais ou du moins ce qu'il en reste doit être au service de la Cité, à créer un lien entre experts et citoyens et enfin à rouvrir le débat sur les enjeux d'un futur au demeurant menaçant.

L’impasse socio-politique dans laquelle s’enfonce la Guadeloupe et la Martinique, et dont la question de l'appauvrissement culturel et intellectuel n’est qu’un catalyseur, s’enracine dans l’obsolescence de leur modèle économique et social. Nous assistons aux premiers chocs d’un problème qui va aller croissant au cours de la décennie à venir, à savoir la perte de légitimité des élites confrontée à la nouvelle réalité implacable du populisme des syndicalistes englués dans leurs obsessions identitaires et l’impossible continuation d’une Guadeloupe en panne de projet, et d'une Martinique pilotée à vue par Paris. Si la pandémie mondiale actuelle de Covid marque un tournant historique en refermant un épisode de croissance économique, la Guadeloupe et la Martinique doivent méditer rapidement le fait que leur actuel modèle de développement datant du début de la départementalisation est aussi vieux qu'inadapté aux exigences de la révolution numérique, de l'intelligence artificielle, et de la transition écologique. Or, penser l’avenir, anticiper les défis futurs imposent de pouvoir compter sur une élite très diverse et constamment rajeunie car la jeunesse est instinctivement une tête chercheuse d’avenir, en quête de débat idéologique (cf. l'action passée des anciennes associations étudiantes de l'Ageg et de l'Agem) mais que nenni présentement pour la Guadeloupe et la Martinique dont les meilleurs cerveaux fuient en France hexagonale et à l'étranger. Et plus grave, cette frange élitiste originaire des Antilles ne tient pas à revenir au pays. Dans le domaine de la production intellectuelle, l'examen du passé montre que la Martinique possède plus d'atouts et est supérieure parce qu’elle a un sentiment élevé de la reconnaissance de ses élites intellectuelles locales comme Césaire, Fanon, Glissant, Chamoiseau, Confiant, et surtout parce qu’elle respecte la littérature française. Au contraire de la Guadeloupe qui voit fuir en France hexagonale ses illustres auteurs à l'exemple de Saint John Perse, Marise Condé ou Gisèle Pineau. 

On voit l'origine de ce paradoxe dans une désorganisation mentale progressive de la société Antillaise qui a fini par briser ses ressorts intellectuels et culturels. On ne se surprendra pas que les chercheurs universitaires de l'université des Antilles ne se bousculent pas pour engager le renouvellement de la pensée. Le temps des discours de certains hommes politiques fondateurs d’une vision pour le pays appartient au passé. Le sens du pays théorisé par feu le philosophe Raoul Serva n'est plus qu'un lointain souvenir aujourd'hui vite oublié par nos intellectuels devenus mutiques. 

L’époque des grands hommes ayant construit les bases de la Guadeloupe et de la Martinique est révolue. Entre autres exemples, nous n'avons plus d'hommes porteurs d’une conception du développement, certes, centrée sur notre identité culturelle mais néanmoins empreints de pragmatisme économique. 

 

Il y aura sûrement, dans les prochains temps, des personnalités issues à mon avis de la diaspora antillaise et capables de se hisser au-delà des frontières de leur engagement politique au niveau de l’intérêt supérieur du pays Guadeloupe et Martinique. Pour le moment, nous ne pouvons que constater la modestie de l’offre d'une bonne vision de l'avenir.

Nous ne pouvons que déplorer la faible épaisseur intellectuelle des débats publics du moment, avec ce clivage inopérant entre partisans et adversaires de la vaccination, par exemple. La forte abstention aux dernières élections régionales et départementales en Guadeloupe et territoriales en Martinique, a été l’occasion de nous monter que notre boussole est cassée, que nous n’avons plus de cap. De fait, comment on explique la disparition en moins de deux générations d’élites intellectuelles antillaise, et pourquoi on a pu niveler la pensée vers le bas à ce point ?

