Matoutou ou matété : un exemple de créolisation culinaire

   Cette période de Pâques au cours de laquelle aux Antilles, nous consommons cette sorte de fricassée de crabes de terre appelée "matoutou" en Martinique et "matété" en Guadeloupe, est une excellente occasion de réfléchir au processus de créolisation dans le domaine culinaire.

   Pour les kalinago-centrés, ce terme proviendrait du matoto, sorte de petit panier tressé en latanier sur lequel les autochtones de nos îles disposaient leurs repas et l'on sait, par les chroniqueurs du 17è siècle, qu'ils faisaient une très grande consommation de crabes. Pour les afro-centrés, il proviendrait du mot "atutu" (de la langue fongbe) désignant un plat à base de crabes, chose également documentée dans les textes historiques. 

   En fait, le terme amérindien matoto et le terme africain atutu se sont interpénétrés, ont fusionné pour former un mot nouveau, matoutou ou matété, qui deviendra le plat favori aux Antilles durant la période de Pâques. Toutefois, le matété guadeloupéen est encore plus syncrétique, plus créole que son cousin martiniquais le matoutou car il s'y ajoute de la farine de manioc (production amérindienne) et du riz (originaire d'Asie comme l'on sait). S'y ajoute également du curry qui provient de l'Inde par le biais des immigrants venus de ce pays à partir de 1853, curry également présent dans le matoutou martiniquais.

   On le voit donc : s'enfermer dans une origine unique, dans une pseudo-identité pure, est une absurdité dans des territoires comme les nôtres ou quasiment toutes les cultures du monde ont été (violemment certes) mises en présence. Notre matoutou ou matété n'est ni amérindien ni africain ni asiatique. Il est créole !

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