Insurrection du sud (1870) : au-delà du commemorationisme...

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   Chaque année, nous avons droit au même rituel commémoratif en Martinique : l'Insurrection du sud (1870), qui avait embrasé une demi-douzaine de communes du sud et fait vaciller tout à la fois l'omnipotence békée et le pouvoir colonial français, est célébrée un peu partout. 

   Les mêmes mouvement ou partis politiques, les mêmes historiens, les mêmes artistes etc... tiennent les mêmes discours que l'année précédente ou proposent à peu près les mêmes spectacles teintés d'héroïsme. Louis TELGARD, le chef de l'Insurrection, qui n'a pas été capturé par les forces militaires françaises (on pense qu'il s'est réfugié à Sainte-Lucie), Lumina SOPHIE et d'autres héros sont célébrés, magnifiés même, et au Polygone de tir de l'ancien Jardin DESCLEUX, où furent fusillés une dizaine d'insurgés, on viendra se recueillir solennellement. 

   Ce commemorationisme finit forcément par devenir lassant.

   Pourquoi ? 

   Parce que la vraie question que pose l'Insurrection de 1870 est de savoir si, AUJOURD'HUI, nous sommes à la hauteur des idéaux et des luttes de TELGARD et des siens. Il ne s'agit bien évidemment pas de tenter de reproduire ceux-ci à l'identique puisqu'un siècle et demi nous sépare de cette fin du 19è siècle. Puisque la situation sociale, politique, économique a profondément changé. Puisque la Martinique de 1870 n'est pas celle de 2021. Sauf qu'il y a au moins deux choses qui n'ont pas changé : l'omnipotence békée et le pouvoir colonial français. Certes, ils se sont drapés dans des vêtements neufs ("la réconciliation et bablabla" chez les premiers ; "le rattrapage avec la Métropole" pour les seconds), mais la Martinique (comme la Guadeloupe) demeure encore un pays dominé, non-souverain, alors que la totalité de ses voisins anglophones t hispanophones sont indépendants.

   Le problème, le vrai problème, est donc de savoir, pour nous Martiniquais, comment continuer, par d'autres voies, le combat entamé en 1870. Car il ne s'agit pas de commémorer l'Insurrection ad vitam aeternam. En effet, cela ne dérange en rien les Békés et l'Etat français : "Les Nègres s'amusent, laissons-les faire !". Il s'agit de savoir si, dans les conditions actuelles, dans notre situation historique présente, en ce début de nouveau millénaire, comment pour pourrions trouver les voies et moyens de sortir "hors des jours étrangers" (A. Césaire). Sans discours racialiste ni haine du Blanc. Sans délire noiriste...

   Hélas ! Chaque fois que nos élus autonomistes sont au pouvoir, ils ne font pas avancer l'autonomie d'un seul millimètre. Et quand c'est au tour des indépendantistes, ils ne font pas avancer l'idée de souveraineté nationale d'un seul millimètre non plus. Tous se cachent derrière un bien commode "Nous n'imposons rien au peuple ! Nous marchons au même pas que lui". Sans doute que tout ce beau monde ignore ce qu'est l'expression "avant-garde"...

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