Quel est le point commun entre le déclassement éducatif, moral, et culturel de la Martinique avec les activistes nationalistes rouge-vert-noir, la déroute de l’administration dans la gestion de la crise sanitaire et l’appauvrissement du débat intellectuel dans la sphère publique ? A des degrés différents, tous sont les conséquences de l’affaiblissement de l'autorité, mais aussi de l’affaiblissement de l’enseignement littéraire et de la culture scientifique dans notre société.

Ce phénomène est certainement en grande partie lié à la montée de l'échec scolaire mais également à une rupture provoquée par l’apparition des réseaux sociaux et aussi à la plus grande liberté d’expression de chaque personne. Et je repense à cette citation d'Umberto Eco : « Les réseaux sociaux ont donné le droit de parole à des légions d'imbéciles qui avant, ne parlaient qu'au bar et ne causaient aucun tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite. Aujourd'hui, ils ont le même droit de parole qu'un prix Nobel ». 

De plus, le système éducatif, ne remplit plus sa mission première de fournir une culture générale suffisante afin d’avoir les clés de compréhension du monde.

Tout ceci se fait sur un mouvement de fond où tout doit être vu, compris, analysé avec la connaissance du présent, rejetant l’histoire des grands intellectuels à un passé qu’il faut oublier. C’est la dictature de l’opinion d'internet face aux savoirs et à l’histoire.

Mais désormais, pour nombre d’intellectuels et de politiques en Guadeloupe et en Martinique, la notion d’intérêt général et le sens du collectif sont devenus obscènes dans l’espace politique et culturel asservi aux logiques de l’individualisme libéral. Aujourd’hui, les nouvelles situations d’incertitude (insécurité croissante, malaise identitaire, difficulté à résoudre les conflits sociaux, perte d’exemplarité des hommes politiques…) ont provoqué un ressenti d’impuissance de la part d’intellectuels incapables de donner du sens à une population guadeloupéenne et martiniquaise  désemparée et vulnérable en termes de manipulations par des activistes et syndicalistes qui ont remplacé la lutte des classes par la lutte des races notamment en ce moment même  en Martinique . Au débat sur la lutte du droit des peuples à s'autodéterminer librement s'est substitué la violence insidieuse des idées noiristes. C'est dans ce contexte délétère que la question de l’influence de l’intellectuel sur les choix fondamentaux de nos pays est relativement nulle. Il n’existe plus de lieux féconds de production de la pensée en Guadeloupe et en Martinique. 

À partir de ce moment-là, il est difficile d’avoir une pensée constructive, intégrant l’avenir. Dans ces situations, le retour au passé, à la tradition, est toujours une tentation alors qu’il s’agit de penser le présent et d'imaginer le futur. La prédominance (depuis des lustres) dans le débat du thème de « l’identité culturelle », mis aujourd’hui à toutes les sauces est une manifestation de la décomposition du lien social. Il est avant tout un sentiment inséparable de l’insécurité sociale, de la précarisation du travail, du ralentissement de l’ascenseur social, des difficultés du système éducatif, de la fin des grands récits qui organisaient les idéologies politiques et donnaient de la cohérence aux croyances collectives. Les intellectuels Antillais ont, nous semble -t-il, pêché dans le déni vertueux des problèmes liés à une crise des repères, au sentiment d’un avenir incertain et immaîtrisable d'une identité étriquée et fantasmée à plus soif. Quant aux politiques, ils s’adressent toujours à l’émotivité plus qu’à la réflexion, à l’immédiateté plus qu’à la distance requise par le jugement. C’est une expression évidente de l’anxiété généralisée qui habite la société antillaise.

Le souci de la réaction « en temps réel » l’emporte sur la réflexion à plus long terme : On est confronté à l’affaiblissement de la capacité de la société à se transformer elle-même par le renouvellement de la pensée idéologique.

La scène des idées n’en finit plus de basculer en Guadeloupe et en Martinique dans la médiocrité. Je déplore le nivellement par le bas dans les référentiels du programme pédagogique de l'université des Antilles. En pleine crise de visibilité, on se demande à quoi servent les universitaires d'aujourd'hui ? 

Des individus en mal de repères idéologiques au discours creux, des jeux de rôle, des personnages fades, presque des caricatures. Voilà ce qui a détrôné les joutes de l’ancienne génération de penseurs guadeloupéens et martiniquais. 

