Pour nous tous et toutes qui en subissons les effets, «la vie chère» est une piqûre qui, tous les jours sans exception, vient rappeler que nous n’avons pas les moyens de répondre aux exigences d’une vie décente. Au moindre achat que nous faisons, à chaque facture que nous recevons, chaque fois qu’il faut payer les impôts, l’essence (etc.), ce sont les frustrations, le mal-être et la souffrance qui sont inconsciemment attisés et qui nous poussent, parfois, à agir de façon inconséquente. Il est donc essentiel d’analyser scientifiquement les racines de ce phénomène de «vie chère» et de définir avec lucidité les moyens d’avancer dans une direction alternative et salutaire.
Ces dernières semaines, à l’occasion des actions visant à combattre la vie chère dans notre pays, nous avons vu se succéder dans les médias, représentants d’entreprises, économistes, journalistes et dirigeants politiques, tous venus porter leurs explications quant à la racine du mal. Ce qui a été mis en avant par ceux qui s’accommodent du système, c’est que les marchandises viennent de loin, qu’il faut payer le fret et les intermédiaires et puis un diabolique «octroi de mer» qui, soit dit en passant, sert à financer les collectivités locales. Évidemment, il n’a pas été envisagé de supprimer la TVA ou les taxes foncières exorbitantes! Cette explication qui, à priori, paraît logique est totalement fallacieuse. Ceux qui, à juste titre, dénoncent la «pwofitasyon», ont rappelé le caractère scandaleux des marges que s’octroient la grande distribution et les entreprises européennes qui jouissent dans notre pays colonisé d’une situation de monopole. Cet aspect est évidemment important, mais il n’est que l’un des facteurs qui doit être pris en compte dans l’analyse.
Précisément, pour comprendre le phénomène de la vie chère, il est essentiel de considérer, en premier lieu, sa dimension internationale. Ce n’est pas un hasard si, sur tous les continents, les peuples se mobilisent pour la combattre. Cela illustre le fait qu’il s’agit là d’un effet inhérent au système économique mondial dominant.
Que ce soit en Martinique, en France où partout dans le reste du monde les mécanismes qui conduisent à la fixation des prix sont les mêmes. Et, aujourd’hui, où nous évoluons dans le cadre d’une économie globalisée, ce sont les décisions prises par des institutions contrôlées par les grands capitalistes occidentaux qui, en dernière analyse, déterminent les prix dans les moindres recoins de la planète.
A ce propos arrêtons-nous sur deux déclarations faites à l’occasion des débats qui ont suivi les récents événements dans notre pays :
- Premièrement, celle d’une députée qui dénonçait le fait que l’État n’assumait pas son devoir de protéger la population.
- Deuxièmement, celle du Préfet qui, au lendemain des rencontres organisées sous son égide, annonçait l’objectif de baisser les prix de certains produits de 20 % d’ici à quelques mois, précisant, toutefois qu’il fallait attendre l’installation du nouveau gouvernement français pour que des dispositions puissent être envisagées.
Eh bien ! Tout cela relève du «welto» ! Les théoriciens du Socialisme Scientifique ont déjà largement démontré que l’État est un organe de domination de classe et qu’on ne peut espérer aucune philanthropie de sa part.
Pour revenir à notre sujet principal, il nous faut rappeler que la théorie fondamentale sur laquelle s’adosse le système capitaliste, c’est le LIBÉRALISME ÉCONOMIQUE. Cette théorie qu’aucun économiste officiel ne conteste, implique le droit pour les capitalistes et les entrepreneurs de fixer librement le prix des produits et des services qu’ils mettent sur le marché. En période de crise majeure ou de guerre les États peuvent déroger à cette règle pour garantir la survie du système, mais il s’agit toujours de parenthèses généralement suivies d’un rattrapage restituant la donne aux capitalistes. Si dans certains secteurs un semblant de régulation a pu être mis en place, cela a toujours été sous la contrainte de mouvements populaires. Mais, là aussi, les États s’arrangent toujours pour que la main droite récupère ce qui à été donné par la main gauche.
