"Non-Blanc", l'insulte suprême

     Nous avons l'habitude de considérer que les insultes raciales sont celles qui sont lancées au visage des personnes qui ne sont pas d'ascendance européenne : "négro", "bougnoule", "bicot", "asiate", "niaqwé", "pakie", "bamboula", "banania" et autres "raton". Insultes visant les Noirs, les Arabes, les Indiens, les Asiatiques et les Amérindiens ainsi que tous les Métis. 

     Et si nous nous trompions ?

     Si l'insulte suprême n'était pas là où nous le croyons ? En effet, lorsque dernièrement Rishi Sunak, d'ascendance indienne, fut nommé Premier ministre du gouvernement britannique, toute la presse mondiale a titré : "Sunak est le premier non-Blanc à occuper ce poste". Et cette expression de "Non-Blanc" est passée comme une lettre à la poste. Il n'y a eu personne pour s'en étonner ni pour la mettre en question ni chez les "Blancs" ni chez les prétendus "Non-Blancs". Tout le monde a trouvé cette désignation parfaitement normale. 

     Or, utiliser "Non-Blanc" revient tout simplement à considérer le Blanc comme la mesure de l'humanité.

     A cautionner donc la hiérarchisation raciale définie par les penseurs racistes de la fin du 19è siècle comme Gobineau ! En effet, lorsque dans les années 60, au moment de l'indépendance du Sénégal, le président Senghor avait nommé un Blanc, Jean Colin, comme ministre de la justice, personne, aucun média n'a titré : "Un Non-noir nommé ministre au Sénégal". Pas plus que lorsque Sonia Gandhi, Italienne de naissance, fut nommée présidente du parti du Congrès, on n'a lu dans la presse "Une Non-Brune désignée chef du plus grand parti indien". Ni non plus, lorsque dans l'Afrique du sud postapartheid, des ministres blancs sont nommés à tel ou tel poste, on ne les désigne comme "Non-Noirs".

   Employer l'expression de "Non-Blanc" revient donc à cautionner, de manière inconsciente sans doute, ce système qui place le Blanc tout en haut et le Noir tout en bas (cf. Gobineau) et au milieu, à différentes places, les Arabes, les Indiens, les Asiatiques, les Amérindiens et les Polynésiens. En réalité, "Non-Blanc" est même pire que "bougnoule" ou "négro" car en l'utilisant comme si de rien n'était, comme si le Blanc était la mesure de l'humanité, on admet de facto la supériorité raciale des personnes d'ascendance européenne que celles-ci vivent en Europe, en Amérique du Nord, en Australie, en Nouvelle-Zélande etc...

Commentaires

Deux associations d'idées suite à cet article :

Frédéric C.

09/11/2022 - 10:41

1)L'expression "coloured people" utilisée sciemment et sans recul parodique à l'époque de la ségrégation ostensible aux USA relevait de la même logique.
2)Plus grave: l'expression "Continent Noir" est utilisée pour désigner l'Afrique: c'est la même logique pigmentaire, racialise, et au fond très raciste. On désigne là un continent en fonction de la couleur supposée de la peau de ses originaires. (Passons sur le fait que la majorité des habitants au nord du Sahara ne sont pas "Noirs": les racistes ont le droit d'être cons et aveugles) Le pire est que sous la plume d'éminents "intellectuels" cette expression est reprise telle quelle. Si on veut aller jusqu'au bout, comment appeler l'Europe ? Logiquement, c'est "Continent Blanc". Très bien, parfait ! Pourquoi ne le fait on pas? Parce que l'Europe est la "norme", c'est évident ! Ah! Nous y voilà !... Et l'Amérique, c'est le continent de quel couleur ? Afouez: noussaffins les mouailleins teu fous Vairé bareler!! Ben, euh, y eu comme un métissage légèrement conflictuel entre le 16è et le 19è siècle, avec des petits génocides de rien du tout... Ach! Vous safouez?... Tout ça pour dire que de nombreuses expressions utilisées par l'Occident "Blanc" mériteraient d'être élimininées du langage, d'autant que de nouvelles, de même inspiration, apparemment... Et que de nombreux "non-Blancs" les reprennent à leur compte sans aucune distance critique... N'est ce pas au fond parce que ces sociétés européennes ou d'origine majoritairement européennes (USA, Australie...) sont restées au fond très... "gobinistes", "blanco-centristes", etc... Bien sûr, des Antillais blancs (pas forcément békés) verront là des élucubrations d'obsédé racial. Ils feraient mieux de regarder au-delà de leur nombril, et se demander pourquoi ce sont, en France par exemple, des Noirs ou des Maghébins d'origine qui font le plus souvent l'objet de contrôles d'identité, ou de tabassages par les F.D.O.?