Le rôle de penseur qui est plus difficile que celui d'universitaire est de retrouver cette posture un peu prométhéenne qui est de rouvrir le futur. C’est-à-dire qu’on attend aussi de lui d’une certaine manière que par l’idéologie révisées à l'aune de notre temps, que par l’utopie concrète, il rouvre un horizon d’attente, un horizon d’espérance qui n’existe plus. Or, un individu qui grandit a besoin d’un projet de vie personnel, une société qui grandit a aussi besoin de se projeter dans l’avenir, besoin d’un projet d’émancipation. Eh bien c’est de l'absence de ce projet dont on pâtit aujourd’hui, et pas qu’en Guadeloupe et Martinique, mais aussi en France hexagonale.  Et là les intellectuels, pas seulement les penseurs, ont un défi qui est à relever, sinon dans le cas d'espèces le choix de pensée ne pourra s'opérer demain que dans la formulation hégélienne d'être et du néant. 

 

“Un intellectuel inconscient ou démissionnaire n'est plus qu'un pauvre type.”... Bernard Pivot 

 

 

Jean-Marie Nol, économiste 

Commentaires

Memorial Act

Tokyo

21/09/2021 - 20:35

"Mémorial Act moribond" ...il fallait s'y attendre :cette mort clinique pointait dès la conception de ce bâtiment monstrueux. Pourquoi monstrueux ? Pour le construire ,on a détruit ce qu'il était censé représenter , commémorer ou perpétuer :c'est exactement comme si on avait rasé le Château de Versailles pour construire à la place un musée consacré à la monarchie française .Il existait sur l'emplacement du M.Act la gigantesque usine de Darboussier edifiée en 1870 et en service jusqu'en 1975!!!Un siècle de machineries et de souffrances humaines continuatrices de celles de l'esclavage avec les petits fils des asservies d'avant 1848...L'usine Darbousier aujourd'hui détruite était en elle-même un musée du quasi6esclavage des ouvriers du 19ème siècle .Il ne fallait pas détruire ,mais réaménager ce témoin vivant de non asservissements passés Le Mémorial A est un crachat lancé à la face de ce passé qu'il prétend curieusement évoquer.