Pendant ce temps, dans les universités, on étudie des théories justifiant que soient imposées les règles voulues par le système capitaliste dominant ; par exemple la « loi de l’offre et de la demande » ou le mythe de la « main invisible du marché » dont l’objectif est de masquer la dictature imposée à l’économie mondiale par les grands capitalistes, les dirigeants des banques et des multinationales.
Nous avons évoqué plus haut le libéralisme économique sur lequel était adossé le système capitaliste. Aujourd’hui, tous les économistes sérieux s’accordent pour reconnaître que nous sommes passés à l’heure de ce qu’on appelle «l’ultralibéralisme». C’est à dire que les dirigeants des banques et des multinationales ont installé directement leur pouvoir sur les institutions internationales et, en conséquence, les gouvernements des pays occidentaux ne sont plus que des gestionnaires chargés d’exécuter leurs directives. Ainsi, par le biais de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce), du FMI (Fonds Monétaire International), de la Banque mondiale ou de la Commission de Bruxelles, ils contraignent les États à appliquer les politiques économiques qui servent exclusivement leurs intérêts. C’est, par exemple, sur ordre de ces nouveaux maîtres du monde que les gouvernements sabotent les Services Publics et la Protection Sociale, afin de livrer des marchés aux investisseurs du Privé.
Forts, désormais, de leur pouvoir illimité, les multinationales, les banques, les spéculateurs et les méga-entreprises peuvent se livrer à toutes sortes de pratiques maffieuses telles que l’obsolescence programmée, l’abus de position dominante, le banditisme international qui, à coups d’embargos et de sanctions bafouant leur propre credo libéral et le droit international, entend écraser tous ceux qui menacent leur hégémonie.
On réalise que, dans un tel contexte, la lutte contre la « pwofitasyon » ne pourra être gagnée qu’à l’impérieuse condition d’être intégrée à une stratégie globale et intelligente visant à combattre le système prédateur dominant et à construire un système alternatif permettant l’accès au MIEUX-VIVRE pour tous.
Nous avons donc le choix entre deux attitudes :
- Soit «Babiyé», «Voyé Piyé», nous lancer dans des combats politiciens «san katjil» et
«san bâton», tout cela avec pour résultat de «chayé dlo an pannyié» et de rester
«konkonm san grenn.»
- Soit «Goumen oséryié pou chanjé la vi-nou». C’est-à-dire se mobiliser pour faire aboutir des revendications conséquentes et, en même temps jeter les bases de la construction du système alternatif.
Fok pa nou pran dlo mousach pou lèt !
Ceux qui ont choisi cette deuxième attitude savent que la priorité en la matière est de mener une lutte sans concession contre toute forme d’aliénation et d’illusions afin, qu’au bout du compte, nous puissions changer notre rapport à la production et à la consommation. Autrement dit, il n’est pas questions que nous empruntions des voies sans issue. C’est pour le POUVOIR DE VIE et non pour le POUVOIR D’ACHAT qu’il s’agit de se battre. Ce n’est pas pour «remplir le caddy» mais pour accéder à des produits nécessaires et sains, au prix raisonnable, qu’il convient de lutter ! Profitons en pour dire que la simple « baisse des prix » ne saurait être une réponse valable. On a vu comment, après les baisses annoncées à la suite du puissant mouvement de 2009, celles-ci ont surtout permis qu’on nous fourgue des produits de mauvaise qualité, nuisibles à notre santé ou dont le packaging cache un contenu frauduleusement diminué. Cyniquement, libéralisme oblige, des produits de qualité, très chers, continuent à les côtoyer dans les rayons des grandes surfaces, à la disposition de ceux qui peuvent les payer.
Oui, il y a urgence à se mobiliser pour améliorer la situation car la souffrance est grande pour la majorité de notre Peuple. Mais, de l’expérience des luttes populaires menées dans le monde comme dans notre pays même, nous retenons qu’il y a des conditions indispensables à remplir pour que la victoire soit possible. Les plus importantes de celles-ci sont, premièrement, que le Peuple en soit un acteur conscient et organisé et, deuxièmement, qu’il s’appuie sur la force de son unité et de sa cohésion.