Couleurs

OuiNon

09/11/2022 - 12:53

Jusqu'à présent, tous les Premiers ministres britanniques ont été blancs. Ce n'était pas une "norme" mais un fait. Sunak n'est pas blanc. Il est donc le premier Premier ministre non-blanc de Grande-Bretagne. C'est aussi un fait. Et un fait n'est pas insultant : il est et c'est tout.
La vraie question est de savoir pourquoi on en fait un buzz.
Les médias occidentaux s'en servent pour dédouaner la Grande-Bretagne des accusations de racisme anti-non-blanc dont elle fait l'objet. La Grande-Bretagne n'est pas raciste, la preuve : son Premier ministre est non-blanc. CQFD.
Mais il est d'autres motivations. Par exemple, le 10/10/2022, le présent blog s'est intéressé à trois ministres du Gouvernement Liz Truss dont la caractéristique commune étaient d'être non-blancs (même si le terme n'a pas été utilisé). Cette caractéristique avait paru suffisamment importante pour motiver un article. Alors, pourquoi pas pour Sunak ?
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L'expression "continent noir" se réfère à la couleur de peau majoritaire de sa population. L'autre nom est "Afrique subsaharienne".
On parle aussi de "musique noire", de "beauté noire", etc.
Ce sont des manières de parler discutables. Mais parfois revendiquées avec fierté.
Ainsi, Haïti se glorifie d'être la première "République noire". Personne ne se dit République blanche, ni jaune. Et personne ne se revendique deuxième "République noire". Mais c'est ainsi...

NON-NOIR

Albè

09/11/2022 - 16:29

OUINON, j'au comme l'impression que nous n'avons pas lu le même article. Ce dernier ne critique pas les mots "Blancs" ou "Noirs" mais le fait que seule l'expression "Non-Blanc" est utilisée, comme si, et c'est clairement expliqué, les Blancs étaient l'unité de mesure de l'espère humaine. Cela ne vous interpelle pas que l'on ne dise jamais "Non-Noir", "Non-Jaune", "NOn-Brun" ou "Non-Rouge" ? Franchement !

OuiNon...

Frédéric C.

09/11/2022 - 18:34

Je partage l'avis d'Albè. Concernant l'expression "musique noire", c'est vrai qu'elle est parfois revendiquée avec fierté, comme naguère le mot Nègre (adossé à la Négritude). C'est pourtant discutable: ces musiques se définiraient par rapport aux musiques "blanches" (expression jamais lue), donc "par rapport" à une pseudo-"norme" non-dite, mais évidemment "blanche... D'autre part, jouaient-ils des musiques "noires": Bob Marley (mulâtre), Mickaël Jackson, Johnny Clegg (Blanc), Chico Barque , le rocker des fifties Jerry Lee Lewis qui jouait du piano-boogie-woogie "comme un Noir" et en se déchaînant sauvagement sur son piano (récemment DCD; écoutez la V.O. de "Whole Lotta shakin'goin'on", vous verrez) et tant d'autres ?... Sur le "Continent Noir", ce que vous dites je le sais. Mais "Continent Noir" est une expression créée..."en Europe". On ne peut pas dire, comme vous le faites en substance, "c'est comme ça que ça se dit et puis c'est c'est tout, point barre !": cette position est purement empiriste et euro-centrée, et en-dessous il y a un discours idéologique : la norme ce serait le Blanc,.et là on revient à l'article !.. A mon avis il vaut mieux faire attention aux termes qu'on emploie, c'est très rarement neutre (surtout que dans toute l'Europe se développent des partis se faisant concurrence pour "laver plus Blanc"). C'est particulièrement critique en Italie et dans l'"Ensemble Institutionnel Français".... Au fait, vous ne m'avez pas répondu sur la "couleur" des continents extra-Africains.. Pourquoi l'Afrique aurait-elle seule une qualification (selon vous légitime) ainsi racialisée?.