Regard d'un ex antillais

Pascal

24/09/2021 - 08:06

Si nous sommes d’accord sur le constat de la déchéance intellectuelle et culturelle, je ne partage que partiellement votre vue sur les causes car selon moi c'est un mélange de nombreux paramètres qui est en cause. Ayant grandi en Martinique dans une famille francophone et non créolophone il était d'emblée plus facile pour moi d’accéder aux fruits la culture française puis anglo-saxonne et notamment de me construire une forte culture scientifique et philosophique. Cette culture que je me suis forgée m'a permis de me défaire très tôt des influences religieuses et aussi des mouvements de masse identitaires sous prétexte de culture ou de mémoire. Et grâce à cette culture j'ai pu faire de longues études scientifiques et cela m'a permis de travailler dans pleins de pays anglophones et hispanophones en m'adaptant toujours sans soucis à la vie locale. Bien qu'on me qualifie souvent de très cultivé, j'aime bien dire qu'en fait je suis indépendant des cultures, car jamais je n'en revendiquerai une. Pour tout dire je suis souvent horrifié des discours des défenseurs de cultures lors qu'il est évident que beaucoup de ces "cultures" inscrivent des logiciels internes souvent inamovibles et fortement bugués dans la psyché de leurs adeptes. C'est un problème mondial, même en Californie il est présent, et ce problème s'exprime sous des formes multiples en fonction du contexte et du contenu du logiciel, et on est d'accord que les réseaux sociaux ont été un puissant catalyseur de l'expression et la diffusion à grande échelle de la bêtise. Mais c'est aussi la génération google qui ne prend plus le temps de se poser des questions et qui lisent des réponses clé en main calculées par de puissants algorithmes en fonction de préférences personnelles, elles aussi calculées
Mais voilà, dans le cadre de la Martinique et de la Guadeloupe, où j'ai vécu respectivement 17 et 3 ans, j'accuse en plus les intellectuels et les médias des années 90 qui ont tout fait pour enfermer mentalement les jeunes dans une série de dogmes, en prônant
1. l'expression en une langue ( le créole) où il n'y a aucun texte parlant de sciences, de l'ouverture au monde, du dépassement de soi ... et en privilégiant les insultes, les histories de couple ou de drogue
2. la domination de mémoires de gens tous déjà morts par rapport aux aspirations du présent, notamment depuis le 150eme anniversaire de l'abolition de l'esclavage qui pour moi a été le point de rupture car j'ai vu trop de personne attribuer à l'esclavage les conséquences de leur propre inconséquence ( sachant aucune personne vivante en 1998 n'a vécu l'esclavage)
3. la complainte perpétuelle ce qui conduit à toujours accuser autrui des conséquences de son propre comportement
Ceci ajouté, au début des années 90, à l'entrée dans l'union européenne ce a fait que la langue française ne pourra plus être défendue par la France, et même moi j'en vois les conséquences car je ne parle presque plus français de la journée ( je ne m'exprime qu'en anglais à mon travail, et dans le privé je lis plus en anglais qu'en français )
Pourtant je m'étais dit que ça serait bien de revenir habiter en Martinique pour monter des activités, mais les grèves de 2009 ont anéantit cet espoir car j'ai pris conscience que jamais je ne pourrai embaucher de gens alignés avec ma démarche, et il me sera très difficile de trouver des gens pouvant prendre de la hauteur et avoir des approaches à la fois pragmatiques et dénuées de toute revendication culturelle et identitaires
Mais, je suis toutefois heureux de voir qu'il ya de la résistance contre la velléité de vaccination obligatoire car le pragmatisme revient et ça sera peut être un levier pour une vraie prise de conscience du présent déconnecté d'idéologie indépendantistes ou identitaires ( d'ailleurs on voit ce que ça donne en Polynésie avec un gouvernement local qui a facilement flanché aux injonctions vaccinales induites par l'idéologie de l'innovation continue qui n'a pas atteint les Antilles )
Toutefois, en suivant de très loin les actualités antillaises, je me dis qu'il est encore trop tôt pour moi de pouvoir investir, ... ou si je le fais, j'exigerais de toutes les personnes avec qui je m'associerais pour monter et développer les projets que je lance, d'avoir vécu plusieurs années hors des Antilles en France métropolitaine et aussi plusieurs années dans au moins l'un de ces pays ( UK, USA, Canada, NZ, Australia, Germany, The Netherlands Sweden, Switzerland, Singapore, Dubai, Columbia, Chile, Japan, China ) C'est pour l’instant ma seule garantie d'indépendance culturelle, de dépassement de mémoires imposées, et de clarté d'esprit afin aborder les enjeux du réel avec pragmatisme et efficacité.
Car je suis convaincu que la solution pour un futur serein ne viendra ni des intellectuels ni de la presse ni des politiciens, mais de ceux qui savent voir clair et loin sans se retourner en arrière et surtout sans le poids inutile des blessures et mémoires d'autrui ...

A Pascal:

Tokyo

24/09/2021 - 20:57

Vous regrettez "la domination de mémoires de gens tous déjà morts par rapport aux aspirations du présent, notamment depuis le 150eme anniversaire de l'abolition de l'esclavage"...donc pour vous il ne fallait pas célébrer cet anniversaire et le passer sous silence puisque tous les esclaves "sont déjà morts". En clair :on n'en a rien à foutre des nègres morts sous les coups durant 2 siècles ...Merci pour eux.
Et puis je n'aime pas vos présupposés anti-créole qui sous -entend que cette langue ne serait bonne qu'aux insultes et imperméable à la science. Bof!! vieux arguments anti-créole éculés. Comment le créole ,langue jeune de moins de 200 dont la naissance relativement récente s'est faite dans l'horreur de l'esclavage pourrait elle performer en matière de science quand ses principaux locuteurs furent durant de longues décennies puis jusqu'aux années 1960 maintenus dans l'analphabétisme ?Si un état souverain avait pris cette langue en charge ,nul doute qu'il en aurait amélioré l'efficacité "scientifique " . Dans votre argumentaire boiteux pour conseiller aux Mquais d'oublier leur histoire ,ce qui doit vous gêner au plus haut point ,vous faites référence à des pays très avancés en matière de science et l'économie sur lesquels une Martinique obsédés par son passé devrait prendre exemple .C'est oublier que la plupart les pays européens tout comme la Chine ,le Japon, l'Europe occidentale entretiennent fortement leur histoire en vivant constamment dans son évocation(voir les monuments et commémorations )!!I ll n'y a pas donc contradiction entre le dynamisme économique et l'importance du poids de l'histoire.

