PARTI SOCIALISTE : DES ÉLÉPHANTS AU POST-SCRIPTUM

Patrick Chesneau

   Mais où sont donc passés les éléphants du PS? Ces pachydermes cacochymes ont orchestré la météo politique de la gauche française pendant des décennies...Leurs barrissements insolites proclamaient l'avènement d'un monde meilleur. Promesse empreinte de naïveté mais ils avaient l'audace conquérante arrimée à l'encolure. Changer la vie était leur credo. Puis, le réel s'est chargé de piétiner leurs rêves. L'économie de marché et les marchés financiers ne leur ont fait aucun cadeau. Pas de crédit avant retour sur investissement. Alors, ils ont changé d'avis. Le tournant de la rigueur s'est imposé. Leur idéal se transformant au fur et à mesure en pures ambitions boutiquières. Foin d'idéologie devant les impératifs électoralistes. Le troupeau des pachydermes prescripteurs d'une conscience de classe a commencé à vaciller avant dispersion lente, progressive, hasardeuse. Les mastodontes sont devenus des nains. Leur capacité d'intervention dans le champ du social s'est considérablement amenuisée en quelques années, entrainant une perte vertigineuse d'influence. Incapables de penser le monde contemporain. Leur production textuelle est graduellement devenue inexistante. 

   " L'impotent c'est la rose " psalmodiait le choeur des pleureuses nostalgiques. Ce qui n'a pas suffi à inverser le cours de l'histoire. Insensiblement, le pouvoir leur a filé entre les doigts. Rédhibitoire. Seuls quelques naturalistes friands d'aberrations génétiques s'intéressaient encore à eux. Brut de décoffrage, on a constaté que le Parti Socialiste n'était plus le jumbo-parti d'antan. Babars en déroute. Ebauche d'explication : les éléphants du PS se sont beaucoup trompés et fourvoyés dans les marigots du libéralisme. Ils s'y sont embourbés avec une délectation spécieuse dont le pendant a été une forte dose d'inconscience au point de se retrouver au bord de l'extinction. Tous parqués dans une réserve politique, sorte de jungle que certaines cartes et quelques grimoires antédiluviens nommaient Solférino, du nom de son découvreur. Un Livingstone latin pétri de culture classique mais peu connaisseur des transhumances doctrinales. Des manuels d'éthologie signalaient initialement une variété d'éléphants, étonnamment roses...de plaisir quand on leur frottait l'échine. Leur propension à engranger les victoires ne manquait de les revigorer dans un environnement néanmoins maussade. Subséquemment, la brosse à reluire dont on les gratifiait dans les débats de société flattait leur égo. Goinfrés de vanité, sachems et manitous, potentats et roitelets, hobereaux et palefreniers, cadres et militants se sont imaginés hégémoniques à gauche pour une rallonge d'éternité. Suffisance et fatuité.  En vertu de la théorie de l'évolution par sélection naturelle chère à Darwin, cette horde en tutu et falbalas rose-fuchsia a muté en un pack d'individus lourds et massifs, peu mobiles, à la couenne grisâtre, genre descendants en ligne directe des mammouths du pliocène. Dans les rencontres au sommet entre partis de gauche, l'atmosphère changeait en leur défaveur. Un peu comme si, dans une salle de bal, un gros poteau rose dissimulait les têtes d'affiche de la vue du public. Sur scène, d'autres acteurs captaient l'attention. Le PS, de vedette à second couteau. Les caciques se sont époumonés mais en vain. Ils ont crié à la trahison du peuple par les forces au service du grand capital, se lançant à corps perdu dans la quête frénétique d'on ne sait quel complot, un pot aux roses qui serait le coupable idéal de leur déréliction. 