Notes

OuiNon

09/11/2022 - 21:37

L'Antarctique est parfois nommé le "continent blanc" car il est composé de glace et de neige.
Jadis, on nommait "pays noir" le nord de la France, à cause du charbon qui noircissait tout, y compris les mineurs, surnommés "gueules noires" (et ce n'était pas du "blackface" !)
En revanche, appeler "continent noir" ou "Afrique noire" l'Afrique subsaharienne ne correspond à rien de physique : globalement, l'Afrique subsaharienne n'est pas noire mais verdoyante. On se réfère à la couleur dominante des habitants, qu'on dit "noirs" (et non pas "non-blancs"). Personnellement, je trouve la chose malvenue, contrairement à l'impression que j'ai pu donner.
C'est comme parler de "pays arabes" ou de "pays francophones". On cible les habitants contemporains qui sont arabes ou francophones. Jadis, les populations de ces territoires étaient souvent différentes. Et, en tout état de cause, aucun territoire n'est arabe (sauf peut-être l'Arabie) et encore moins francophone, puisque les territoires ne parlent pas.
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L'Occident a surtout été dirigé par des blancs. Quand ça change, comme Sunak, Premier ministre de Grande-Bretagne, ou Obama, président des Etats-Unis, on le remarque. On titre sur le premier Premier ministre "non-blanc" ou le premier président "noir". Il y en a même qui font la fête, y compris hors de Grande-Bretagne ou des Etats-Unis.
Mais il me semble que la même chose se produit quand il y a du changement ailleurs. Ainsi quand Evo Morales a été élu président de la Bolivie, on a titré sur le premier président "indien" du pays.
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Il est certain qu'à la place de "non-blanc" pour Sunak, on aurait pu dire "indien". Comme on a dit "noir" pour Obama, ceci sans faire dans la dentelle. Ainsi le "noir" Obama est un métis Américaine blanche/Africain noir, élevé dans une famille blanche à Hawaï, puis étudiant de prestigieuses écoles aux Etats-Unis. Il n'a pas grand-chose à voir avec la majorité des Américains afro-descendants, sauf la peau (il est vrai que Paul Valéry disait que la peau est ce qu'il y a de plus profond chez l'homme).
Il est certain aussi que nos manières de s'exprimer sont essentiellement occidentales. Il serait intéressant de connaître le vocabulaire utilisé ailleurs.

OuiNon, sans vouloir vous offenser...

Frédéric C.

10/11/2022 - 08:56

... vous ne répondez pas à ma question. L'expression 'Antarctique "continent Blanc" n'est pas passée à la postérité, et de toute façon n'a rien à voir avec la racialisation de groupes humains vivant sur un continent... L'expression "Continent Noir" m'a TOUJOURS choqué. Continuons sur la lancée! L'Amérique : continent "rouge" (du moins avant l'invasion européenne)? Wè, Peut-être, encore que certains envisagent que le peuplement américain pré-colonial ait commencé via des migrations ouest-est sur les terres (immergées depuis) du détroit de Behring ? OK. Et pour l'Asie: continent jaune? Oui et Non: ça marche pas, car où peut-on mettre les Indiens du nord, relativement clairs de peau, mais pas "jaunes", par rapport aux Dravidiens, du Sud de l'Inde et s'apparentant côté "pigments" aux engagés de Mque et Gpe au 19é siècle ap.JC. Et l'Australie ? Ben ça a été un "continent noir", mais les conquérants ont un peu merdé question génocide, donc...heu...fine weather, isn't it ? Oh, yes, my taylor is rich.... Et à part ça? Au final, on peut dire comme Jauni À-L'Idée: "Noir c'est Noir, il n'y a plus d'espoir"... Voilà où peuvent mener les "bottages en touche" dans les questions de ce genre : à des "impasses sans issue dont on ne peut pas sortir" (même si on est habillé de lourdes tautologies) sauf par des couillonnades. Derrière les apparences, ce serait pas mal que nous nous voyons tels que nous sommes, que nous voyons l'être humain derrière son apparence physique, que nous lâchions l'homme. Je ne sais plus qui disait ça voici 70 ans, mais c'était à la fois un défi pour nous tous et un superbe cri d'espoir! Arriverons-nous un jour à cette hauteur ? J'ai des doutes... En attendant, je vais m'acheter une tête-de-Nègre, pardon! un Congolais à la pâtisserie, en espérant que le pâtissier n'aura pas encore fait du travail d'Arabe, et ne rira pas jaune en me rendant la monnaie... Mais non, la langue française n'est pas raciste, elle est comme ça et puis c'est tout.

Vice et vertu

OuiNon

10/11/2022 - 09:48

1.- Je n'ai jamais dit "Mais non, la langue française n'est pas raciste, elle est comme ça et puis c'est tout". J'ai écrit "C'est ainsi..." en conclusion d'un paragraphe où je rappelais la fierté des Haïtiens à proclamer leur pays première "République noire". Les Haïtiens font ce qu'ils veulent mais, personnellement, je n'aime pas l'expression. Pas plus que je n'aime l'expression "Afrique noire". Je m'étonne seulement qu'on puisse "en même temps" applaudir à "République noire" et dénoncer "Afrique noire". Dans le second cas, la racialisation est un vice, dans le premier cas, c'est une vertu. Cependant, la contradiction ne gêne personne, apparemment. C'est pourquoi j'ai dit : "C'est ainsi..." avec fatalisme.
2.- En Martinique, on ne trouve pas de "têtes de nègre" dans les pâtisseries mais, en revanche, on trouve des boucles d'oreille "tété négresse" dans les bijouteries. "C'est ainsi..." suis-je tenté de dire.

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