A Tokyo

Pascal

25/09/2021 - 06:11

Et pourtant je maintiens tous mes propos car ma vie ailleurs m'a apporté la preuve que les lieux où les gens regardent le présent et l'avenir sont les seuls lieux où on sait dépasser les effets pervers du passé. Ce que je reproche le plus aux idéologies populaires aux Antilles c'est cette injonction à croire que les douleurs des morts doivent être celles des vivants. Quand je vivais en Californie, et que j'étais invité dans des repas de famille, ou entre amis, jamais personne n'abordait des thématiques liées à l'histoire ou à une identité, mais on discutait de nos projets et de la manière de les mettre en oeuvre, et souvent une entraide naissait pour aider à réaliser ces projets. En France on a beaucoup cette tendance à tout lier à l'histoire, et malheureusement aux Antilles françaises on a sombré dans ce délire vu qu'on a reçu ce conditionnement.
Des îles comme Ste Lucie et la Barbade sont bien plus connectées au présent, et une fois certains soucis sociaux réglés avec pragmatisme, la prospérité suivre de manière pérenne dans les 10 ans.
Les 150 ans de l'abolition de l'esclavage n'ont eu pour but que de mettre en valeur des revendications délirantes qui objectivement étaient incompatibles avec un état d'esprit propice au développement économique ... et 20 ans plus tard le résultat est là, encore faut il accepter de le voir.
Chose assez hallucinante, 10 après cette célébrations dans la complainte, beaucoup d'antillais se sont rendus eux même esclaves des réseaux sociaux, en plus de l'esclavage du consumérisme déjà profondément ancré (et d’une intensité plus forte qu'en Floride ou en Californie)
Plus généralement ce ne sont pas les défenseurs de l'histoire qui font la force d'un pays ... c'est la culture scientifique, les technologies d'armement, les technologies de communication, dans un contexte de ressources alimentaires et minières disponibles ou de puissance financière établie et reconnue en l'absence des ressources citées. Tout le reste n’étant que cosmétique ....
Enfin concernant la langue, le jour où elle exprimera des projets et elle pourra permettre au moins de s'instruire en sciences ou en philosophie alors la langue sera une source d'éveil pour les populations s'exprimant avec elle ... Objectivement on en est encore extrêmement loin avec le créole, et de plus force est de constater que même la langue française est sur une dangereuse pente descendante si on ne fait rien maintenant.... mais ce n'est pas seulement à un état de la prendre en charge, mais surtout à ses locuteurs de la faire progresser dans la conscience des savoirs du présent.
Je conclus par une vérité s'appliquant à tous les domaines:
"Quand au lieu de regarder la route, on passe son temps à regarder le rétroviseur ou le tableau de bord, on se prend l'avenir en pleine gueule" ...

A Pascal (2)

