Le parti de la Négritude (PPM) serait-il en train de sombrer dans le noirisme ?

     L'ouvrage dont la photo de couverture illustre le présent article fut publié en 1976. Cela fait donc... 48 ans, quasiment un demi-siècle donc.

     Or, en Martinique, des ignares ont prétendu que notre site-web avait inventé le mot "noirisme" pour critiquer les déboulonneurs de statues ! Bref... Le noirisme a donc été d'abord dénoncé en Haïti parce que c'était l'idéologie du régime de François Duvalier et de ses macoutes. Qu'avait fait ce dernier ? Il avait dévoyé la Négritude ! Cette dernière, comme chacun sait, développe une vision du monde à la fois humaniste et universaliste et si elle s'oppose au suprématisme blanc, cela n'a jamais été pour le remplacer par un quelconque suprématisme nègre. Il suffit de se plonger dans n'importe quel ouvrage de Césaire pour s'en rendre compte.

    Cependant, comme chacun sait ausi, toute idéologie étant susceptible d'être dévoyée, Duvalier avait transformé la Négritude en noirisme comme en Russie, le communisme s'était transformé en stalinisme ou, de nos jours, la pensée islamique se voit caricaturée en islamisme, voire en djihadisme. Ou encore, à notre petite échelle martiniquaise, la créolité se voit détournée en créolitarisme par certains Békés et leurs affidés de couleur à travers une association au nom démagogique.

    Nul ne peut rien contre ce phénomène de dévoiement mais au moins faut-il s'efforcer de le contenir, voire de le combattre quand cela est nécessaire. C'est ce que le PPM n'a jamais fait ! Il n'est pas pensable que ses dirigeants en trois-quarts de siècle d'existence du parti n'aient pas vu monter en leur sein (au SERMAC, par exemple) des vélléités de noirisme. En fait, ils s'en sont bien rendus compte mais soit ont fermé les yeux soit y ont vu une manière d'effrayer leurs adversaires politiques. Peu à peu, la Négritude a donc fini par se diluer dans le Noirisme et tout le monde était content au sein du parti. Sauf qu'à trop jouer avec le feu, on finit tôt ou tard par se brûler. C'est ce qui est arrivé au maire de Fort-de-France lorsqu'il se retrouva enchainé devant l'entrée de sa mairie par des manifestants qui protestaient contre à la fois le rejet par le PPM du déboulonnage des statues coloniales et l'embauche au SERMAC de "Ti Milat incompétents"

 

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    Bien avant cela, celui que Césaire avait choisi pour lui succéder au poste de premier édile de Fort-de-France fut qualifié de Kouli (Indien) et on entendit ici et là des gens s'indigner : "Ki manniè an Kouli pé vini mè Fodfwans ?" (Comment un Indien peut-il devenir maire de Fort-de-France ?). Les plus âgés se souvenaient sans doute de l'époque où tous les éboueurs de la capitale étaient des Indiens qui croupissaient dans un minuscule quartier appelé Obéwo (Au Béraud) coincé entre les Terres-Sainville et le canal Levassor. Le dauphin de Césaire échappa à cette opprobre sans doute parce qu'il n'est qu'à moitié indien, sa mère étant une Noire. Or, a-t-on jamais entendu qu'au sein du PPM le moindre débat ait été organisé autour du mépris que subissaient à l'époque les Indiens ? Non ! 

    Aujourd'hui, l'épouse d'un ancien secrétaire général du PPM qui fut l'un des deux bras-droit de Césaire pendant des décennies fait circuler un texte dont voici quelques extraits :  

    "Je crois qu'un comité national ne pourra régler ni la division du parti ni le fait que le secrétaire général, issu du dernier congrès, ni le fait que les membres minoritaires au dernier congrès de ce même comité national n'ont pas fait campagne (et parfois ont demandé de ne pas voter Hajjar), situation inédite dans la vie de notre parti. Tous ces faits montrent que ces membres ne peuvent continuer à gérer le PPM... Si on n'intègre pas ces faits, précisés hier à la réunion au siège, c'est une situation honteuse et démocratiquement, on ne peut continuer ainsi... sans compter les faits de racisme et de dénigrement enver le candidat officiellement désigné par la commission d'investiture. Par ailleurs, durant toute la campagne électorale, le secrétaire général et les membres de son groupe au dernier congrès ne venaient pas au siège et n'ouvraient pas certaines salles du siège fermées à clé et parfois nécessaires pour la campagne. Si des sanctions sévères, des dénonciations claires, des démissions justifiées ne sont pas prises, notre PPM, que nous a légué Aimé Césaire, ira à sa perte comme la Ville-capitale..."

   On imagine un Béké suprématiste (tous ne le sont pas fort heureusement) lisant ce message qui tourne en boucle sur les réseaux sociaux. Il boit du petit lait, le bougre, lui qu'on ne cesse d'accuser de racisme et qui voit qu'au sein du Parti de la Négritude, le racisme existe AUSSI. Il débouche le champagne, ce Béké ! Et tout ça grâce à qui ? A des noiristes et autres Neg ki wè lajan ta (le "ta" dans cette expression signifiant "tardivement"). Même si on ne partage pas les idées ou la politique du PPM, on ne peut manquer d'être consterné par des gens qui préfèrent perdre leur bastion électoral, leur fief, leur citadelle même, uniquement par racisme anti-Syrien. S'étant sabordés, on verra bien comment ils parviendront à remettre leur embarcation à flôt ! 

   Le noirisme n'est qu'une réponse imbécile au békéisme. Une réponse le plus souvent inefficace, gesticulatrice et qui ne fait que retarder l'accession de la Martinique à sa pleine et entière souveraineté. Car les Syro-Libanais sont arrivés à la Martinique à partir de 1880, cela fait donc presque 150 ans, "une main-devant-un-main-derrière". Ils fuyaient la colonisation du Levant (Syrie, Liban, Palestine, Jordanie) par les Français et les Britanniques. Ils ont émigré à travers toute l'Amérique sauf aux Etats-Unis qui leur avaient interdit l'entrée de leur territoire alors même que ces Levantins étaient quasiment tous des chrétiens. Au départ, ils étaient de simple colporteurs de tissus et de vêtements qui arpentaient les quartiers des villes et battaient les campagnes martiniquaises. Puis, petit à petit, ils ont ouvert des commerces de vêtement à la rue François Arago, à Fort-de-France, que le peuple baptisa "Rue des Syriens". Peuple qui, loin de leur montrer la moindre hostilité, appréciait bien au contraire le système de crédit mit en place par eux à chaque rentrée scolaire, ce qui permettait aux enfants des quartiers populaires d'être correctement vêtus et chaussés.

   Comme les Indiens et les Chinois arrivés avant eux (1853), les Syro-libanais se sont progressivement fondus dans notre kaléidoscope créole. Qu'au sein du parti de Césaire règne ce que l'épouse de l'ancien secrétaire général du PPM n'a pas hésité à qualifier de "racisme" est tout simplement UNE HONTE !

 

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