   Cependant, tout effort d'introspection pourtant indispensable, passait à la trappe. Dans le champ des fragiles colchiques idéologiques, on ne remarquait plus que leur inanité conceptuelle. Certes, ils ont continué d'investir, avec quelque brio au début, le périmètre électoral qui leur garantissait gîte, couvert et possibilité de reproduction facile. Inventant un type de safari aux subventions publiques très performant. Ils ont proliféré dans les zones de démocratie locale, à commencer par les municipalités où les principes participatifs étaient enracinés de longue date. Là où s'inventaient, dans la glaise du terrain, des itinéraires inédits vers de mythiques pays de cocagne. Un éléphant, une voie. Mais, un jour, dans une charge pour le moins intempestive, ces géants ont confondu leurs intérêts stratégiques de long terme avec des calculs beaucoup trop tacticiens à courte vue. Cantonnée dans une savane à boisement clairsemé, la race des seigneurs s'est peu à peu étiolée, évanouie. Feuilletons la littérature arboricole. Dans cette sylve par endroits exubérante en saison des pluies, quelques baobabs ont été affublés de patronymes recouvrant des baronnies dans le monde des hommes, Hollande, Cazeneuve, Ayrault, Le Foll, Cambadélis. Ces individus à plumes avaient la faculté de toujours se raccrocher aux branches, même en chute libre. Tels des funambules se jouant de tout scénario perdition. La gauche plongeait dans l'abîme. Eux, réussissaient à éviter le précipice. Reste que ces arbres imposants cachaient une forêt en déshérence...

   La grande jachère.

   Des racines à la canopée, aucune régénérescence et pas de tronc commun avec les nouvelles boutures qui risquaient une tête hors de l'humus. De nos jours, il en est résulté une formation microscopique, toujours estampillée socialiste mais du genre bonsaï...Japoniaiseries pour mangas revisitées par un horticulteur de grande perversité. La griffe Olivier Faure. Soi-disant pour mieux labourer un terrain escarpé. Quelques éléphanteaux ont pris leurs jambes à leur cou, attirés par les sirènes de la macronie. L'attrait nourricier est parfois irrésistible. Quant au parti du petit timonier, il part en PS détachées...Qu'à cela ne tienne. Le syndrome de la coque de noix...même pas peur. Il a opté pour un sort sacrificiel. Inéluctablement. Comme si le destin de son rassemblement croupion était de se faire avaler par une grosse plante carnivore, la NUPES, espèce toxique qui empoisonne toute la gauche. 

   Dans cette famille d'opiacés, annonciatrice de paradis artificiels, on a même identifié une ramification, LFI, qui résiste à tous les défoliants connus. Échappée des serres d'un paysan madré qui a étudié la culture sur brulis sur les contreforts des Andes. El condor pasa. Ailes déployées, le cartel de Jean-Luc Mélenchon a recouvert les aires naturelles, vallées encaissées et mornes plaines, où prospéraient vaille que vaille les Verts, amateurs congénitaux de chlorophylle et gambadait un rescapé de l'historiographie ouvrière, le PCF, reconnaissable à deux ustensiles tatoués sur le torse, une faucille et un marteau. La NUPES, flanquée de ses appendices foliacés, NUPE et NUPS, n'est autre qu'un végétal invasif empiétant avec constance sur d'autres plates-bandes, bien au-delà de son terreau naturel et semble s'épanouir dans ce qu'il est convenu d'appeler le jardin à la chinoise. Un type d'aménagement très particulier. A partir d'un empire du milieu, il s'agit d 'annexer toutes les autres traditions culturales voulant s'enraciner indépendamment. Selon les observateurs, ce jardin affiche une fâcheuse tendance à l'expansion territoriale au détriment des autres catégories de faunes et flores.

  Si la vie grégaire est rarement un chemin jonché de pétales de roses, la saga aboutit à une modification substantielle de la couverture  des épineux et résineux. Historiquement originaires d'Épinay-sur-Seine, les socialistes avaient élu domicile à Paris mais, couturés de dettes, nos lascars jadis flamboyants ont dû migrer vers la banlieue très excentrée pour tenter de se refaire la cerise. Pour l'heure, ils ne récoltent que des bouts de queue rabougris. Le parti héritier de Jaurès, Blum et Mitterrand a écrit de grandes pages de l'histoire. Il est aujourd'hui un reliquat ravalé au rang de post-it sur une porte de frigo. L'ère de la glaciation. Un simple Post-Scriptum en bas de page. Pas sûr que l'éclaircie soit en ligne de mire. Les roses au rencart, le PS dernière mouture a malencontreusement gardé les épines. Cette fois, sous la forme de cactus. A défaut de piquant, l'avenir risque d'être déchirant.

 

PATRICK  CHESNEAU

Commentaires

Vérité cruelle

Veyative

14/08/2022 - 09:14

Quand on parle d'éléphant on pense aux fameux cimetières. Mais ce serait trop facile de la glisser , et comme vos autres écrits, je salue aussi celui ci: très rythmé parsemé de drôleries, de sarcasmes...

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