Tokyo

26/09/2021 - 20:55

1) Dans votre analyse, vous oubliez un fait fondamental : il a été pendant de longues décennies pratiquement interdit aux Antillais de connaitre leur histoire. Jusque dans les années 1980 , ils apprenaient à l'école que leurs ancêtres ,étaient gaulois . Je vous laisse imaginer les dégâts psychologiques de ce discours .Aucun manuel scolaire ni aucun enseignant ne leur enseignait par l’intermédiaire de l’histoire qui ils étaient.
Il était donc parfaitement normal qu’une fois acquise la possibilité de s’approprier notre propre histoire comme c’est le cas depuis trois décennies seulement , que nous nous y engouffrions avec une telle avidité. Des noms et des faits jadis occultés ou tus nous redevenaient audibles puis familiers. La hargne et peut être l’excès actuel de redécouverte sont donc parfaitement légitimes. Redécouverte du 22 mai :diffusion de la plaquette de A.Nicolas en 1963 seulement et encore ..d’abord par un petit noyau d’initiés. Premières célébrations du 22 mai : en 1983 seulement etc…Notre actuelle hargne doit être lue à l'aune de ces insupportables interdictions trop longtemps prolongées. Je rappelle par ailleurs que à ce jour, l'esclavage a duré plus longtemps que la période qui s'est écoulée depuis la libération de 1848. Comment ne pas vouloir évoquer ces années trop longtemps tues ?.
2) Et puis comme je l'ai déjà dit, l'évocation régulière d'un riche passé n'empêche ni le dynamisme, ni l'innovation ni le développement : l’exemple de l’Europe occidentale, de la Chine du Japon, territoires très ancrés dans leur passé historique le montre amplement etc... Je vous ferai aussi remarquer que la projection économique chinoise actuelle s’accompagne d’un retour en force via le cinéma notamment , de tous les récits historique voire mythologiques du passé de ce pays tout comme l’impérialisme économique des USA s’était accompagné d’une explosion des récits mythologico-historiques du western.
3) Personne n’a jamais nié aux Californiens et ceci fut même pour beaucoup d’entre eux une fierté, le fait de l’être contrairement à ce qui fut le cas pour les Antillais. On nous imposa longtemps cette phrase : « Vous êtes Français et pas autre chose » . Comment alors ne pas comprendre l’urgence absolue, que vous qualifiez de manière désinvolte de « délire », de lutter parfois violemment contre cette injonction aliénante ?
4)Je crois déceler dans votre évocation des "revendications délirantes " une critique de ce qu'on appelle « les réparations « .Ces réparations seraient parfaitement légitimes :la minorité s’étant atrocement enrichie sur le dos de milliers de nègres continue à jouir aujourd'hui des fruits de cette exploitation et bien souvent sur les mêmes terres abreuvées du sang d’avant 1848.Elle possède très souvent supermarchés ,entreprises d’import et sociétés s’étant constituées avec le capital issu directement de ces deux siècles d’exploitation :il est donc parfaitement légitime que cette minorité répare ,autant que faire se peut, ses crimes notamment en restituant à la collectivité représentative des Martiniquais les plus importantes de ces habitations.
4) C’est parce que ni Ste Lucie ni Barbade n’avait subi cette injonction identitaire aliénante et qu’un espace politico-culturel leur fut dévolu très tôt que ces pays n’éprouvèrent pas comme nous ces affres identitaires. Quant au parallèle entre l'esclavage colonial et l'esclavage aux réseaux sociaux, laissez-moi rire à défaut de pleurer !!!.
Un seul bon point pour vous : le consumérisme constitue effectivement un esclavage.

A Tokyo (2)

