En Martinique, suite aux déboulonnages de statues et ratures de noms de rue jugés "colonialistes" par de jeunes activistes, certaines municipalités dites "de gauche" ont commencé, elles aussi, à faire le ménage.
On débaptise et rebaptise en grandes pompes.
Très bien ! Mais cela ne revient-il pas à se donner bonne conscience à peu de frais ? Ne serait-ce pas de la poudre aux yeux visant à calmer une jeunesse révoltée ? Car enfin, le collège Vincent Placoly, les rues Xavier Orville ou René Achéen, c'est très bien, sauf...Sauf que quand vous vous rendez en librairie, impossible de trouver les ouvrages de ces augustes personnages que l'on a ainsi honorés ! Dès lors, ces derniers deviennent, dans l'esprit du public, des noms de...rues et de bâtiments. Juste ça ! Cela flatte, certes, notre nationalisme de pacotille, mais rien de plus.
C'est qu'il n'y a jamais eu de POLITIQUE DU LIVRE dans le pays natal des Césaire, Zobel, Fanon, Glissant et autres, ce qui est tout de même paradoxal. Quel que soit le parti au pouvoir aux ex-Conseil général et Conseil régional ou à l'actuelle CTM (Collectivité Territoriale de Martinique), qu'il ait été de droite, autonomiste ou indépendantiste, cela a toujours été et continue d'être du pareil au même. Cette incurie découle d'abord d'une confusion, qui, il est vrai, n'est pas propre à la Martinique, entre LIVRE et LITTERATURE alors que personne ne confond SPORT et FOOTBALL. Certes, littérature et football sont dominants à l'échelle mondiale dans leurs domaines respectifs, mais ils sont loin, très loin, de recouvrir l'entièreté desdits domaines.
Prenons un exemple : on aurait bien aimé trouver en librairie l'ouvrage De l'autonomie publié en 2002 (il n'y a donc pas si longtemps de cela) par un certain... Serge Letchimy. Ne serait-ce que pour vérifier si ce qu'il a couché sur le papier correspond bien à la politique qu'il mène chaque fois qu'il détient le pouvoir local. Or, cet ouvrage est introuvable ! Seuls deux éditeurs ont tenté de pallier cette absence totale de politique du livre en Martinique : Emile Désormeaux (qui avait édité René Achéen soit dit en passant) au siècle dernier et Florent Charbonnier (qui a réédité récemment un livre de Xavier Orville), directeur de Caraibéditions, au présent siècle. Cela sans la moindre aide un tant soit peu conséquente du pouvoir local ! Tous deux ont dû s'appuyer principalement sur la... DAC (Direction de l'Action Culturelle), organisme de...l'Etat français.
Pour en revenir à la regrettable confusion entre "livre" et littérature" et à ceux qui lancent bravement "Je n'aime pas lire", il faut leur rappeler charitablement que le livre, ce n'est pas seulement de la poésie et du roman. C'est aussi l'histoire, l'anthropologie, la sociologie, la psychologie, l'économie, la linguistique, les sciences etc... A ce propos, on aimerait bien trouver également dans nos librairies De la nation martiniquaise d'un certain...Camille Darsières publié par les éditions Désormeaux en.... Ne serait-ce que pour s'ahurir du fait qu'en deux-cent cinquante pages, l'auteur n'a pas un mot, pas une ligne, sur ce qui a pourtant servi de liant, de catalyseur, à ladite nation à savoir la langue et la culture créoles.
Baptiser nos rues et nos bâtiments publics du nom de nos écrivains, historiens, économistes, politologues, linguistes (il y a une rue Jean Bernabé) etc... est bien. Très bien même ! Mais définir une politique du livre est mieux. Bien mieux ! Quant au fameux "Comité de lecture", dont personne ne connait la composition, qui est chargée d'examiner les manuscrits d'auteurs qui sollicitent une aide financière de la CTM ou d'éditeurs locaux qui font la même demande, on est en droit de savoir qui en fait partie, sur quels critères et surtout sur quelle politique du livre elle s'appuie. Mais sans doute est-ce trop demander...
...cette précision, cela n'a rien à voir avec le fond de l'article. Me semble-t-il...
Lire la suite"National" au sens "national Mquais". Ça va sans dire, mais ça va mieux en le disant...
Lire la suite...mè "dannsòl".
Lire la suiteSi on vous comprend bien, MoiGhislaine, le charbon de Lorraine devrait, pour reprendre votre expr Lire la suite
Je crains que vous n'ayez mal compris cet article. A moins que ce ne soit moi qui me trompe. Lire la suite
Commentaires
UNE BOUTEILLE A LA MER
MONTHIEUX Yves-Léopold
27/04/2023 - 16:27
Un homme a joué un rôle incomparable dans la vie littéraire martiniquaise, l'éditeur Emile DESORMEAUX. Il a accompagné les débuts de tous les écrivains des années 1960-70-80 de la Martinique. Ils étaient quasiment tous de gauche et certains d'entre eux connurent les meilleures fortunes, dont le Prix Goncourt. Son "Encyclopédie antillaise" était détenu par quasiment tous les enseignants. Il a été un diffuseur essentiel du livre écrit par des Martiniquais et puissamment contribué au rayonnement littéraire de la Martinique. Sa collection "La vie d'un colon à la Martinique au XIXème siècle" est une source inépuisable dont aucun historien ne peut se passer, encore en ce moment. Son premier atelier était situé au numéro 1 de la future rue ACHEEN (ex rue Galliéni). Il n'avait qu'un seul défaut, peut-être le plus grave : ne pas détenir la bonne carte politique.
EMILE MAURICE
Albè
28/04/2023 - 08:27
L'oeuvre d'Emile Désormeaux est, en effet, immense, mais ce n'est parce qu'il n'était pas de gauche qu'il n'a pas reçu l'appui qu'il méritait. Emile Maurice (droite) fut pendant plus de vingt ans président du Conseil général, qui, à son époque était beaucoup plus important que le Conseil régional, et pourtant on n'a pas souvenir que cette institution ait aidé les éditions Désormeaux.
"L'OEUVRE DE DESORMEAUX EST IMMENSE" : C'EST BIEN, ALBE !
MONTHIEUX Yves-Léopold
28/04/2023 - 16:10
Je confesse que l'argument partisan (que je n'apprécie guère) m'a été plus que soufflé par un éminent intellectuel que vous connaissez bien et qui lui est redevable. Le seul qui ait rédigé un "mot" après la disparition de Désormeaux. Merci de reconnaître que son œuvre est immense. C'est une reconnaissance louable de la part du témoin de l'époque que vous êtes, qui ne paraissez pas être de droite. Envoyez un petit mot au maire Fort-de-France. J'ignore qui a aidé ou pas Emile, sachant que dans son métier et dans la vie, il a fait preuve d'une absence totale de sectarisme et a fréquenté davantage la gauche que la droite où l'on retrouve très peu d'écrivains. De fait, il a œuvré pour la Martinique et bien plus pour la gauche que pour la droite. Je crois surtout qu'il s'est aidé lui-même, après avoir prématurément quitté le lycée pour entrer dans la vie active tout entière orientée vers la culture. A l'heure du bilan et de la reconnaissance, le tri partisan peut paraître désuet. Précoce, dès son arrivée en seconde, il avait souhaité rencontrer Césaire par le truchement de son fils, alors "pion" au lycée : un "petit mot" de l'admirateur à remettre au poète (qui n'aurait jamais été reçu). C'est pourtant de son imprimerie que, plus tard, aurait été débauché le futur directeur du Sermac.