Législatives en Martinique : l'arme fatale dans la circonscription Nord

   La chose pourrait prendre la forme de la question ci-après : comment le maire d'une commune de moins de 1.500 (mille cinq-cents) habitants peut-il se retrouver en première position au premier tour des élections législatives alors qu'il avait en face de lui deux autres candidats dont l'un bénéficiait de l'appui de deux villes totalisant 36.573 (trente-six mille cinq cent soixante-treize) habitants et l'autre, au moins de l'électorat de la ville dont il est maire à savoir 6.987 habitants ? 

   La commune de moins de 1.500 habitants est celle du Prêcheur. Le gagnant du premier tour des législatives dans le Nord est son maire, Marcelin Nadeau. Ses deux adversaires : Jean-Baptiste Rotsen, soutenu par la ville dont il est le deuxième adjoint, Sainte-Marie, et par la ville de sa suppléante, celle de Schoelcher, dont elle est la première adjointe. L'autre candidat, sorti deuxième et qualifié, lui, pour le second tour est Justin Pamphile, maire du Lorrain. 

   Résumons :

 

   . LE PRECHEUR : 1.449 habitants.

   . LE LORRAIN : 6.987 habitants.

   . SAINTE-MARIE + SCHOELCHER : 36.573 habitants.

 

   Certes, une élection n'est pas seulement une question d'arithmétique, certes l'abstention a été très forte (près de 80%), mais enfin les chiffres sont là et bien là : le maire d'une commune de moins de 1.500 habitants a devancé ses deux adversaires principaux dont la population totalise...plus de 42.000 habitants. Serait-il ce gagnant du premier tour un génie de la politique ? Ses prestations radio et télé ainsi que ses meetings auraient-ils été si brillants au point de convaincre les électrices et électeurs des 17 communes autres que la sienne que compte la circonscription du Nord ? Evidemment non !

   Quel a donc été son secret ? Son arme fatale plus exactement.

   On sait que J-P. Nilor, son compère du parti PEYI-A qui se présentait dans le sud a utilisé, de façon diffamatoire mais fort habile, la haine viscérale des Martiniquais contre Macron-obligation-de-la vaccination. Le gagnant du premier tour dans le sud a, en effet, accusé Olivier Véran, l'ancien ministre de la santé, d'être intervenu auprès de la justice afin qu'Alfred Marie-Jeanne ne soit pas condamné à titre provisoire dans une affaire de justice liée à une déclaration de revenus incomplète. Accusation gravissime et peu crédible mais qui a touché en plein dans le mille, Olivier Véran étant celui qui chaque soir, quand l'épidémie de covid faisait rage, venait à la télé annoncer les chiffres des contaminés et surtout exhorter à la vaccination. Dans l'esprit du Martiniquais moyen, Macron et Véran c'était menm bet menm pwel et donc rien d'anormal à sanctionner dans les urnes A. Marie-Jeanne, accusé d'avoir bénéficié du coup de pouce (illégal) de Véran.  

   Le maire de la commune de 1.449 habitants, Nadeau, n'a pas utilisé une ficelle aussi grossière que Nilor mais a joué sur son soutien total aux soignants mis à pied pour refus de vaccination. Inutile de revenir sur le côté délirant de ce refus, surtout chez des gens qui doivent prendre pas mois de 7 vaccins pour être habilités à travailler en hôpital. Délirant comme on peut le voir désormais puisqu'on n'a assisté à aucune hécatombe due à l'ARN Messager chez les 85% de Français vaccinés. S'il y a eu hécatombe par contre, c'est bien en Martinique avec ses 1.100 décès à la date d'aujourd'hui ! Bref... Flatter le refus des Martiniquais de se faire vacciner est payant électoralement mais dans le cas de Nadeau, il n'y a pas eu que cela. Quand on examine les professions de foi des candidats de PEYI-A, on est stupéfait de constater que la première chose sur laquelle, elles insistent ce n'est pas le chômage, ce n'est pas le chlordécone, ce n'est pas la fuite de notre jeunesse à l'extérieur, ce n'est pas l'économie de comptoir qui asphyxie la production martiniquaise etc..., mais l'insécurité. Une impressionnante augmentation des forces de police, d'armée et de douaniers est réclamée afin de pouvoir faire face à une violence venue de l'extérieur et donc forcément de la Caraïbe ! Pour des souverainistes, c'est pour le moins curieux vu que ces renforts ne pourraient provenir que de l'Hexagone et donc nous amener encore plus de forces de l'ordre (ou de répression) "blanches". Renforts qui sans aucun doute continueront de harceler, juger et emprisonner des activistes dont on a tout à fait le droit de ne pas approuver les actions mais qui jusqu'à preuve du contraire n'ont volé ni tué personne.

   Certes, l'insécurité est devenue grandissante à la Martinique et nous en sommes déjà à 12 morts par balles en cette année 2022. Mais croire et faire croire à la population que ce sont des renforts policiers et douaniers qui ramèneront le calme est de la démagogie en plus d'être une pure fumisterie. La réalité est que le système mis en place en 1946 est à bout de souffle, quasiment en état de mort cérébrale, et qu'il est le premier responsable du délitement accéléré de notre société. Car il n'y a pas que les assassinats, il y a aussi l'incivilité générale qui sévit à travers le pays. Agressions verbales pour une place dans une queue, menaces de coups pour un simple froissage de tôle automobile, refus de laisser les autres s'exprimer et lynchage sur les réseaux sociaux comme ce fut le cas dernièrement contre la chanteuse du groupe Kassav, pollution sonore nocturne comme on a pu le voir avec les fameux bradjak en dehors de la période du carnaval, lâcheté des intellectuels qui préfèrent coudre leur bouche face aux vakabonnajri qui se multiplient dans le pays, arrogance des exploiteurs békés et surtout, le pire, la corruption en col blanc tous azimuts et non réprimée par la justice. 

   Est-ce que ce sont des renforts policiers et douaniers qui permettront de trouver des réponses à ces graves problèmes ? Fok arété pwan moun pou tèbè titak ! Mais jouer sur la vaccination et la peur des immigrés caribéens est électoralement payant, très payant, dans une Martinique où personne ne veut regarder la réalité en face ni prendre sa part de responsabilité dans le désastre actuel. Il est bien plus confortable de faire peser tous nos problèmes sur le dos du "Blanc" et des Haïtiens ou Saint-Luciens ! 

   Et puis après tout, un poste de ministre ou un strapontin de secrétaire d'état pour un député martiniquais au cas où Mélenchon deviendrait premier ministre nous permettrait de revenir au score face à nos frères (ennemis) de la Guadeloupe qui pour l'heure mènent par 7-0 contre nous : Bambuck-Micheaux-Chevry-Lurel-Penchard-Pau-Langevin-Flessel-Bénin.

   Autant en rire, n'est-ce pas ?...

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