Pascal

27/09/2021 - 04:52

Avant de vous répondre point par point j'ai quelques questions pour vous:
a) Pensez vous qu'un entrepreneur étudiant le contexte antillais pour une création d'entreprise serait enchanté d'embaucher des gens dont les seules aspirations n'ont rien à voir avec un développement économique ou une bonne harmonie sociale ?
b) Pensez vous qu'un investisseur, constatant le niveau des débats publics et faisant une grande revue de presse pour connaitre l'ambiance générale, serait prompt à investir ?
c) Pensez vous que gens ayant grandi comme moi au Antilles aient envie d'y créer quelque chose sachant qu'il se sont fait maltraiter dans les cours de récré par ceux qui maintenant sont les principaux acteurs de la déchéance ... ( ceux pour qui il est criminel de réussir à l'école ou de ne pas s'exprimer en créole)?
d) Pensez vous que beaucoup de familles voudraient venir s'installer dans une contrée pour élever leurs enfants en constatant que la mentalité n'est pas propice à fournir des rêves à leurs enfants ?
Dites vous une chose, si la population diminue c'est aussi et surtout car il y a des gens qui n'ont ni l'envie ni l’énergie de se battre contre les porteurs des délires publics .... Ce qui est triste c'est que la simple observation de l'histoire d'Haiti montre le futur que nous réserve les dynamiques mentales que les directeurs de conscience locaux sont entrain d'inculquer. Et notez bien que la diaspora haïtienne prospère se trouve à Miami, NY et Montréal et n'a aucune intention de revenir au pays.
L'objectif de mes réponses est de tenter de faire passer l'idée tous les rayonnement culturels ne sont possibles que si la prospérité est déjà installée et ancrée ... et le drame des Antilles est que les acteurs culturels et médiatiques sont les principaux obstacles à l’élaboration d'un environnement permettant de construire la prospérité.
Et pour vous répondre:
1) Mais quelle différence ça fait ? Tous les gens concernés sont morts depuis longtemps, et le marasme actuel est surtout lié à la déconnexion au présent! La seule histoire qui est utile est celle qui permet de comprendre le présent, et est souvent centrée sur les 30 dernières années. Par contre la compréhension du présent et la construction de l'avenir peuvent se passer d'histoire ... même si c'est l'histoire qui nous l'enseigne. Le Rwanda est une excellent exemple
Plus généralement, il est inutile de passer son temps à chercher qui a chié dans le lit avant de s'être donné les moyens pour pouvoir laver les draps ... sachant que souvent l'histoire ne retiendra pas la réussite du lavage des draps.
2) Et comme je le répète l'évocation d'un riche passé n'est possible que si le dynamisme et la prospérité sont déjà installés .. sauf à servir de piège à touristes pour les pays où on est passé d'un riche passé à un pauvre présent.
3) En Californie j'ai rencontré des gens venants de pleins d’états américains différents et aussi de plains d'autres pays ( Maroc, Australie, Colombie, Sénégal, Thaïlande, ..) et se disent presque tous pleinement californiens. Tout simplement car la culture est centrée sur le présent et la réalisation de ses projets ...et surtout pas aux blessures du passé ou une quelconque revendication identitaire (et des blessures il y en au plein là bas). Je suis né en Martinique de parents et grands parents tous également nés en Martinique, et je lutterai toujours contre ceux qui voudraient que je sois autre chose que moi même ... et cela a commencé dès la cour de récré. Aujourd'hui je suis fier du résultat de cette lutte .
4) On ne demande des réparations qu'à des gens en vie qui ont été partie prenante d'un dommage. Et seules des victimes ayant vécu un préjudice sont éligible à demander des réparations. 173 ans plus tard, bourreaux et victimes sont morts depuis très longtemps, ainsi que leurs enfants et petits enfants ... Par contre pour moi les seuls vrais criminels sont ceux qui transmettent à leurs enfants des complaintes d'injustices passées au lieu de leur transmettre leur compréhension du présent et des rêves leur permettant de s'élever.
Sans rêves, et sans pragmatisme toute civilisation, tout peuple s’effondre .. Croire que le maintien au présent des blessures ouvertes passées fait la force d'un pays est une illusion. Les pays à passé difficile s'en sont sortis quand des gens ont incité au pardon, jamais aux réparations, et le Révérend Desmond Tutu en est un des meilleurs examples.
5) Ste Lucie et la Barbade ont la langue anglaise comme langue nationale ce qui est capital pour prendre conscience des enjeux du présent. De plus ont pris conscience que s'ils se centraient sur un passé douloureux ils s'écrouleraient car indépendant. Ainsi le pragmatisme a pris le dessus avec des actions gouvernementales favorisant les investissements extérieurs, et en punissant très sévèrement les tenants des délires qui pourraient faire leur pays s'écrouler. Pour tout dire j'ai même pensé à aller m’installer en télétravail à la Barbade avent le second confinement vu que le gouvernement a fait une superbe initiative dans ce sens.
Enfin il y a bien un esclavage d'une partie des jeunes aux réseaux sociaux qui est planétaire, mais a des effets pervers aux Antilles car cela n'aide pas à s'élever à cause du cloisonnement idéologique que font les algorithms.
Mais bon, comme on dit en Californie, "we agree to disagree" ... je ne vous ferai pas changer d'avis tout comme vous ne me ferez pas changer ... Et le constat de appauvrissement intellectuel et de ses causes, je l'ai fait très tôt mais je n'ai pas la force de lutter contre.
Cela fait 25 ans que je suis parti, et 10 ans que je ne suis pas revenu, même si je suis l'actualité de loin.

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