Les revendications n’ont aucune chance d’être satisfaites si elles ne sont pas réalistes et collectivement évaluées par l’ensemble des acteurs concernés au sein du Peuple. Les mobilisations resteront vaines si les choix tactiques et les modalités d’action ne sont pas le fruit d’un travail planifié de réflexion et d’organisation impliquant effectivement les masses populaires.
Nous avons en face de nous des adversaires aguerris qui n’hésitent pas à organiser des provocations pour discréditer les mouvements sociaux et qui n’ont aucun scrupule à réprimer ceux-ci brutalement dès que leurs intérêts sont réellement en danger. C’est donc une très grave erreur de les sous-estimer et d’enclencher des batailles, « la fleur au fusil », sans stratégie globale, sans base arrière organisée.
D’autre part,comme nous l’avons dit plus haut, notre stratégie doit être globale et intelligente : si l’organisation de mobilisations visant à mettre fin aux abus chroniques d’aujourd’hui se justifie, notre tache majeure est de contribuer à dynamiser l’économie alternative et populaire qui permet déjà à notre Peuple de répondre aux difficultés les plus criantes et de subsister. Confronté à l’horreur du système esclavagiste, à la surexploitation colonialiste permanente, à la dictature fasciste de l’Amiral ROBERT, il a toujours su faire preuve d’un extraordinaire génie créatif et d’une formidable aptitude à la Résistance. Aujourd’hui encore, le dynamisme dont des milliers de Martiniquais et Martiniquaises font preuve pour créer et développer des initiatives dans tous les domaines, confirme ces capacités.
Nous pouvons faire significativement bouger les lignes en impulsant la synergie entre les réseaux de production et de diffusion qui se développent déjà, en nous organisant pour combattre et contourner les normes inadaptés que nous impose l’Europe, en agissant collectivement pour modifier les comportements en matière de consommation (notamment sur la plan de l’alimentation). C’est fondamentalement cette dynamique qui pourra nous prémunir du tourbillon de la vie chère et qui jettera des bases solides pour avancer sur le chemin de l’indépendance nationale et de la souveraineté.
Notre Peuple a besoin de l’engagement de tous, Jeunes et Anciens, militants et élus politiques conséquents, syndicats, pour que nos revendications aboutissent et pour avancer dans la construction d’une société alternative garantissant le mieux-être pour tous. Organisons-nous et montons au front !
Robert SAE
10.09.2024
ce sera très drôle! Lire la suite
...vous vous bouchez les yeux quand il s'agit d'identifier les VRAIS responsables de la situation Lire la suite
Les propos de Crusol sont gravissimes .C'est néanmoins une analyse originale qui mérite qu'on s'y Lire la suite
Rien de plus facile que de modifier la constitution. Lire la suite
En droit français actuel PERSONNE ,même pas Macron ne peut "octroyer" l'indépendance à un territo Lire la suite
Commentaires
Vie chère
Popotte
09/09/2024 - 18:56
Ce que l'on constate, c'est que la " vie chère" peu à peu devient un cadre de vie, une manière de fonctionner au quotidien, une "normalité pour le péyi Martinique".
Je ne comprends pas que beaucoup d'objets soient vendus " si chers" dans les ressourceries en Martinique.
Ils ont été DONNES, très souvent dans un bon état donc sans nécessité de restauration, mais leur prix de revente s'aligne (en péréquation évidemment) sur les prix élevés du neuf ... en Martinique et non pas sur celui du neuf du pays d'origine. Une chaise d'occasion vendue entre 5 et 10 euros en France peut être proposée au moins à 20 euros ici.
De même, trop d'artisans locaux, travaillant sur une matière naturelle qu'ils trouvent sur place , alignent leurs prix sur des objets, certes de qualité, d'importation vendus à prix d'or.
La cherté semble entrer progressivement dans notre ADN. Donc, c'est sûr; il faut stopper le processus et en revenir à une prise de conscience du " juste prix". Comme exemple du chien qui se mord la queue, on peut difficilement faire mieux.